Robert Hirsch (acteur)

Robert Hirsch (acteur)
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Robert Hirsch

Naissance 29 juillet 1925
L'Isle-Adam (France)
Nationalité Drapeau de la France français

Robert Hirsch est un acteur français né le 26 juillet 1925 à L'Isle-Adam, dans le Val-d'Oise (France).

Venu de la danse classique, il opte pour le Conservatoire national supérieur d'art dramatique d'où il sort en 1948 avec deux premiers prix de comédie. Sa carrière est d'emblée vertigineuse.

Son rôle d'Arlequin dans La Double Inconstance de Marivaux (aux côtés de Micheline Boudet dans une mise en scène de Jacques Charon) le révèle au grand public. Elsa Triolet lui rend un bel hommage : « Robert Hirsch [...] est étonnant de gaîté, d’humanité, de gentillesse. Les répliques de Marivaux semblent naître directement dans sa bouche, être de lui »[1].

Il créera la prochaine pièce de Florian Zeller en janvier 2012 à Hébertot.


Sommaire

Carrière à la Comédie-Française

  • Rôles :
  1. un Alguazil, Ruy Blas, Victor Hugo, m.e.s. Pierre Dux, 2 novembre 1948
  2. Joseph, Le Voyage de monsieur Perrichon, Eugène Labiche et Édouard Martin, m.e.s. Jean Meyer, 1948
  3. l'Apothicaire, Monsieur de Pourceaugnac, Molière, m.e.s.Jean Meyer, 22 novembre 1948
  4. Pedrolino (personnage du ballet), Monsieur de Pourceaugnac, Molière, m.e.s. Jean Meyer, 22 novembre 1948
  5. un apothicaire, Le Malade imaginaire, Molière, 28 novembre 1948
  6. Pédrille, Le Mariage de Figaro, Beaumarchais, m.e.s. Jean Meyer, 13 janvier 1949
  7. Arlequin, Le Prince travesti, Marivaux, m.e.s. Jean Debucourt, 4 février 1949
  8. Bob Laroche, Les Temps difficiles, Édouard Bourdet, m.e.s. Pierre Dux, 26 février 1949
  9. Jodelet, Les Précieuses ridicules, Molière, m.e.s. Robert Manuel, 23 mars 1949
  10. le chinois, Le Soulier de satin, Paul Claudel, m.e.s. Jean-Louis Barrault, 24 avril 1949
  11. Mascarille, Les Précieuses ridicules, Molière, m.e.s. Robert Manuel, 5 mai 1949
  12. Bellerose, Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, m.e.s. Pierre Dux, 4 mai 1949
  13. William Touret, Le Roi, Gaston Arman de Caillavet, Robert de Flers et Emmanuel Arène, m.e.s. Jacques Charon, 10 mai 1949
  14. Blond, Le Roi, Gaston Arman de Caillavet, Robert de Flers et Emmanuel Arène, m.e.s. Jacques Charon, 19 mai 1949
  15. Lycaste, Le Mariage forcé, Molière, m.e.s. Robert Manuel, 12 octobre 1949
  16. Troisième quidam, Jeanne la Folle, François Aman-Jean, m.e.s. Jean Meyer, 26 octobre 1949
  17. 7e Cadet, Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, m.e.s. Pierre Dux, 8 février 1950
  18. l’Éveillé, Le Barbier de Séville, Beaumarchais, 1949
  19. Arlequin, Les Fausses Confidences, Marivaux, m.e.s. Maurice Escande, 28 février 1950
  20. Catalinon, L'Homme de cendres, André Obey, m.e.s. Pierre Dux, 13 avril 1950
  21. Valentin le Barroyer, La Belle Aventure, Gaston Arman de Caillavet, Robert de Flers et Étienne Rey, m.e.s. Jean Debucourt, 9 mai 1950
  22. Frontin, Les Sincères, Marivaux, m.e.s. Véra Korène, 11 septembre 1950
  23. Arlequin, La Double Inconstance, Marivaux, m.e.s. Jacques Charon, 19 septembre 1950
  24. Capet, Le Président Haudecœur, Roger Ferdinand, m.e.s. Louis Seigner, 5 octobre 1950
  25. Antolycus, Le Conte d'hiver, Shakespeare, m.e.s. Julien Bertheau, 15 novembre 1950
  26. Rédillon, Le Dindon, Georges Feydeau, m.e.s. Jean Meyer, 3 mars 1951
  27. le Maître de musique, Le Bourgeois gentilhomme, Molière, m.e.s. Jean Meyer, 14 juin 1951 à Strasbourg, 3 juillet 1951 à Paris
  28. Monsieur Robert, Le Médecin malgré lui, Molière, à Zurich, 30 juin 1951
  29. Gabriel, Le Veau gras, Bernard Zimmer, m.e.s. Julien Bertheau, 24 octobre 1951
  30. Pierre de Touche, Comme il vous plaira, Shakespeare, m.e.s. Jacques Charon, 6 décembre 1951
  31. le Maître à danser, Le Bourgeois gentilhomme, Molière, m.e.s. Jean Meyer, 11 février 1952
  32. l'Infant de Navarre, La Reine morte, Henry de Montherlant, m.e.s. Pierre Dux, 13 juin 1952 à São Paulo
  33. Pierrot, Dom Juan ou le Festin de pierre, Molière, m.e.s. Jean Meyer, 5 novembre 1952
  34. Sylvestre, Les Fourberies de Scapin, Molière, m.e.s. Jean Meyer, 5 novembre 1952
  35. le sacristain Diego, Le Curé espagnol, adaptation de Roger Ferdinand d'après Fletcher et Philip Massinger, m.e.s. Jean Meyer, 20 décembre 1953
  36. Clitidas, Les Amants magnifiques, Molière, m.e.s. Jean Meyer, 20 octobre 1954
  37. Robert Cécil, Elizabeth la femme sans homme, André Josset, m.e.s. Henri Rollan, 11 mai 1955
  38. Macroton, L'Amour médecin, Molière, m.e.s. Jean Meyer, 15 janvier 1956
  39. Pascal et Maxime, La Machine à écrire, Jean Cocteau, m.e.s. Jean Meyer, 16 mars à Bruxelles, 21 mars 1956 à Paris
  40. Amédée, Amédée et les messieurs en rang, Jules Romains, m.e.s. Jean Meyer, 24 octobre 1956
  41. Scapin, Les Fourberies de Scapin, Molière, m.e.s. Jacques Charon, 8 novembre 1956
  42. Premier marquis, L'Impromptu, Marcel Achard, 9 mars 1957, château de Groussay
  43. Carlos, Le Sexe faible, Édouard Bourdet, m.e.s. Jean Meyer, 12 octobre 1957
  44. Sosie, Amphitryon, Molière, m.e.s.Jean Meyer 18 novembre 1957
  45. Denis, Un homme comme les autres, Armand Salacrou, m.e.s. Jacques Dumesnil, 8 octobre 1958
  46. Eusèbe Potasse, Les Trente Millions de Gladiator, Eugène Labiche et Philippe Gille, m.e.s. Jean Meyer, 8 novembre 1958
  47. Jules Bouquet, Le Bouquet, Henri Meilhac et Ludovic Halévy, m.e.s. Jean Meyer, 1959
  48. Tchong-Li, Le Voyage de Tchong-Li, Sacha Guitry, m.e.s. Jean Meyer, 1959
  49. le Jardinier, Électre, Jean Giraudoux, m.e.s. Pierre Dux, 28 octobre 1959
  50. Néron, Britannicus, Jean Racine, m.e.s. Michel Vitold, 13 janvier 1961 = 51 fois
  51. Bouzin, Un fil à la patte, Georges Feydeau, m.e.s. Jacques Charon, 10 décembre 1961
  52. Molière, L'Impromptu du Palais-Royal, Jean Cocteau mai 1962 en tournée au Japon
  53. Scapin, La Troupe du Roy, d'après Molière, texte et m.e.s. Paul-Émile Deiber, 1962
  54. Raskolnikov, Crime et Châtiment, Fiodor Dostoïevski - Gabriel Arout, m.e.s. Michel Vitold, 1963
  55. Jean, La Soif et la Faim, Eugène Ionesco, m.e.s. Jean-Marie Serreau, 27 février 1966
  56. Tartuffe, Tartuffe, Molière, m.e.s. Jacques Charon, 14 décembre 1968
  57. George Dandin, George Dandin, Molière, m.e.s. Jean-Paul Roussillon, 1970
  58. Moron, La Princesse d'Élide, Molière, 30 janvier 1970 (télévision)
  59. le roi Henri II d'Angleterre, Becket ou l'Honneur de Dieu, Jean Anouilh, m.e.s. Jean Anouilh et Roland Piétri, 27 septembre 1971
  60. Richard III, Richard III, William Shakespeare - Jean-Louis Curtis, 27 mars 1972
  61. Tartuffe, La Troupe du Roy, d'après Molière, texte et m.e.s. Paul-Émile Deiber, 1972
  62. le Maître de philosophie, Le Bourgeois gentilhomme, Molière, m.e.s. Jean-Louis Barrault, 1972
  63. Le Molière imaginaire, ballet-comédie de Maurice Béjart, m.e.s. Maurice Béjart, 1976

Hors Comédie-Française

Analyse de sa carrière

Si son parcours à la Comédie-Française est jalonné de beaux rôles et d’incontestables succès, il doit jouer dans des mises en scène dont l’esthétique ne convainc guère. Bernard Dort analyse ainsi la représentation des Amants magnifiques de Molière due à Jean Meyer : « Pareille opération s’effectue en deux temps. D’abord, le décorateur et le metteur en scène optent pour l’archaïsme. [...] Mais Jean Meyer [...] a encore voulu “faire moderne”. Aussi superpose-t-il à une décalcomanie du Grand Siècle tout l’attirail du théâtre, voire du music-hall à grand spectacle contemporain. [...] le final évoque irrésistiblement ceux des Folies-Bergères »[2]. Les pièces données n’échappent pas non plus à cette esthétique contestable et au goût « bourgeois ». Ainsi, Un homme comme les autres d’Armand Salacrou, donné à la salle Luxembourg, pièce dans laquelle Robert Hirsch reprend le rôle du personnage créé avant-guerre par Jean-Louis Barrault. Guy Dumur s’indigne : « Marcel Achard, Édouard Bourdet, Sacha Guitry, Salacrou... La salle Luxembourg est devenue une annexe du boulevard. Aucun des vrais auteurs du XXe siècle — français ou étranger — n’y sont plus représentés. Ce choix est inadmissible [...]. La pièce de Salacrou est du plus pur Bernstein. Coucheries, trémolos, psychologie livresque, tout y est faux d’un bout à l’autre »[3].

De cette Berezina, Robert Hirsch se tire toujours tant il métamorphose la médiocrité en grandiose, le mauvais goût en sublime, le poussiéreux en trouvaille avant-gardiste... Ainsi, dans Le sexe faible d’Édouard Bourdet, une pièce dont Bernard Dort déplore la vulgarité et l’indigente mise en scène de Jean Meyer, Hirsch fait du gigolo Carlos une étonnante création : « Robert Hirsch, dont le jeu volontairement outré, un jeu de cabaret, vient “renforcer” les artifices de l’œuvre »[4]. Jean-Jacques Gautier, quant à lui, aime la pièce et s’enthousiasme à propos du jeu de Robert Hirsch : « Robert Hirsch, le cheveu sombre et luisant, le regard charbonneux, la denture éblouissante, l’accent savoureux, multiplia les mimiques d’une incroyable drôlerie. Impossible de résister à ses fureurs bouffonnes, non plus qu’à sa gesticulation frénétique. Il se dégage du personnage de Carlos interprété par M. Hirsch une stupéfiante, une énorme drôlerie »[5].

Cette première partie de la carrière de Robert Hirsch est marquée par son interprétation de deux rôles de Molière, Scapin et Sosie. Pour les Fourberies de Scapin, la mise en scène de Jacques Charon est efficace mais sans inventivité. L’intérêt, c’est Scapin-Hirsch. Dans un ouvrage de fiction, Le Roman d'un souffleur, Micheline Boudet décrit le spectacle : "(...) quel feu ce petit bonhomme, c'est du salpètre - il se donne à fond - on sent qu'il a son métier dans la peau (...) A la scène des procès, il a une trouvaille par réplique. On voit passer "le petit mulet" avec ses longues oreilles, les doigts crochus des créanciers, l'ombre noire de la justice, le public hurle de rire. Il a une puissance telle qu'il entraîne la fine troupe littéralement galvanisée." (p. 60-61) La critique abonde dans le même sens « d’emblée, Robert Hirsch se pose et pose son Scapin devant nous. Il apparaît : il n’est même plus Robert Hirsch dans Scapin, un comédien, mais une vedette, une star, Scapin en Robert Hirsch. Il a ses tics dont il joue. Jamais il n’essaie de nous faire croire qu’il est quelqu’un d’autre que lui-même. Il est Scapin-Hirsch. Un Protée. Un enfant prodige qui joue et se joue de tout »[6]. L’enthousiasme de Jean-Jacques Gautier vaut bien le précédent : « Scapin, c’est Robert Hirsch. Et Robert Hirsch est un acteur prodigieux, un acteur de génie qui s’apparente aux plus grands de toujours. Sa puissance comique est énorme. Il a le théâtre en lui. Du vif argent coule dans ses veines »[7]. Pourtant, derrière le comédien-virtuose pointe le clown triste que signale Bernard Dort : « S’il ne compose pas Scapin, il ne joue pas non plus Molière mais Hirsch : c’est-à-dire un enfant gâté qui aime à se travestir. Un enfant frustré qui ne fait des tours aux autres que parce qu’il se sent mal dans sa peau. Un enfant terrible, toujours sur le bord des larmes »[8]. Le même Bernard Dort juge sévèrement la mise en scène d’Amphitryon par Jean Meyer (« spectacle bâtard, hésitant... Jean Meyer a monté Amphitryon : il ne l’a pas mis en scène ») et l’ensemble de l’interprétation, à l’exception de Robert Hirsch : « Là-dessus, en Jupiter du Théâtre-Français, Robert Hirsch brouille encore les cartes. Son Sosie est vrai, trop vrai à force d’être composé. Ce n’est plus un rôle ; ce n’est même pas le rôle d’Amphitryon ; c’est un digest de tous les rôles, des fous de Shakespeare aux égarés de Pirandello, en passant par chaque valet du répertoire. Hirsch apparaît, Hirsch parle, Hirsch parodie : personne autour de lui ne joue plus. On fait silence et on regarde. Hirsch est Sosie ; il est Amphitryon : il est Alcmène... Il n’a pas de double ; il est à lui-même son double, et bien plus encore. Il n’appartient plus à la pièce. C’est un acteur anthropophage : il a dévoré tout le Français »[9]. Admirative, Béatrix Dussane observe, de façon judicieuse : « On fait grande fête au Sosie de Robert Hirsch, prétexte à mille trouvailles certes irrésistibles, mais quelque peu détaché de l’ensemble par l’abondance même d’une verve dont la bouffonnerie s’enlève sur un fond triste. Le comique de Hirsch, qui parfois touche à l’invention géniale, s’apparente plus à Chaplin qu’à Scaramouche »[10]. Guy Dumur n’avait-il pas déjà remarqué dans sa critique de Un homme comme les autres : « Robert Hirsch pour qui le temps est venu de nous prouver qu’il est un grand acteur. Qu’il joue Richard III, par exemple »[8].

Bouffon grandiose et pitoyable, Robert Hirsch mime les situations jusqu’à l’absurde, plus qu’il ne dit les mots. En ce sens, il devient un formidable créateur d’images folles superposées au texte ; il est, à proprement parler, un comédien surréaliste et il apporte quelque modernité dans le jeu de la Maison. Désormais, c’est toute la troupe qui tourne autour de lui et joue les faire-valoir. Ainsi, dans Un fil à la patte de Georges Feydeau, campe-t-il un Bouzin pathétique. Françoise Kourilsky, pourtant irritée par le choix d’une telle œuvre, ne peut cacher son admiration : « Robert Hirsch se surpasse dans une composition où ne manque aucun “truc d’acteur”. C’est un pot-pourri de Scapin, de Charlot, de Guignol... Grimé de façon insolite (on pense au maquillage d’Ekkehard Schall dans Arturo Ui), il fait une entrée d’autant plus remarquée qu’elle est attendue. Pantin gesticulant, il se désarticule sans fin, se plie, se déplie ; se replie, monte et descend les escaliers en y touchant à peine, prend des mines éperdues ou inquiétantes, soulignées par une série de grognements bizarres. Le tout avec une virtuosité qui force l’admiration et l’irritation. On n’applaudit plus au mot, on applaudit à la grimace. On n’est plus au théâtre, mais au cirque ou chez les chansonniers. La continuité dramatique est sacrifiée au gag. Un sort est fait à chaque geste, à chaque mimique, à chaque intonation »[11]. Béatrix Dussane observe qu’« il ajoute, à son désopilant personnage de bouffon calamiteux, une manière de seconde vie, qui le prolonge vers Kafka ou vers Shakespeare... »[12].

Un an auparavant, Hirsch avait enfin abordé la tragédie en interprétant le rôle de Néron du Britannicus de Racine, mis en scène par Michel Vitold. Le rôle de Néron est, de tout le théâtre de Racine, celui qui permet le plus d’innovation, voire d’extravagance. Au début du siècle, à la Comédie-Française, Mounet-Sully et Edouard de Max n’ont-ils pas affirmé cette conception d’un Néron caractériel ? Par ailleurs, la mise en scène de Michel Vitold vient à un moment de crise profonde. La Comédie-Française excelle dans Molière, Labiche et Feydeau mais — à un moment où triomphent Vilar et Barrault sur d’autres scènes — la représentation tragique ne parvient pas à convaincre : des mises en scène sans inventivité, des tragédiens sans génie... Dans ce contexte, l’interprétation de Robert Hirsch fait date. Béatrix Dussane analyse le jeu de Robert Hirsch avec beaucoup de précision : « Hirsch nous a donné un des Néron les plus intéressants que nous ayons jamais entendus. Il ne dispose pas — et il le sait — des somptueuses ressources vocales si nécessaires en principe aux tragédiens. Aussi fait-il alterner les éclats d’extrême violence, toujours étonnement intenses et justes, avec de longs passages parfois presque murmurés où, du coup, il frôle le chuchotement, risque l’ironie familière et suggère même, sans s’y abandonner cependant, la virtuelle possibilité d’un effet comique »[13]. Jean-Jacques Gautier reproche pourtant le ton général beaucoup plus shakespearien que classique de la mise en scène. Bertrand Poirot-Delpech semble frappé par l’« identification maladive » du rôle. « Le Néron qu’il vient de créer au Français est un exemple peu commun d’interprétation réaliste »[14]. Naguère on reprocha à l’acteur Beaubourg les mêmes excès : « son jeu était outré, ses gestes forcés, sa déclamation peu naturelle, ses inflexions désagréables. [...] Lorsque Beaubourg jouait Néron dans Britannicus, c’était avec des cris affreux et tout l’emportement de la férocité qu’il disait à Burrhus, en parlant d’Agrippine :

Répondez m’en, vous dis-je ; ou sur votre refus,
D’autres me répondront et d’elle et de Burrhus »[15].

Malgré quelques réserves et le fait que ce Britannicus s’apparente sans doute davantage à un drame de Shakespeare qu’à une tragédie de Racine, ce moment reste mémorable dans l’histoire de la maison et dans la carrière de Robert Hirsch.

Pendant l’administration Escande, Hirsch vole de succès en succès : La Soif et la faim d’Eugène Ionesco, Tartuffe, Arturo Ui au TNP, où il reprend le rôle créé par Vilar, George Dandin, Becket (Anouilh, Richard III...

La rencontre de Robert Hirsch avec Jean-Paul Roussillon — alors étoile montante de la mise en scène au Théâtre-Français — a lieu dans George Dandin. Claude Olivier, dans les Lettres françaises (14 octobre 1970), reproche à Roussillon un certain manque de rigueur dans sa lecture, comparée à celle de Planchon quelques années auparavant. Il s’indigne aussi de la fâcheuse habitude des acteurs du Français qui en font trop. Par contre, François-Régis Bastide est enthousiaste : « il y a Robert Hirsch, qui était déjà l’an dernier un Tartuffe admirable. Je me demande si ce Dandin n’est pas encore plus admirable, car plus difficile, plus contraire aux pentes naturelles de Robert Hirsch. Il n’avait jamais fait ça. [...] Tout ce qui est souvent un peu outré dans le jeu de Hirsch, un peu trop sûr de ses moyens physiques, de sa force, de sa folie de bête, deviendra la profonde tristesse, l’accablement le plus sobre, le plus dominé. Il suffit de l’entendre murmurer pour lui-même ses “Oh ! George Dandin !” C’est déchirant »[16].

Robert Hirsch aborde enfin un personnage de roi shakespearien, Richard III, pour sa dernière création en tant que sociétaire de la Comédie-Française. « Connaissant sa tendance naturelle au paroxysme clinique, on pouvait redouter qu’il ne compose un Richard claudiquant, tremblotant. Or, il se contente de poser en commençant les contours physiques du personnage, la tête posée de biais au bas da la bosse, le rythme cassé de la marche, le bruit de pied-bot foulant le sol, mais le regard et la voix restent aussi insondables dans la détresse du dépouillement que dans la férocité » écrit Bertrand Poirot-Delpech dans Le Monde du 31 mars 1972. Pour Mathieu Galey, Robert Hirsch bien dirigé par Terry Hands « s’assagit, se concentre dans un effort d’une admirable rigueur »[17]. Même sentiment chez Guy Dumur dans Le Nouvel Observateur qui écrit : « Hirsch réussit à nous prendre nous-mêmes à son jeu. Il devient émouvant, il joue de son hystérie, de ses infirmités en grand, en immense comédien. Quand après une pirouette, il revient à son cynisme, à sa méchanceté naturelle, on sent comme un souffle glacé vous parcourir le dos »[18].

Après son départ, il se consacra au boulevard. Ces dernières saisons, il retrouve des auteurs plus en phase avec son immense talent, comme Pirandello, Beckett, Pinter...

Dans Le Gardien d'Harold Pinter, en 2006/2007, mise en scène de Didier Long, Hugo Lattard de Ruedutheatre analyse : "Robert Hirsch est lâché comme dans un jeu de quilles. De la bête de scène vorace qui, dans sa longue carrière, a vampirisé une liste de pièces épaisse comme l’annuaire, il reste à peu près tout. Sous l’allure frêle et dégingandée se cache un ogre. Remonté comme une pendule, bardé de tics, dans une incessante danse de Saint-Guy, sitôt son entrée, il couine, souffle, peste, râle, fulmine, tempête, gronde. Il use de tous les registres, du grotesque, s’appuie sur le public comme au boulevard, se sent pousser des ailes, en fait trop, vise juste l’instant d’après. Il joue. Un rôle qui lui ressemble. Et avec une facilité étonnante, il tire toute la couverture à lui. En face, pendant ce temps, on regarde un peu passer le train."

Filmographie

Télévision

Récompenses

Robert Hirsch a été élevé au rang de Commandeur des Arts et Lettres le mardi 5 décembre 2006.

Liens externes

Notes

  1. Chroniques théâtrales, p. 195.
  2. Théâtre Populaire, no 10, novembre-décembre 1954.
  3. Théâtre Populaire, no 32, 4e trimestre 1958.
  4. Théâtre Populaire, no 28, janvier 1958.
  5. Deux fauteuils d’orchestre, p. 218.
  6. Bernard Dort, Théâtre Populaire, no 22, janvier 1957.
  7. Deux fauteuils d’orchestre, p. 169.
  8. a et b Op. cit.
  9. Théâtre Populaire, no 29, mars 1958.
  10. J’étais dans la salle, p. 134, Mercure de France.
  11. Théâtre Populaire, no 45, 1er trimestre 1962.
  12. Op. cit., p. 203.
  13. Op. cit., p. 183.
  14. Le Monde du 18 janvier 1961.
  15. Lemazurier, Galerie historique des acteurs du Théâtre-Français, p. 125, Paris, 1810.
  16. Les Nouvelles Littéraires du 15 octobre 1970.
  17. Les Nouvelles Littéraires du 3 avril 1972.
  18. Le Nouvel Observateur, 10-15 avril 1972.

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