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Évergétisme
L'évergétisme (ou, plus rare, évergésie) est un terme introduit au XXe siècle dans le lexique francophone par l'historien André Boulanger. Il dérive directement du verbe grec εύεργετέω signifiant « je fais du bien ». Dans sa définition originale, l’évergétisme consiste, pour les notables, à faire profiter la collectivité de leurs richesses. Il complète le clientélisme, lien individuel et personnel entre le patron et ses clients. L'historien Paul Veyne y a consacré son important ouvrage Le Pain et le cirque.
Sommaire
La générosité hellénistique
Apparue dans le monde hellénistique, cette pratique sociale devient une obligation morale pour les riches, et une obligation tout court pour toute entrée dans une magistrature importante : le consul de Rome, l’édile d’une cité latine donnaient des jeux à l’occasion de leur entrée en charge, et il était de bon ton de se montrer généreux en donnant plus que l’habitude. Les généreux notables pouvaient ajouter des bienfaits de toutes sortes, banquets publics, spectacles gratuits, ou plus éclatant encore, financement d’édifices d’utilité publique, thermes romains, théâtres, amphithéâtres, etc., portant pour l'éternité le nom et le titre du donateur, suivi d'une mention modeste, D.S.P.F. (De Sua Pecunia Fecit, « Fait avec son financement »).
Pompéi et Herculanum nous livrent de nombreux exemples d'évergétisme, dont témoignent les inscriptions et les statues dressées par une municipalité reconnaissante. Ainsi, à Herculanum, M. Spurius Rufus construit un marché (macellum, non découvert), rénové par L. Mammius Maximus[1], Annius Mammianus Rufus construit ou rénove le théâtre[2], M. Remmius Rufus équipe la ville d'une balance publique (pondera), d'une horloge et d'un lieu de réunion (schola)[3]. Les riches affranchis ne sont pas en reste, et les frères Lucii financent un petit sanctuaire (sacellum) en l'honneur d'Auguste. Chaque inauguration s'accompagne d'un banquet offert aux concitoyens, ou de façon plus restreinte, aux membres du collège des décurions ou des seviri augustales. Après le tremblement de terre de 62, qui ravage Herculanum, M. Nonius Balbus, ancien préteur à pouvoir proconsulaire[4] finance la remise en état les remparts et des portes de la ville, et de la basilique[5]. En reconnaissance, le sénat d'Herculanum lui fait élever des statues, dont une statue équestre à l'entrée de la basilique, un autel de marbre sur sa sépulture et décide de dédier les jeux gymniques en son nom[6]
L’empereur était évidemment le plus grand des évergètes. Suétone consigne systématiquement dans sa Vie des douze Césars les largesses qu’ils ont prodiguées au peuple romain. Panem et circenses (du pain et des jeux) formait l’évergétisme du quotidien, et les édifices splendides et démesurés qu'inaugurait l'empereur le complétaient dans des fastes historiques. Tant que l’Empire romain fut prospère, tout le monde y trouvait son compte : les notables se ruinaient contre la gloire populaire, et le menu peuple en profitait sans vergogne. À notre connaissance, seuls quelques intellectuels stoïciens ou rigoristes chrétiens pestèrent contre l’immoralité des spectacles offerts.
Fin de l'évergétisme
À partir du IIIe siècle et de plus en plus lors des siècles suivants, les tensions économiques rendent l'évergétisme plus difficile à pratiquer. Les constructions de monuments se raréfient, les coûteuses entrées en fonction des magistrats commencent à éloigner les candidats. Un exemple de cette crise est l'Arc de Constantin essentiellement constitué de remplois. L'évergétisme se tarira en Occident avec la disparition de l'Empire d'Occident. Dans l'Empire d'Orient, l'évergétisme de l'empereur et des magistrats disparaîtra sous Justinien Ier, qui supprimera le consulat, et laissera les Églises reprendre le rôle social des évergètes.
Notes
- ↑ CIL ou Corpus inscriptionum latinarum, X, 1450
- ↑ CIL X, 1443, 1444, 1445
- ↑ CIL X 1453
- ↑ Corpus Corpus inscriptionum latinarum, X, 1426
- ↑ Corpus Corpus inscriptionum latinarum, X, 1425
- ↑ L'Année épigraphique, 1976, 0144
Bibliographie
- Paul Veyne, Le pain et le cirque. Sociologie historique d'un pluralisme politique, coll. Point Histoire, Éditions du Seuil, 1976.
Articles connexes
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