Michel Debré

Michel Debré
Page d'aide sur l'homonymie Pour les autres membres de la famille, voir : Famille Debré.
Michel Debré
Michel Debré.jpg
Michel Debré, en 1960.

Mandats
1er Premier ministre français
(149e chef du gouvernement)
8 janvier 195914 avril 1962
&&&&&&&&&&&011923 ans, 3 mois et 6 jours
Président Charles de Gaulle
Gouvernement Michel Debré
Législature Ire législature
Majorité Majorité présidentielle
UNR - UDT - CNIP - MRP - FAEAS puis RNUR
Gaullistes - Droite - Centre
Prédécesseur Charles de Gaulle (président du Conseil sous la IVe République)
Successeur Georges Pompidou
Ministre d'État,
chargé de la Défense nationale
3e ministre de la Défense de la Ve République
22 juin 19695 avril 1973
Président Georges Pompidou
Premier ministre Jacques Chaban-Delmas
Pierre Messmer
Gouvernement Jacques Chaban-Delmas
Pierre Messmer I
Prédécesseur Pierre Messmer
Successeur Robert Galley
Ministre des Affaires étrangères
31 mai 196816 juin 1969
Président Charles de Gaulle
Alain Poher (intérim)
Premier ministre Georges Pompidou
Maurice Couve de Murville
Gouvernement Georges Pompidou IV
Maurice Couve de Murville
Prédécesseur Maurice Couve de Murville
Successeur Maurice Schumann
Ministre de l'Économie et des Finances
8 janvier 196631 mai 1968
Président Charles de Gaulle
Premier ministre Georges Pompidou
Gouvernement Georges Pompidou III
Georges Pompidou IV
Prédécesseur Valéry Giscard d'Estaing
Successeur Maurice Couve de Murville
Ministre de l'Éducation nationale
(par intérim)
23 décembre 195915 janvier 1960
Président Charles de Gaulle
Gouvernement Michel Debré
Prédécesseur André Boulloche
Successeur Louis Joxe
Garde des Sceaux,
ministre de la Justice
1er juin 19588 janvier 1959
Président René Coty (IVe République)
Président du Conseil Charles de Gaulle
Gouvernement Charles de Gaulle III
Prédécesseur Robert Lecourt
Successeur Edmond Michelet
Titulaire du fauteuil 1
de l'Académie française
24 mars 19882 août 1996
Prédécesseur Louis de Broglie
Successeur François Furet
Biographie
Nom de naissance Michel Jean Pierre Debré
Date de naissance 15 janvier 1912
Lieu de naissance Drapeau de la France Paris
Date de décès 2 août 1996 (à 84 ans)
Lieu de décès Drapeau de la France Montlouis-sur-Loire, Indre-et-Loire
Nationalité français
Conjoint Anne-Marie Linette Lemaresquier
Enfants Vincent Debré
François Debré
Bernard Debré
Jean-Louis Debré
Diplômé de Faculté de droit de l'Université de Paris
Sciences Po
Profession Haut fonctionnaire
Religion Catholicisme

Michel Debré, né le 15 janvier 1912 à Paris et mort le 2 août 1996 à Montlouis-sur-Loire, est un homme d'État français.

Résistant et gaulliste, il est garde des Sceaux dans le gouvernement de Gaulle III, à partir de 1958 ; il contribue à l'écriture de la Constitution de la Ve République. Premier ministre de la République française à partir de janvier 1959, il démissionne en avril 1962, à la suite d'un désaccord avec le président Charles de Gaulle conçernant l'Algérie française.

Il occupe par la suite les fonctions de ministre de l'Économie et des Finances, de 1966 à 1968, puis des Affaires étrangères, de 1968 à 1969, et enfin de la Défense nationale, de 1969 à 1973.

Sommaire

Biographie

Jeunesse, formation et débuts en politique

Famille

Article détaillé : Famille Debré.

Michel Debré est le fils du professeur Robert Debré (1882-1978), considéré comme le fondateur de la pédiatrie moderne en France. Petit-fils du rabbin Simon Debré (1854-1939), il est sans doute le membre le plus éminent de la famille Debré, une famille qui a donné à son pays plusieurs grands hommes, notamment des médecins, ainsi que le peintre Olivier Debré, frère de Michel.

Avec son épouse Anne-Marie Lemaresquier, Michel Debré a quatre fils :

Études

Michel Debré étudie à Paris, au lycée Montaigne, puis au lycée Louis-le-Grand. Diplômé de l'École libre des sciences politiques, il devient docteur en droit à l'université de Paris, et intègre également l'École des officiers de réserve de la cavalerie à Saumur. Il est reçu, à 22 ans, au concours de l'auditorat au Conseil d'État.

Seconde Guerre mondiale, débuts en politique

Mobilisé en 1939 comme officier de cavalerie, il est fait prisonnier à Artenay en juin 1940, mais parvient à s'évader en septembre suivant. Il rentre alors au Conseil d'État et se montre favorable au général Maxime Weygand. D'avril à octobre 1941, il est directeur de cabinet d'Emmanuel Monick, secrétaire général du Protectorat français du Maroc, qui prépare déjà l'opération Torch. Michel Debré retourne de nouveau au Conseil, prête serment au maréchal Philippe Pétain, et est nommé maître des requêtes au Conseil d'État par Joseph Barthélémy en 1942[1].

En février 1943, quatre mois après l'invasion de la zone libre, il s'engage dans la Résistance sous le nom de Fontevrault puis de François Jacquier, adhérant au réseau Ceux de la Résistance (CDLR). Pendant l'été 1943, il est chargé par le général de Gaulle d'établir la liste des préfets qui remplaceront ceux du régime de Vichy pour le jour de la Libération. Il devient lui-même commissaire de la République à Angers en août 1944.

GPRF et IVe République

L'année suivante, de Gaulle le charge auprès du Gouvernement provisoire d'une mission de réforme de la fonction publique, dans le cadre de laquelle il crée et rédige les statuts de l'École nationale d'administration, dont l'idée avait été formulée par Jean Zay avant-guerre.

Sous la IVe République, Michel Debré adhère tout d'abord à l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), puis au Parti radical-socialiste sur les conseils du général de Gaulle (« Allez au Parti radical, Debré. Vous y trouverez les derniers vestiges du sens de l'État »). Battu aux élections législatives de 1946 en Indre-et-Loire, il rejoint ensuite le Rassemblement du peuple français (RPF). Sénateur d'Indre-et-Loire de 1948 à 1958, il dénonce à la Haute assemblée les méfaits du système politique instauré par la Constitution du 27 octobre 1946. Il s'oppose également à la Communauté européenne de défense (CED), accusant le gouvernement de trahison.

Premier ministre de la Ve République

Article détaillé : Gouvernement Michel Debré.
Michel Debré avec le chancelier ouest-allemand Konrad Adenauer, en 1960 à Bonn.

Il devient Garde des Sceaux, ministre de la Justice en 1958, dans le gouvernement Charles de Gaulle III. Il y joue un rôle important dans la rédaction de la Constitution de la Cinquième République. Celle-ci ayant été largement adoptée par référendum et les gaullistes ayant remporté les élections législatives, il inaugure la nouvelle fonction de Premier ministre le 8 janvier 1959. Il forme alors un nouveau gouvernement composé de 27 membres, majoritairement issus de l'UNR.

Quelques jours après le référendum du 8 avril 1962 approuvant les accords d’Évian, le général de Gaulle le remplace par Georges Pompidou. Lors de son passage à Matignon, l'investissement a augmenté d'environ 10 % par an, la production industrielle de 6 %, la dette intérieure et extérieure a diminué, etc.

Député de la Réunion

En novembre, à l'occasion des élections législatives qui suivent la dissolution de l'Assemblée nationale, il tente de se faire élire député en Indre-et-Loire. Battu, il décide en mars 1963, suite à l'invalidation de l'élection de Gabriel Macé, de se présenter à La Réunion, une île qu'il a découverte avec le président de la République lors d'un voyage le 10 juillet 1959. Ce choix s'explique par sa crainte de voir ce qui reste de l'empire colonial français suivre la voie empruntée par l'Algérie, une indépendance pour laquelle il n'était pas favorable à titre personnel. Ainsi, Michel Debré prend acte de la fondation par Paul Vergès quelques années auparavant du Parti communiste réunionnais, un mouvement qui réclame activement l'autonomie de l'île et la suppression du statut de DOM.

Arrivé dans l'île en avril, Michel Debré est élu député de la première circonscription de La Réunion le 5 mai 1963, malgré l'opposition que suscite localement la mesure frappant les fonctionnaires d'outre-mer qu'il a prise en 1960 : l'ordonnance Debré. Soutenu par les socialistes que l'autonomie rebute, il devient immédiatement le leader de la droite locale. Cet état de fait ne sera contesté par Pierre Lagourgue que durant la décennie suivante, bien que Michel Debré soit élu au conseil régional de La Réunion pendant cette période[2].

Pour justifier la départementalisation de l'île survenue en 1946 et préserver ses habitants de la tentation indépendantiste, il met en œuvre une politique de développement axée sur la gestion de l'urgence démographique et de la misère qu'elle engendre dans laquelle les observateurs ont reconnu l'attention accordée par son père Robert aux questions sociales. Il fait ouvrir dans l'île le premier centre d'orientation familiale. Il procède par ailleurs à la création de nombreuses cantines scolaires où il fait distribuer gratuitement du lait en poudre aux enfants, le lait Debré. Il lutte personnellement pour obtenir de Paris la création d'un second lycée dans le sud de l'île, au Tampon : il n'y en alors qu'un seul à Saint-Denis pour plusieurs centaines de milliers d'habitants, le lycée Leconte-de-Lisle. Il développe également le Service militaire adapté créé par Pierre Messmer.

Considérant que la démographie de l'île est une menace pour son développement, Michel Debré organise durant les années 1960 la migration des Réunionnais vers la métropole. Il crée pour ce faire le BUMIDOM et le CNARM. Dans le même état d'esprit, il fait procéder au déplacement vers l'Hexagone de plus de 1 600 enfants réunionnais (entre 1963 et 1982) arrachés à leur famille en vue de repeupler certains départements métropolitains en cours de désertification, notamment la Creuse[3]. Au professeur Denoix qui s'insurgeait de ces pratiques, il répond dans une lettre : « L'entreprise doit être poursuivie avec d'autant plus de constance qu'elle peut être combinée avec un admirable mouvement d'adoption que nous n'arrivons pas toujours à satisfaire. »

On lui reproche également d'avoir étouffé la culture réunionnaise, notamment le maloya. Genre musical inspiré des pratiques des esclaves, il présentait en effet un profil désavantageux aux yeux de l'élu dans la mesure où il suscitait des sympathies autonomistes.

Retour sur la scène nationale

En parallèle de son engagement réunionnais, Michel Debré demeure actif et se voit confier de nouveaux postes. En décembre 1964, il fait voter une loi qui vise à éradiquer les bidonvilles en France. Il accepte plusieurs portefeuilles ministériels, à commencer par celui de l'Économie et des Finances en janvier 1966 ; n'ayant pas participé aux négociations des accords de Grenelle car n'étant pas jugé fin négociateur, il prend la tête de l'importante manifestation gaulliste des Champs-Élysées qui marque la fin des événements de Mai 68[4]. Michel Debré est ensuite ministre des Affaires étrangères, de 1968 à 1969, puis ministre d'État, chargé de la Défense nationale, de 1969 à 1973 : il rédige un Livre blanc sur la défense, restructure les chantiers navals et entretient des relations ambiguës avec le président Pompidou, dont il dénonce la « mollesse »[4].

Élu au Parlement européen en 1979, il annonce sa candidature à l'élection présidentielle le 29 juin 1980[5] et développe une ardente campagne solitaire en faveur de la natalité. Il est alors à un niveau honorable dans les sondages, mais n'étant pas rompu aux techniques de communication, il voit les intentions de vote en sa faveur s'effondrer[4]. Face au président du RPR Jacques Chirac et à Marie-France Garaud, qui se réclament tous les deux du gaullisme, il ne recueille que 1,66 % des voix et appelle à voter en faveur de Valéry Giscard d'Estaing le 5 mai 1981[6].

Le 24 mars 1988, il est élu au premier fauteuil de l'Académie française, succédant au prince Louis de Broglie. Sa réception officielle a lieu le 19 janvier 1989. Après sa disparition, il est remplacé par François Furet, mort avant d'avoir pu siéger sous la Coupole, puis par René Rémond le 18 juin 1998.

Dernières années de sa vie

Il consacra les dernières années de sa vie à l'écriture.

Atteint de la maladie de Parkinson, il meurt le 2 août 1996 dans sa villa de Montlouis-sur-Loire, en Indre-et-Loire. Il est enterré au cimetière d'Amboise, commune dont il a été maire de 1966 à 1989.

Décorations et hommages

On trouve sur une place du chef-lieu de la Réunion surplombant la Rivière Saint-Denis une arche encadrant un portail ouvert sur laquelle est inscrite en son honneur une définition que Michel Debré avait faite de lui-même : « Créole un jour, créole toujours. »

Une place a été inaugurée en son nom le 9 juillet 2006 dans le 6e arrondissement de Paris[7].

Détail des mandats et fonctions

Michel Debré

Parlementaire français
Date de naissance 15 janvier 1912
Date de décès 2 août 1996
Mandat Sénateur 1948-1958
Député 1963-1988
Début du mandat 1948
Circonscription Indre-et-Loire
Réunion
Groupe parlementaire GD (1948-1958)
UNR-UDT (1962-1967)
UDVe (1967-1968)
UDR (1968-1978)
RPR (1978-1988)
IVe République-Ve République

Mandats électifs

Fonctions gouvernementales

  • Garde des Sceaux et Ministre de la Justice de 1958 à 1959
  • Premier ministre de 1959 à 1962
  • Ministre de l'Économie et des Finances du 8 janvier 1966 à 1968
  • Ministre des Affaires étrangères de 1968 à 1969
  • Ministre de la Défense nationale de 1969 à 1973

Identité politique

Patriote et souverainiste

Michel Debré est patriote au sens où il place au-dessus de tout son attachement à la « France éternelle », la Patrie, la Nation (il emploie les majuscules), dans une perspective très proche de celle de de Gaulle. Sa réflexion constitutionnelle vise à trouver le meilleur régime pour le peuple français, jusqu'à envisager, fût-ce rhétoriquement, l'hypothèse d'une restauration monarchique.

Mais ce patriotisme s'accompagne d'un républicanisme également fervent : produit de l'enseignement républicain, Debré met sur le même plan aux fondements de sa pensée la nation et la république, celle-ci étant l'aboutissement et la réalisation de toutes les potentialités de celle-là. La différence avec de Gaulle est ici notamment générationnelle : vingt-deux ans les séparent, et Debré n'a jamais vécu une phase d'imprégnation nationaliste comme de Gaulle dans les années 1930.

Généralement considéré, non sans quelque raison, comme « jacobin », il montre une grande méfiance vis-à-vis des collectivités locales et de la décentralisation, dans laquelle il voit la renaissance des anciennes provinces et la mise en péril de l'unité de l’État. À la Libération, voulant supprimer les régions créées par le régime de Vichy tout en modernisant la vieille organisation départementale, il propose une refonte de l'administration territoriale de la France en quarante-sept départements issus de fusions ou de réarrangements. En 1969, il sera très critique vis-à-vis du projet de régionalisation, bien qu'il appellât à voter « Oui » par fidélité à de Gaulle. Il refuse en 1982 les lois de décentralisation.

Qualifier Michel Debré de « souverainiste » serait un anachronisme, mais le terme permet de montrer dans quelle famille politique se situeraient aujourd'hui ses idées. Il consacre dans ses mémoires de longs passages à la construction européenne, appelée la « supranationalité », qu'il rejette absolument dès lors qu'elle met en cause la souveraineté de la nation française. Il condamne en ces termes un amendement du Comité consultatif constitutionnel établissant la supériorité automatique des traités internationaux sur le droit interne[8] :

« À la ruse des supranationaux s’ajoute l'irréalisme de certains professeurs qui, avec leur théorie sur la hiérarchie des sources de droit, outre qu'ils se placent hors la tradition des légistes de France et qu'ils négligent le problème essentiel de la légitimité du pouvoir, manifestent une incompréhension totale du monde tel qu'il est. [...] Ma colère éclate contre ces notables si peu au fait de l'histoire, des réalités du présent, des exigences de demain – bref, si peu conscients de la France éternelle. »

Debré est ainsi dans les années 1950 un adversaire farouche du projet de Communauté européenne de défense, qu'il contribue par ses discours au Conseil de la République à faire échouer. Il se réjouit également de la prise de distance de de Gaulle avec la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) au profit de la bombe nucléaire française. Il s'opposera encore clairement, encore qu'avec un moindre écho et sans succès, à l'élection au suffrage universel du Parlement européen, au motif qu'il ne reçoit et ne devrait recevoir aucune délégation de souveraineté. Il condamne à plusieurs reprises la primauté du droit communautaire comme une absurdité, voire comme une manifestation de « l'esprit vichyssois qui accepte que la France soit commandée par l'étranger »[9]

Gaulliste

Toute la carrière politique de Michel Debré est placée sous le signe de la fidélité au général de Gaulle, qu'il rejoint à Londres en 1943 ; il est véritablement un « compagnon », pour reprendre le terme utilisé jusqu'aux années 1990 pour désigner les membres du parti gaulliste. Il participe à la création du Rassemblement du peuple français (RPF), fait entendre la voix des gaullistes au Conseil de la République entre 1948 et 1958 en tant que président du groupe des Républicains sociaux, et passe l'essentiel de la Quatrième République à demander le rappel du Général aux affaires.

Pour la rédaction de la constitution de 1958, il s'inspire directement du discours de Bayeux, dans lequel de Gaulle a « magnifiquement décrit la Constitution telle qu'il l'estimait nécessaire au bien de la France »[10] : parlement bicaméral avec une chambre basse représentant les électeurs et une chambre haute la tempérant et représentant la « vie locale » et les « grandes activités du pays » ; prééminence du Gouvernement dans l'élaboration de la loi ; renforcement des pouvoirs du président de la République, « arbitre » « placé au-dessus des partis », qui choisit les membres du gouvernement et dirige leur travail, peut prendre les pleins pouvoirs ou faire appel au peuple[11].

Malgré son admiration pour de Gaulle, Debré prend cependant soin de distinguer l'homme et le régime, et réfute, parfois avec indignation — et trente ans après —, les accusations des antigaullistes selon laquelle la constitution de 1958 avait été taillée pour de Gaulle et ne lui survivrait pas. Il considère même que la cohabitation était envisagée dès la fondation du régime[12] :

« Lorsque la majorité de l'Assemblée nationale n'est pas issue du même mouvement électoral que celui qui a élu le Président de la République, les pouvoirs du Premier Ministre, en fait, augmentent considérablement car il est l'expression de la majorité du Parlement, en face de laquelle le Président de la République ne peut que s'incliner ou dissoudre. »

Premier ministre, il a été soupçonné d'avoir constitué un « cabinet noir » à Matignon chargé de fournir au gouvernement gaulliste des armes contre ses opposants.

Cependant, lorsque le ministre de l'Intérieur Roger Frey présenta à Charles de Gaulle des photos montrant le jeune François Mitterrand avec Philippe Pétain pendant l'Occupation — dont très probablement celle ayant illustré beaucoup plus tard la jaquette d’Une Jeunesse Française, de Pierre Péan — afin de l'utiliser contre celui-ci lors de la campagne électorale de 1965, il s'attira cette réponse : « Non, car je ne pratiquerai pas la politique des boules puantes. »[13].

Libéral et réformateur

Bien que réputé jacobin, Michel Debré s'est toujours déclaré, avec insistance, « libéral ». Il ne faut cependant pas comprendre cette revendication à l'aune du « libéralisme » au sens de la philosophie politique : Debré accorde peu de confiance au régime parlementaire, et affirme tout au long de sa carrière la nécessité de l'autorité de l'État. Il montre cependant, dès les années 1930, une sensibilité particulière pour les questions économiques, et regrette qu'elles occupent une place trop réduite dans la formation des élites politiques françaises. La nationalisation de l'École libre des sciences politiques et la création des instituts d'études politiques en 1945 est censée corriger cette insuffisance.

Ce « libéralisme » est à comprendre dans un pays où être libéral et jacobin n'est pas contradictoire. Le libéralisme français a historiquement hésité, ainsi que l'a montré par exemple Lucien Jaume[14], entre deux grandes tendances, l'une fondée sur l'individualisme dans la lignée de Benjamin Constant, qui échoue, et l'autre sur le recours à l'État et la primauté de l'intérêt général dans la lignée de François Guizot, un « libéralisme d'État » (Jaume), qui l'emporte. C'est dans cette dernière tendance que s'inscrit Debré.

Michel Debré s'est attaché à moderniser l'État et les institutions lorsque le besoin s'en faisait sentir. Mécontent du système de recrutement de la haute fonction publique, où chaque ministère organisait son propre concours, il élabore ainsi en 1945 le projet d'École nationale d'administration, qu'il crée et dont il contribue à recruter la première promotion. Il réforme également la Justice en 1958.

Défenseur de l'Algérie française

Article détaillé : Affaire du Bazooka.

En 1957, Michel Debré est accusé par René Kovacs dans l'Affaire du Bazooka où il est cité comme commanditaire direct (avec Alain Griotteray et Pascal Arrighi entre autres) de la tentative d'assassinat sur le général Raoul Salan à Alger le 16 janvier 1957[15],[16]; en dehors du témoignage des accusés aucune preuve n'est apportée et le procès est rapidement classé. Selon le contre-terroriste de l'ORAF, Philippe Castille, exécutant principal de l'attentat, Michel Debré est à la tête du secret comité des Six comprenant le député Jacques Soustelle (branche parlementaire) et le général René Cogny (branche militaire)[17]. Lors de son procès, le général Salan (arrêté en avril 1962 pour avoir participé au putsch des généraux puis avoir été le chef de l'OAS) met également Michel Debré en cause déclarant: « Aucun témoignage n’a été recueilli, pas même celui de M. Michel Debré. Or il est impossible de comprendre les événements et d’expliquer ma position comme le mobile de mes actes si l’attentat du bazooka n’est pas éclairci. Quand le pouvoir refuse à un inculpé une justice complète, c’est qu’il y a le plus grand intérêt »[18].

La même année 1957, Michel Debré fonde Le Courrier de la colère (plus tard renommé Courrier de la Nation), mensuel défendant l'Algérie française et appelant au retour au pouvoir du général de Gaulle. Dans le numéro du 20 décembre 1957, il écrit : « le combat pour l'Algérie française est le combat légal, l'insurrection pour l'Algérie française est l'insurrection légale »[19] ainsi que la célèbre déclaration : « Que les Algériens sachent surtout que l'abandon de la souveraineté française en Algérie est un acte illégitime ; ceux qui y consentiraient se rendraient complices des hors la loi et ceux qui s'y opposeraient par quelque moyen que ce soit, seraient en état de légitime défense »[20],[21].

Ouvrages

Notes et références

  1. « Michel Debré - chronologie » sur le site de l'Assemblée nationale.
  2. « Catalogue », Région Réunion, 2003.
  3. « Livre : Enfants Réunionnais en Exil », RFO, 25 octobre 2007
  4. a, b et c Michel Debré, le dernier des gaullistes, documentaire réalisé par Frédéric Leclerc, en 2010.
  5. Michèle Cotta, Cahiers secrets de la Ve République, tome II : 1977-1986, Fayard, 2008, p.  371.
  6. Serge Berstein, Pierre Milza, Histoire de la France au XXe siècle, tome V : de 1974 à nos jours, éditions Complexe, p.  90.
  7. « Inauguration de la Place Michel Debré », sur le site de la présidence de la République française, elysee.fr.
  8. Trois républiques pour une France. Mémoires, tome 2, Agir (1946–1958), Albin Michel, Paris, 1988, p. 384.
  9. Trois républiques pour une France. Mémoires, op. cit., p. 385.
  10. Trois républiques pour une France. Mémoires, op. cit., p. 350.
  11. Citations tirées de Charles de Gaulle, Discours de Bayeux, 16 juin 1946.
  12. Trois républiques pour une France. Mémoires, op. cit., p. 368.
  13. Cité par Alain Peyrefitte dans C'était de Gaulle, éd. de Fallois / Fayard, 1994, 1997 et 2000, et dans un éditorial de Pierre Georges dans un numéro du Monde.
  14. Voir par exemple Lucien Jaume, L'Individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français, Fayard, Paris, 1997.
  15. Patrick smauel, Michel Debré: l'architecte du Général, A. Franel, 1999, page 136
  16. Patrice Hamel, Une famille de Terre-Neuvas, Les Gens d'ici, Editions Cheminements, 2003, page 211
  17. François Margolin & Georges-Marc Benamou, OAS Une Histoire Interdite, Margo Films-E Siècle-Odyssée, 2003
  18. Raoul Salan, Le procès du général Raoul Salan: Sténographie complète des audiences: réquisitoire, plaidoiries, verdict. Note liminaire des avocats, Droits de l'histoire, Nouvelles Éditions latines, 1962, page 76
  19. Bélaïd Abane, L'Algérie en guerre: Abane Ramdane et les fusils de la rébellion, Collection Histoire et perspectives méditerranéennes, Editions L'Harmattan, 2008, page 454
  20. Maurice Allais, Les accords d'Évian, L'Esprit nouveau, 1962, page 1964
  21. Michel de Jaeghere, Le livre blanc de l'armée française en Algérie, Contretemps, 2001, page 57

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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Précédé par
Louis de Broglie
Fauteuil 1 de l’Académie française
1988-1996
Suivi par
François Furet

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