- Maïti Girtanner
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Maïti Girtanner est une figure de la résistance française, qui s'est fait connaître dernièrement par la publication d'un reportage et d'un livre sur son expérience de la souffrance et du pardon.
Biographie
Maïti est née près de Saint-Gall, d'un père suisse et d'une mère française. A trois ans, à la mort de son père, elle vient habiter à Paris, dans le quartier de Saint-Germain-en-Laye, dans la famille de sa mère. Son grand-père maternel, Paul Rougnon, était musicien, compositeur et professeur au Conservatoire de Paris, où elle fait des études brillantes et devient une pianiste de talent.
Mais à dix-huit ans, les Allemands sont là et sa vie va être bouleversée. Elle est parfaitement bilingue et les occupants sont séduits par cette jeune fille avec laquelle ils peuvent parler librement comme chez eux. Cependant ils ne savent pas que Geoffroy de Courcel, l'aide de camp du général de Gaulle, est un grand ami de Maïti. Et au moment où il va rejoindre de Gaulle pour s'envoler avec lui à Londres, Maïti lui confie sa résolution de résistance. Ils s'entendent dès ce moment pour pouvoir communiquer. Quand Maïti aura créé son propre réseau, il pourra être rattaché directement au général de Gaulle.
Maïti entre ainsi dans l'action clandestine à 17 ans, tout en continuant ses études au conservatoire. Le piano, bien sûr, qui demeure au centre de sa vie, mais aussi la philosophie. Bachelière scientifique à 16 ans, en 1938, elle passe les épreuves de philosophie en 1942, obtenant 18,5 à sa dissertation sur la souffrance.
En 1940, son grand-père se retire avec Maïti dans une maison familiale près de de Poitiers, au bord de la Vienne, où s'arrêtera la ligne de démarcation. Très vite, elle crée un petit groupe de résistants, presque tous des jeunes étudiants, donc parfaitement insoupçonnables. Elle fait passer la frontière à des clandestins. Sa connaissance de la langue allemande et ses talents de pianiste lui ouvrent des portes. Pressentant le débarquement, son réseau se procure des cartes de la côte dans des Kommandantur, en prétextant vouloir faire le ménage, et réussit à les acheminer en Angleterre. Il crée un service de nettoyage des uniformes allemands afin d'observer les mouvements des officiers de la marine sur le point d'embarquer dans des sous-marins, des renseignements précieux pour les Alliés. Il falsifie des papiers et des billets.
Fin 1943, elle est arrêtée par hasard dans une rafle, à Paris, et va tomber dans l'horreur. Elle a vingt et un ans. « Le général mélomane trouva mon nom sur la liste des personnes arrêtées dans la journée : « Mais enfin c'est insensé, relâchez-moi immédiatement cette jeune fille ; c'est notre petite pianiste ! » Un capitaine un peu plus futé rétorqua : « Herr Général, des déplacements incessants dans la zone occupée, cette propriété située au voisinage de la Ligne de Démarcation, ses demandes de relâcher des amis... » Il n'a pu en dire plus : le voile venait de se déchirer pour le Général qui cria, fou de colère : « c'est une terroriste ! (nom que les nazis donnaient aux résistants). » Orgueil blessé à mort d'avoir été berné si longtemps par une gamine ; d'où punition exemplaire : transfert dans un lieu secret de représailles dont on ne ressortait pas vivant, et où des médecins-bourreaux s'acharnaient à faire le plus de dégâts possibles... Ce fut la découverte à vingt et un ans, de l'horreur, de la souffrance infligée volontairement par des médecins qui savaient ce qu'ils faisaient. »
Maïti est alors confiée à Léo qui par de savants et sadiques atteintes multiples au système nerveux sensitif de la moelle épinière, l'enferme définitivement « dans une résille de douleurs. » Maïti reste très discrète dans l'évocation de cette descente aux enfers. Ils étaient dix-sept, enfermés hommes et femmes ensemble dans un même lieu, constamment surveillés. Tous savaient qu'ils devaient mourir au bout des tortures. En février 1944, laissée pour morte après une bastonnade qui devait l'achever, Maïti est récupérée par des personnalités suisses de la Croix Rouge, parties à sa recherche dès l'arrêt de son message hebdomadaire. Elle ne pourra plus jamais jouer du piano. Il faudra huit années d'hôpital et de soins avant que Maïti soit remise debout sans pour autant quitter la souffrance et sans pouvoir rejouer du piano.
En 1984, coup de théâtre, après 40 ans, son bourreau réapparaît et veut la rencontrer. N'ayant plus que quelques semaines à vivre, du fait d'un cancer, ce dernier ne peut mourir sereinement sans s'être dénoncé auprès de sa victime encore vivante, regrettant d'avoir massacré des êtres humains sans discernement et sous des ordres intransigeants. Il ne sait comment demander son pardon.
Bibliographie
Maiti Girtanner, avec la collab. de Guillaume Tabard, Même les bourreaux ont une âme, Tours, 2006
Wikimedia Foundation. 2010.