- Jean-Robert Cuttaia
-
Jean-Robert Cuttaïa
Jean-Robert Cuttaïa est né à Moulins (France) en mai 1964.
Il suit ses études d'art à La Villa Arson (E.P.I.A.R. épellation de l'époque) à Nice de 1985 à 1990, diplômé il poursuit ses recherches en photographie et développe pendant trois ans la série des "Précipités d'infini" débutée lors de sa dernière année d'étude. Système qui lui permit de produire des images dont la profondeur de champs extrêmement réduite, limitée à 4 mm, interroge le photographe dans son potentiel à représenter du réel, c'est alors qu'il se détermine à être photographe-menteur. Il propose quelques années plus tard, au jeune collectif d'artistes qui vient de transformer une station service désaffectée, en lieux de création et de monstration, sa première exposition en tant qu'organisateur "Peignez-nous en bleu et nous serons tout à fait neuf"(sous titrée Une exposition de menteurs).
La Station[1], avait quelques mois, et même s-il n'a pas fait partie des membres fondateurs, il les rejoint très rapidement, et pendant plus de 7 années, s'emploiera à défendre cette idée fabuleuse qu'est La Station. Des expositions vont suivre, en Europe (Italie, Allemagne, Autriche, Suisse, Croatie…), en France bien sur, et au niveau international (Canada, Corée du Sud…). Au bout de sept ans et alors qu'elle vit son heure de gloire dans l'enceinte de la Fondation Dabray, Jean-Robert prendra du recul par rapport à La Station.
En décembre 1999, Françoise-Claire Prodhon écrit sur son travail "Le mode du Je ou la vie rêvée de Jean-Robert"
Au départ un désir : celui de déplacer très légèrement le champ de l'autoportrait, et de le faire basculer vers l'image. Ainsi, plutôt que de se mettre lui-même en scène en composant différentes attitudes ou situations, Jean-Robert Cuttaïa a préféré garder ses distances et prêter ses traits à la figurine d'Action Joe (une poupée mannequin articulée de 30 cm de haut). Ce changement d'échelle, digne des aventures de Gulliver, modifie le statut de l'autoportrait qui se voit ramené à une simple image, à la fois convenue et ambiguë. En installant la poupée dans de vrais paysages ou dans des scènes d'intérieur, Cuttaïa crée les conditions d'une fiction, ou plus précisément, celles d'une autobiographie romancée. Paradoxalement, il n'arrive rien d'extraordinaire à la poupée "Jean-Robert", et presque rien qui ne pourrait arriver à l'artiste lui-même... Projection ou transfert, ici la limite entre réalité et fiction n'a pas réellement d'importance.
Dans la série, Extraits de l'album photo, la poupée suit son propriétaire dans ses voyages : elle est immortalisée dans quelques hauts lieux du tourisme (Venise, Pise, etc.) ; ou d'autres fois, se livre à des loisirs (plongée sous-marine, pêche à la ligne), situations banales pour des images qui tiennent à la fois de la carte postale et de la photo souvenir. Dans la série Loft/private, nous surprenons la poupée dans l'intimité de son intérieur, intérieur dans lequel figurent quelques-uns des sièges emblématiques de l'histoire du design, comme s'il s'agissait de fantasmer sur une sorte d'univers parfait et standardisé, option zéro faute. Mais au-delà du clin d'œil ou de l'anecdote, la sobriété du noir et blanc et le jeu des ombres nous renvoient à la notion de photographie d'art plus académique, et renforcent l'ambiguïté de l'image. Le regard du spectateur se laisse prendre par l'étrange relation qui s'instaure entre le vrai et le faux. La miniature mise à l'échelle de la réalité par le biais d'une astuce classique de photographe, et non par une manipulation informatique, renforce encore ce sentiment. Le faux chez J.R. Cuttaïa ne tente pas d'imiter le vrai, mais vient questionner le principe même de la représentation.
La série des Paysages à l'endroit déjoue plus directement encore ce principe : l'artiste y dévoile un dispositif cher aux fêtes foraines ou aux propositions prétendument ludiques des cabines de photos instantanées (dites "photos fun") dans lesquelles, vous ou moi, pouvons en quelques minutes obtenir un portrait d'identité incrusté dans un décor de carte postale ou de fiction (sur le mode du "prends ta photo avec James Bond, les 101 Dalmatiens ou les 2 be 3, ou deviens toi-même Bart Simpson..."). La poupée pose derrière un mur d'images évidé qui lui permet de substituer son visage à celui d'un des personnages du décor (cow-boy, Superman, cosmonaute, garde royal ou statue de la Liberté...). En nous confrontant à l'envers du décor, l'artiste tente de nous en faire saisir "l'endroit", mais l'artifice une fois encore prend le dessus. En dévoilant les tenants de l’image, il désigne très directement sa seule réalité : sa vocation de simulacre ou de substitut. "La vérité est ailleurs", affirme une série TV à succès... Et J.R. Cuttaïa de nous montrer qu'elle est parfois là où on la recrée... Dans ses notes l'artiste déclare : "En me représentant, j'obéis à un transfert, celui de mon image sur une poupée ; les enfants font de même avec leurs jouets, ils sont toujours dans la voiture qu'ils font rouler, ils ne sont jamais la main qui la pousse".''
Catégories : Naissance en 1964 | Artiste français
Wikimedia Foundation. 2010.