- Défaillance du marché
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En économie, une défaillance du marché est un cas dans lequel le marché échoue dans l'allocation optimale des ressources économiques et des biens et services. On en parlera par exemple à propos d'un monopole (ou d'un cartel), d'une situation où coexistent chômage et pénurie de main d'œuvre (logement vide et personnes sans logements, etc.), ou encore en présence d'une pollution suicidaire.
C'est une notion éminemment politique et donc matière à controverse, dans la mesure où elle sert à justifier des interventions politiques visant à corriger, voire à supprimer, les marchés, c'est-à-dire, la coopération pacifique et volontaire des agents.
Sommaire
Problèmes de définition
Le Marché est-il capable de produire une allocation optimale ?
Chacun peut avoir sa propre idée de ce que devrait être l'allocation des ressources, et l'expérience indique qu'il existe des divergences importantes à cet égard. Le jugement sur l'optimalité n'est donc pas possible dans l'absolu (sauf dictature permettant à un individu d'imposer sa vision de l'optimalité, mais dans ce cas le marché n'existe plus vraiment).
À défaut de pouvoir déterminer la meilleure allocation dans l'absolu, on peut se contenter d'une comparaison entre allocations. En effet, il est théoriquement possible, dans une certaine mesure et sous conditions, de comparer deux allocations. On peut faire appel par exemple au critère de Pareto : une situation est meilleure qu'une autre, si la situation d'au moins une personne est meilleure sans que la situation des autres ne soit dégradée. En pratique, le monde réel est trop complexe pour que ce critère soit utilisable, d'autant qu'un optimum de Pareto n'est pas forcément considéré comme idéal, et que dans la plupart des cas l'appréciation de la situation d'une personne utilise au moins partiellement un critère relatif (cf. pauvreté), ce qui implique que toute amélioration pour quiconque est en soi un facteur de dégradation pour les autres. D'autres critères ont évidemment été proposés, sans qu'il soit possible d'échapper à la subjectivité et l'arbitraire du choix pour ce critère.
La fabrication de l'équilibre par le marché : une notion relative selon la Loi de King
Loi mise en évidence par un économiste anglais et l'un des premiers statisticiens économistes Gregory King (1648-1712). Cette loi (parfois dite Loi de King-Davenant) fait le constat que le marché "sur-réagit" dans les cas où l'Offre et/ou la Demande sont peu flexibles (élasticité faible ou nulle).
L'exemple classique est celui des Productions agricoles et notamment d'un défaut d'approvisionnement en blé et de sa conséquence sur l'augmentation du prix du blé.
Toute insuffisance du volume récolté implique une augmentation du prix du blé dans les proportions suivantes :
- Une récolte amoindrie d'1 10e engendre une multiplication des prix par 1,3
- Une récolte amoindrie de 2 10(es) multiplie les prix par 1,8
- Une récolte amoindrie de 3 10(es) multiplie les prix par 2,6
- Une récolte amoindrie de 4 10(es) multiplie les prix par 3,8
- Une récolte amoindrie de 5 10(es) multiplie les prix par 5,5 [Contradiction !]
On s'aperçoit que l'augmentation des prix ne s'opère pas selon un taux fixe, mais accru en fonction du déséquilibre constaté. En cas de pénurie relative d'un tiers par rapport à la production habituelle, le prix du blé triple par rapport à la normale. Et si la production était inférieure de moitié par rapport à la production habituelle, le prix serait alors presque quintuplé [Contradiction !] . (The Works of Sir William D'Avenant Kt, vol. II, p. 224-225, édité par Sir C. Whitworth, Londres, 1771)
Inversement, en cas de surproduction de blé, le prix chuterait et ce d'autant plus fortement que l'écart de surproduction est important.
Ceci principalement à cause du fait que la demande de produits agricoles est relativement peu élastique aux variations de prix. Sauf en situation de pénurie chronique, les consommateurs disposent ou entendent disposer d'un volume donné jugé convenable. Toute variation d'offre, même accompagnée d'une baisse de prix, n'entraîne pas l'accroissement de la demande qui pourrait rééquilibrer le marché.
Cette loi constatée sur les produits agricoles peut cependant être élargie et généralisée au fonctionnement de nombreux marchés dans les économies développées (où sont constatées régulièrement des tendances à la saturation, voire à la surproduction).
Marché bloqué ou perturbé par défaut de contre-partie
Il peut se produire d'une manière plus ou moins durable que l'Offre ou la Demande ne s'exprime plus de manière suffisante pour qu'existe une situation d'équilibre véritablement significative. Dans cette hypothèse, les indications fournies par le marché sont hautement volatiles (variabilité excessive en fonction du moindre mouvement ou de la moindre rumeur) et peu fiables (hausses ou baisses peu représentatives de l'état réel de la situation).
L'exemple classique est celui de la valeur des actifs financiers ou immobiliers dans une période de crise où les transactions et les opérateurs demeurent figés et ne prennent aucune décision. Le Marché a en quelque sorte disparu ou n'est plus que l'ombre de lui-même.
Défaillance ou inefficience ?
Une défaillance de marché, qui concerne l'allocation économique, est une notion différente de celle plus financière d'anomalie de marché, au sens de non efficience du marché. Cette dernière concerne plutôt une anomalie du rendement financier (et une anomalie de prix, puisque le rendement a pour dénominateur le prix) due à des phénomènes comportementaux. Les deux phénomènes peuvent toutefois être les causes ou la conséquence l'un de l'autre, ou résulter de causes communes.
Importance du phénomène et causes évoquées
Les économistes divergent sur la fréquence et l'importance des défaillances de marché, et sur leurs conséquences.
Toutefois la plupart évoquent habituellement trois principales séries de raisons qui font qu'un marché réel diffère assez sensiblement d'un marché idéal pour que son fonctionnement pose problème :
- des structures de marché sous-optimal (manque de transparence, délais, etc.)
- la non internalisation (voir externalité) de coûts dans le prix, conduisant à ne pas prendre en compte la disparition d'une ressource rare (l'exemple le plus typique concerne une variable d'environnement, consommée gratuitement alors qu'elle se raréfie rapidement).
- des inefficiences de prix dues à des biais comportementaux (voir plus haut).
Les auteurs libéraux ajoute une quatrième série de cause, souvent déterminante à leur yeux :
- la défaillance de l'État, soit qu'il ne remplisse pas le rôle qu'on attend de lui (exemple : il renonce à faire exécuter les contrats), soit inversement qu'il intervienne intempestivement (diverses distorsions de concurrence par taxes, subventions, normes inappropriées...)
Exemples de non internalisation des coûts économiques dans le prix
Voir aussi
Articles connexes
Notes et références
Voir aussi La grande peur de la « défaillance du marché » par François-René Rideau
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