- Invention d'ivrogne
-
Invention d'ivrogne est un conte japonais des temps modernes qui a trait au mensonge.
Sommaire
Le conte
Takamatsu a un grave défaut : il aime le saké[1]. Son médecin, a prévenu sa femme : « s'il continue ainsi, ses jours sont comptés ». Heureusement, Takamatsu a une femme énergique qui applique à la lettre les directives du praticien.
Au bout de quelque temps de ce régime, Takamatsu n'en peut plus. Il se demande comment renouer avec son péché d'intempérence. Soudain, il pense avoir trouvé ! Il convoque sa femme, la remercie pour ce qu'elle a fait pour lui et lui dit :
-« À partir de ce jour, je n'aurai plus besoin d'être surveillé. Je serai volontaire et demanderai au Bouddha de m'aider à lutter contre mon vice en faisant, de temps en temps, une pieuse retraite pour méditer sur mon passé ».
Incrédule, la femme regarde son mari. Jamais il n'a été aussi raisonnable ! Jamais il n'a été aussi pieux ! Aurai-il l'intention d'aller boire en lui faisant croire qu'il se retire au temple ?
Takamatsu poursuit :
-« Pour vous rassurer, c'est ici, dans ma chambre, que je me retirerai. Je me couvrirai d'un linge et je méditerai sur les paroles de Bouddha, notre maître vénéré, qui condamne les boissons alcoolisées ».
Dès que la femme a quitté la pièce, Takamatsu appelle Manyemon, leur serviteur :
-« Écoute Manyemon, j'ai dit à ma femme que je méditerai dès cette après-midi enveloppé dans un drap. Je te demande de prendre ma place en attendant que je revienne. Ne t'inquiète pas, elle m'a affirmé qu'elle n'a pas besoin de tes services et ne t'appellera donc pas ».
Takamatsu recouvre son serviteur d'un drap immaculé, se glisse furtivement à l'extérieur de la maison et dirige ses pas vers le café tout proche. Là il boit, il boit, il boit… jusqu'à rattraper le temps perdu.
La femme de l'ivrogne a pourtant des doutes sur la subite conversion de son mari. Résolue d'avoir le cœur net, elle pénètre discrètement dans la chambre. Elle voit une forme immobile, méditant sous un drap. Elle s'approche et découvre d'un seul coup celui qu'elle pense être son mari. Stupeur ! Elle reconnaît son domestique :
-« Gredin ! Tu aides mon mari à me tromper ! ». Et, pour la première fois de sa vie, elle frappe Manyemon. « Disparais de ma vue ». Son serviteur parti, elle prend sa place sous le tissu et attend…
Takamatsu rentre ivre et joyeux. Il est content de l'idée qu'il a eue. Il regagne sa chambre pour libérer Manyemon. Pendant qu'il se dévêt pour s'installer sous l'étoffe, le drap se rabat et sa femme se redresse, raide comme la justice. Elle se saisit d'une canne et frappe, frappe, frappe encore son mari qui se réfugie dans un coin de la pièce muet de terreur, immobile sous les coups qui pleuvent et n'osant pas répondre.
Bibliographie
Contes et légendes du Japon, F. Challaye, Collection des contes et légendes de tous les pays, Fernand Nathan 1963
Voir aussi
Contes et légendes traditionnels du Japon
Notes
- Le saké est un alcool de riz que l'on parfume en y laissant macérer des pétales de roses pendant plusieurs mois dans des pots en terre. Il titre environ 50° et se consomme généralement tiède, au début du repas.
Wikimedia Foundation. 2010.