Macroinvertébrés benthiques dulcicoles

Macroinvertébrés benthiques dulcicoles

Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce (dulcicoles) font partie du benthos, c'est-à-dire qu’ils vivent au fond (benthique) des ruisseaux, des lacs, et des marais. Leur habitat est fait de matière submergée comme de la litière, des branches, des débris de bois et des algues.
Ce sont des organismes que l’on peut voir à l’œil nu (macro) car ils mesurent plus de 0,5 mm.
Les macroinvertébrés benthiques sont importants pour la formation de la chaîne alimentaire aquatique car ils font partie du régime alimentaire de nombreuses espèces de poissons, d’oiseaux et d’amphibiens.
Les macroinvertébrés aquatiques sont surtout des insectes sous la forme de larves et de nymphes. Ils comprennent aussi des vers, des mollusques et des crustacés.

Sommaire

Écologie

Communautés

On regroupe les macroinvertébrés en plusieurs compartiments :

  • Les macroinvertébrés épibenthiques, qui vivent à l’interface entre l’eau et le sédiment tels que les larves d’insectes, les isopodes et les mollusques.
  • Les macroinvertébrés suprabenthiques, qui vivent au contact du sédiment mais qui peuvent aussi devenir pélagiques en se déplaçant dans l’eau (exemple d’organismes : larves de diptères et crustacés amphipodes)
  • Les macroinvertébrés endobenthiques, qui sont des organismes fouisseurs tels que les oligochètes, les nématodes et les larves de chironomes.

Zonation des communautés

Dans un lac, la répartition des macroinvertébrés varie selon la profondeur. La topographie d’un lac est la suivante : il y a d’abord la zone littorale peu profonde, une zone sublittorale un peu plus profonde et la zone profonde, qui correspond au fond du lac.
La zone littorale est la plus diversifiée et formée de macroinvertébrés épibenthiques (gastéropodes, larves d’éphémères et de trichoptères…).
La zone sublittorale est une zone de changements : de la température, de l’oxygène, de la répartition des algues, c’est donc une zone ou la densité de macroinvertébrés se réduit.
Enfin la zone profonde est peu diversifiée et regroupe surtout des larves de chironomes et des oligochètes de petite taille.
Certains organismes effectuent des migrations entre la zone profonde et la zone littorale, la zone profonde étant utilisée comme refuge pour l’hibernation et la zone littorale pour la reproduction.
On note que la zonation, dans le sédiments, des organismes fouisseurs dépend de leur propre comportement, en effet l’activité des larves de chironomes et des oligochètes peut aller jusqu’à 50 cm de profondeur (en période d’hivernage) alors qu’elle est à 10 cm de profondeur en période d’alimentation.

Dans une rivière, la répartition des macroinvertébrés dépend surtout de la vitesse du courant, de la granulométrie du substrat, de la quantité de lumière incidente, de la transparence des eaux et de l’enrichissement en nutriments.

Cycles biologiques

Un cycle biologique est l’ensemble des étapes que doit traverser un individu au cours de sa vie. La durée du cycle est très variables selon les macroinvertébrés considérés, ils peuvent s’écouler sur plusieurs mois ou sur plusieurs années.

Groupes trophiques

Les macroinvertébrés benthiques ont un régime alimentaire très varié : bactéries, détritus, algues, micro-benthos et macro-benthos. On peut classer les macroinvertébrés benthiques selon 5 groupes trophiques :

Dans les lacs, les décomposeurs sont dominants lorsqu’il y a beaucoup de plantes aquatiques (macrophytes) car c’est une source importante de matière organique. Ce cas est souvent rencontré dans les lacs peu profond. Dans les cours d’eau ou dans des lacs peu chargés en éléments nutritifs, se sont les herbivores qui sont dominants s'il y a assez de lumière permettant le développement d’algues.

Influence de facteurs environnementaux

Tous les macroinvertébrés benthiques sont des organismes poïkilothermes, donc leur température corporelle varie fortement en fonction de celle de l’environnement. Ces organismes sont donc très dépendant de la température de leur milieu de vie car elle conditionne leur cycle biologique (développement des œufs, croissance des larves).
L’anoxie des eaux, la nature des plantes aquatiques et la granulométrie des substrats sont aussi des facteurs importants. Par exemple on note que les abondances les plus fortes en organismes sont retrouvées sur des sédiments fins et riches en détritus.
Les espèces les plus tolérantes aux conditions d’anoxie sont les oligochètes et les chironomes car ils ont développé un pigment rouge ressemblant à l’hémoglobine, leur permettant de survivre même avec de faible quantité d’oxygène.

Dans les cours d’eau, la vitesse de courant est un facteur important car elle conditionne le transport des nutriments, le renouvellement de l’oxygène et la dérive des insectes. Certains organismes ont d’ailleurs développé des adaptations morphologiques pour résister au courant. Ainsi les larves de trichoptères sont recouvertes de petits cailloux et de bouts de bois, ceci leur permet de se protéger et de s’orienter face au courant. Certaines larves d’éphémères sont aplaties afin de réduire la surface de leur corps exposée au courant, ce qui leur permet de moins se faire entraîner.

Les macroinvertébrés benthiques en tant que bioindicateurs

Les macroinvertébrés benthiques sont de bons indicateurs de l’état de santé des écosystèmes aquatiques. Du fait de leur sédentarité, il ne peuvent pas échapper aux polluants, de plus ils sont très diverses et possèdent des sensibilités variables à la pollution et de ce fait, ils nous indiquent les effets d’une source de pollution, qu’elle soit ponctuelle ou continue.
Leur étude permet donc de compléter les programmes de surveillance la qualité physico-chimiques de l’eau.

Des échelles de tolérance des macroinvertébrés benthiques (voir Tab 1) ont été établies selon leur sensibilité à la pollution aquatique. Un lac ou une rivière présentera donc des problèmes de qualité de l'eau si l’on retrouve uniquement des macroinvertébrés benthiques tolérants.
Généralement les organismes les plus tolérants sont les oligochètes, les diptères (chironomes), les mollusques bivalves et les amphipodes. Ces organismes possèdent la capacité de bioaccumuler les contaminants et d’en survivre. Les organismes les plus sensibles sont généralement les éphémères, plécoptères et trichoptères.
Toutefois dans chaque grands groupes on retrouve des taxons tolérants ou intolérants, il faut alors effectuer une taxonomie à la famille pour être plus précis.

Tab 1 : Echelle de tolérance des grands groupes taxonomique

Échelle de tolérance Groupes taxonomiques
SENSIBLE Plécoptères
SENSIBLE Éphéméroptères
SENSIBLE Trichoptères
MOYEN Crustacés (amphipodes, isopodes)
MOYEN Mollusques (gastéropodes, bivalves)
MOYEN Odonates (anisoptères, zygoptères)
MOYEN Coléoptères
MOYEN Hémiptères
MOYEN Lépidoptères
MOYEN Mégaloptères
MOYEN Diptères (sauf chironomides)
TOLERANT Diptères (chironomides)
TOLERANT Annélides (oligochètes, sangsues)

Suivi volontaire et échantillonnage

Il existe de nombreux guides de suivi volontaire des cours d’eau (guide disponible sur le site gouvernemental : développement durable,environnement et parc du Québec[1]) qui s’adressent autant aux citoyens engagés qu’aux groupes environnementaux qui souhaitent entreprendre le suivi de la qualité de l’eau de rivières ou de lacs. Ces guides proposent de méthodes simples et accessibles de détermination, d’échantillonnage et d’analyse, ils permettent à la fois de sensibiliser et de vulgariser sur le thème de la dégradation des cours d’eau.
L’échantillonnage des macroinvertébrés se fait généralement à l’aide d’un troubleau, c’est un filet d’une largeur de 30 cm avec une maille de 500 μm. Dans les lacs les prélèvements se font dans les différentes zones (littorale, sublittorale et profonde). Dans les rivières ils se font dans des endroits caractérisés par des vitesses différentes de courants et des profondeurs différentes. L’automne est généralement la saison à privilégier car c’est la période ou l’on a une grande richesse taxonomique et c’est une période qui reflète bien la pollution agricole (juste après l’été).

Comment fabriquer un filet troubleau ?

Prendre un manche à balai auquel on fixe un support rectangulaire de cuivre. Ce support devra être fixé par un filet de mailles de 500 μm avec des cordes.

Comment effectuer un coup de filet ?

Dans les lacs, l’idéal est de récolter le fond de la zone d’échantillonnage en faisant glisser le filet sur une distance de 2m environ. Cela permet de récolter une bonne quantité d’organismes et d’avoir ainsi une bonne approximation de la faune présente (organismes communs et rares).
Dans les cours d’eau, il convient de placer le filet face au courant, d’enfoncer légèrement le filet dans le substrat, et de nettoyer manuellement les roches et le substrat sur environ 50 cm en aval du filet. Le courant fera entrer tous les organismes dans le filet.
Le contenu de chaque filet est généralement stocké dans des seaux étiquetés (date et site du prélèvement). Des mesures, comme la température, le type de végétation ou la nature du substrat sont intéressantes à relever afin de caractériser les différents sites.

Indices biotiques

Après avoir identifier les différents macroinvertébrés de l’échantillon, il est possible de calculer plusieurs indices qui permettent à la fois de caractériser le milieu d’étude et aussi de comparer les différents milieux d’études entre eux[1].

Richesse taxonomique

C’est le nombre de taxon présents dans l’échantillon. Plus ce nombre est élevé plus l’échantillon est riche. Cependant il faut faire attention car ce nombre varie selon le niveau d’identification, il est donc important de mentionner ce niveau (ordre ou famille ou espèces par exemple).
Une richesse taxonomique élevée est souvent synonyme de bonne santé du milieu. On peut aussi calculer cette richesse de manière plus précise, pour certains groupes bioindicateurs de la communauté.
Ainsi l’indice EPT, est le nombre de taxon appartenant aux ordres de Éphéméroptères, au Plécoptères et Trichoptères. Ces trois ordres sont généralement sensibles à la pollution, ainsi un indice EPT faible traduit un milieu perturbé.
A contrario, une forte proportion de Chironomes ou d’Oligochètes (taxons tolérants aux pollutions) est signe de mauvaise santé de l’eau.

Diversité taxonomique

On utilise souvent pour déterminer cette diversité, l’indice de Shannon-Wiener (H’) qui tient en compte à la fois du nombre de taxons présents et du nombre d’individus de retrouvés dans chaque taxon. On mesure ainsi l’abondance et la régularité de la distribution de chaque taxon.

H^\prime = -\sum_{i=1}^S p_i \ln p_i


pi : proportion du ième taxon sur le nombre total d’organismes
S : nombre total de taxons dans l’échantillon
Une valeur élevée de cet indice signifie que tous les taxons sont aussi denses, ce qui correspond à un milieu favorable et non pollué. Alors qu’une valeur faible signifie qu’il règne des conditions de vie difficiles dans le milieu, ce qui permet à peu d’espèces de s’établir et en l’absence de compétition, ces espèces auront tendance à pulluler.

Biodiversité et aide à la taxonomie

Les macroinvertébrés sont des organismes variées, leurs grands groupes ne sont pas très difficiles à identifier. Leur identification se fait généralement à la loupe binoculaire, en suivant des clefs d’identification.
Les grands groupes sont :


Voici une vision d’ensemble des groupes bioindicateurs avec quelques points permettant leur identification. Les images sont tirées du guide d’identification de J. Moisan, disponible sur Internet ([2]).

Ephéméroptères

Ephéméroptères

Ce sont des insectes dont les larves sont aquatiques. Ils ont généralement 3 cerques (queues) et ont des branchies sorties disposées le long de l’abdomen. Ils ne possèdent qu’une seule griffe au bout des pattes, ce qui les différencient des plécoptères. Ce sont des organismes fragiles, généralement considérés comme sensibles à la pollution, cependant il existe certaines familles tolérantes (Caenidae par exemple).

Plécoptères

Plécoptères

Ce sont des insectes dont les larves sont aquatiques et surtout retrouvées dans les rivières propres (pas dans les lacs). Ils possèdent deux griffes au bout des pattes et n’ont généralement que 2 cerques (queues). Ils possèdent de longues antennes segmentées. Les branchies peuvent être présentes ou absentes et situées à divers endroits sur le corps (cou, thorax, abdomen) Les plécoptères sont sensibles à la pollution.

Trichoptères

Trichoptères

Ce sont des insectes dont les larves et les nymphes sont aquatiques. La présence de 2 crochets anaux au bout de l’abdomen est caractéristique des larves, ces crochets leur permettent de se fixer à leur étui. L’abdomen est mou mais la tête est le thorax est généralement dur. La matière utilisée pour la fabrication des étuis et la forme des étuis sont utiles à l’identification. Les trichoptères sont généralement sensibles à la pollution, cependant la famille des Hydropsychidae à une tolérance moyenne à la pollution.

Chironomidés

Chironomidés-Larve
Chironomidés-Nymphe

Famille de diptères (mouches) la plus abondante en milieu aquatique : le stade larvaire et nymphal sont adaptés à la vie aquatique. Les larves ont un corps mince et allongé, les segments du thorax sont bien distingués et elles possèdent une paire de fausse patte au début du thorax et à la fin de l’abdomen. Elles vivent généralement dans un étui souple. Les nymphes ont un thorax renflé portant des organes respiratoires, le bout de l’abdomen avec des lobes annaux aplatis, des pattes longues et recourbées sous les ailes et des antennes passant en dessous des yeux. Les chironomidés (chironomes) sont généralement tolérants à la pollution.

Oligochètes

Oligochètes

Ce sont des vers aquatiques, qui ont un corps mou, allongé, cylindrique et segmenté. Les segments sont censés porter des soies mais elles sont difficiles à voir. Les oligochètes sont tolérantes à la pollution.

Références bibliographiques

  • Guide d’identification des principaux macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec, Moisan et al, 2006 [3]
  • Guide de surveillance biologique basée sur les macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec, Moisan, Pelletier et al, 2008 [4]
  • Notes de Cours Limnologie Biologique Bio3839, Pinel Alloul, 2010
  • Suivi volontaire de la qualité des cours d’eau : un guide pratique, Renaud, Beaudin et al, MNH 2003- CRJC 2003

Notes et références

  1. Armitage, P.D., Moss, D., Wright, J.F. & Furze, M.T. (1983). The performance of a new biological water quality score system based on macroinvertebrates over a wide range of unpolluted running water sites. Water Res. 17, 333–347.

Liens externes

  • Site gouvernemental : développement durable, environnement et parcs du Québec ; section fleuves, rivières et lac [5]
  • Site didactique d'enseignement en Entomologie et Ecologie [6]

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Macroinvertébrés benthiques dulcicoles de Wikipédia en français (auteurs)

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