- Encyclique cachée
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Humani generis unitas
Un projet de texte que l'on appelle aujourd'hui Humani generis unitas (Latin pour sur l'unité de la race humaine) était en préparation lorsque le Pape Pie XI mourut (10 février 1939). Il condamnait, semble-t-il, l'antisémitisme, le racisme et la persécution des Juifs. Comme ce texte (un brouillon) n'a jamais été promulgué, il est quelquefois appelé l'Encyclique cachée ou l'Encyclique perdue[1].
Sommaire
Histoire
En juin 1938, après une entrevue avec le jésuite John LaFarge, un jésuite engagé dans la défense des minorités aux États-Unis, Pie XI, qui avait apprécié un de ses récents ouvrages[2], demande à Vladimir Ledóchowski, supérieur général des jésuites, de coordonner la rédaction d'un projet d'encyclique condamnant l'antisémitisme, le racisme et la persécution des Juifs. Le supérieur de la Compagnie adjoint deux autres jésuites à LaFarge[3], l'allemand Gustav Gundlach et le français Gustave Desbuquois[4] pour mener à bien le projet de texte Humani generis unitas (Sur l'unité de la race humaine).
Lafarge rapporte cette injonction confiante du Pape : « Dites simplement ce que vous diriez si vous étiez pape vous-même ». C'est à Paris, au siège de la revue Étvdes, que le texte est composé pendant l'été 1938 dans l'urgence et la fièvre du conflit imminent. Dénoncé au régime nazi pour ses positions contre l'Anschluss, Gundlach est sous la menace de la Gestapo et ne peut rentrer en Allemagne. Une première ébauche qui faisait approximativement 100 pages de long[5] fut traduite en latin et présentée à Vladimir Ledochowski[6]puis envoyée au Vatican en septembre 1938[3]. Pie XI meurt un peu après avoir reçu le projet. Des sources secondaires — comme le Cardinal Tisserant doyen du collège des cardinaux[7] — rapportent que Humani Generis Unitas était littéralement sur le bureau de Pie XI quand il mourut d'une attaque cardiaque le 10 février 1939[5]. Le cardinal Eugenio Pacelli, dont Ledóchowski est un proche, lui succède mais ne promulgue pas le texte qui restera longtemps ignoré.
Des historiens suggèrent que Vladimir Ledóchowski aurait joué un role dilatatoire dans cette affaire, probablement en accord avec Pacelli, alors secrétaire d'État du Vatican et avec lequel sa position de Supérieur général des jésuites le mettait en fréquente relation [8] : Ledóchowski aurait tenté de retarder le plus possible la communication du projet d'encyclique au pape, parce qu'il était opposé à l'idée d'une rupture ouverte avec le troisième Reich tandis que la Russie soviétique restait pour lui la menace principale pour l'Église catholique et la civilisation.
Des critiques de Pie XII — par exemple John Cornwell dans son oeuvre controversée le pape de Hitler — ont mentionné le fait qu'il n'avait pas promulgué l'encyclique comme preuve de ses supposés silences sur l'antisémitisme et l'Holocauste,[3][9]
Le Pape Benoît XVI décreta en Juin 2006 que tous les documents du pontificat de Pie XI dans les Archives secrètes du Vatican seraient ouverts,[10] et le 18 septembre 2006 plus de 30 000 documents furent mis à la disposition des chercheurs.[11]
Contenu
Les 70 premiers paragraphes, dont l'auteur est probablement Gundlach, sont une critique du modernisme théologique, de la réinterprétation non orthodoxe des Écritures saintes, du nationalisme, et du racisme ; les 108 autres paragraphes, dont les auteurs sont probablement les trois Jésuites, ont contextualisé la première partie de l'encyclique avec le rôle social des institutions d'éducation catholique et l'antisémitisme.[3]
Bibliographie
- Georges Passelecq et Bernard Suchecky, préface d'Émile Poulat, L'Encyclique cachée de Pie XI. Une occasion manquée de l'Église face à l'antisémitisme, éd. la Découverte, 1995
Notes
- ↑ En fait il n'était ni 'encyclique' (on ignore le statut qu'en aurait donné le pape), ni 'caché' (les Archives du Vatican, comme d'autres ne s'ouvrent que longtemps après le décès des personnes concernées), ni 'perdu' (l'existence de ce groupe de travail et 'brouillon de texte' est connue depuis longtemps par les historiens)
- ↑ Interracial Justice, éd. America Press, 1937
- ↑ a , b , c et d Richard G. Bailey. Août 2001. "The Hidden Encyclical of Pius XI." Canadian Journal of History.
- ↑ Qui estimera plus tard que le régime du Maréchal était « le meilleur que l’on eût pu espérer », cité par Philippe Rocher, Cité Nouvelle 1941-1944. Les jésuites entre incarnation et eschatologie, in Chrétiens et sociétés, 2/1995, article en ligne
- ↑ a et b The Holocaust Chronicle. 2002. "1937: Quiet before the Storm." p. 112.
- ↑ Frank J. Coppa., « Pope Pius XI's "encyclical" Humani Generis Unitas against racism and anti-Semitism and the "silence" of Pope Pius XII », dans Journal of Church and State, 2 septembre 1998 [texte intégral]
- ↑ Passelecq and Suchecky, p. 151.
- ↑ Philippe Chenaux, Pie XII, éd. Cerf, 2003, p. 275
- ↑ George Sim Johnston. 8 octobre 1999. "Pius XI's "Hidden Encyclical" on Anti-Semitism: An Appraisal."
- ↑ Zenit News Agency. 2 juillet 2006. "Benedict XVI Opens Archives on Pius XI."
- ↑ Frances D'Emilio. 13 octobre 2006. "Newly opened files helping historians to understand priorities of future wartime pope, Pius XII." Associated Press.
Liens externes
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