Yōko Tawada

Yōko Tawada
Yōko Tawada
Nom de naissance 多和田 葉子
Activités Romancière, essayiste
Naissance 23 mars 1960
Tōkyō, Japon
Genres Prose, poésie, essais
Distinctions Prix Akutagawa, Prix Adalbert-von-Chamisso, médaille Goethe
Œuvres principales
  • Le Voyage à Bordeaux (2009)
  • Train de nuit avec suspects (2005)
  • L'Œil nu(2005)
  • Opium pour Ovide(2002)
  • Narrateurs sans âmes(2001)
Compléments

Yōko Tawada (多和田 葉子, Tawada Yōko?, née le 23 mars 1960) est une romancière japonaise née à Tōkyō. Elle écrit et publie en japonais et en allemand, sa seconde langue d'écriture.

Sommaire

Biographie

Yōko Tawada a étudié la littérature russe à l’université de Tōkyō et conservé d'un père communiste (rongé par le mal rouge aux dires de sa famille) une attirance pour la patrie de Lénine. Enfin diplômée de littérature russe, rien de plus naturel que de s'embarquer à bord du transsibérien à 19 ans ... Elle ne s'est pourtant pas arrêtée longtemps à Moscou, mais a continué son voyage jusqu'en Allemagne, où elle s'est installée à Hambourg en 1982.
Une fois en Allemagne et après un stage en librairie elle est arrivée à l'université pour reprendre ses études, en littérature allemande, cette fois, publiant une thèse de doctorat intitulée Spielzeug und Sprachmagie in der europäischen Literatur. Eine ethnologische Poetologie (Jouet et magie verbale dans la littérature européenne, Une poétologie ethnologique, 2000).
En parallèle, elle a rapidement commencé à publier ses textes, d'abord traduits du japonais, ensuite des œuvres entièrement écrites en allemand.
Depuis 2006 elle vit à Berlin quand elle n'est pas écrivaine en résidence dans une université ou en tournée de lectures.

Elle mène de front ses deux carrières littéraires, allemande et japonaise, très variées : roman, proses brèves, théâtre, poésie, théorie littéraire. Elle a été souvent récompensée dans les deux langues. Au Japon, elle a reçu le prix des jeunes auteurs décerné par la revue Gunzô pour son roman Sans talon, en 1991, puis le prestigieux Prix Akutagawa en 93 pour Le Mari était un chien (犬婿入り. En Allemagne, elle a été distinguée par le prix d’encouragement aux jeunes auteurs de la ville de Hambourg en 1990 et, en 1996, par le Prix Adalbert-von-Chamisso, réservé à des écrivains d'origine étrangère écrivant en allemand. Plus récemment, elle a reçu la médaille Goethe en 2005.

Pourquoi l'allemand ?

« La pratique de plusieurs langues donne une extériorité à son propre texte. » dit Yoko Tawada dans un entretien avec le journal L'« 'Humanité'[1] ». Mais cette envie de se regarder de l'extérieur n'explique pas le choix de l'allemand, qui, finalement, est dû à un hasard ou à l'impossibilité de faire des études en Russie, ni en Pologne au moment de son arrivée à Moscou en 1982. Comme elle a par contre obtenu un stage à Hambourg, elle a fini par choisir l'allemand. Or, le plus important pour elle était le fait d'étudier une langue européenne[2].
Cette confrontation d'une langue de logogrammes avec une langue alphabétique a fait beaucoup évoluer son style, à travers lequel elle procède à une ethnologie de la langue et de ceux qui la parlent. Chaque lettre de l'alphabet apparaît dans ce sens comme un logogramme japonais. Le « I », un simple bâton, peut-il vraiment désigner un individu ? En japonais, il existe beaucoup de signes qui signifient le moi, mais sans avoir le statut d'un pronom personnel, dit-elle dans « Diagonal » (enregistrement d'une lecture publique avec la pianiste Aki Takase).
La pratique de deux langues si différentes permet aussi de distinguer entre différentes pratiques de langue. Dans l'interview déjà évoqué, elle dit aussi qu'elle n'aurait jamais l'idée de lancer des injures à cause du mauvais temps en japonais, tandis qu'elle le fait fréquemment en allemand. Dans son livre Talisman, elle s'étonne d'une collègue de bureau qui gronde son crayon comme s'il était un être humain et prend cela pour de l'animisme allemand, mais aussi pour une spécificité de cette langue, comme si le crayon dans cette langue était doté d'une résistance contre ses utilisateurs.
Le passage permanent d'une langue à l'autre lui permet ainsi de faire des observations souvent surprenantes, mais très pertinentes.

Évènements

Yoko Tawada est une habituée des lectures-performances, elle travaille beaucoup avec des artistes. De l'une de ces coopérations est sorti l'enregistrement Diagonal avec la pianiste de jazz japonaise Aki Takase.
Peter Ablinger, compositeur autrichien, a intégré Das Libretto de Yoko Tawada à l'intérieur d'un opéra, "mélant diverses expressions artistiques (architecture, installation, cinéma, littérature, concert) en l'adaptant à chaque fois au lieu où il est représenté, work-in-progress, qui est recréé à chaque nouvelle représentation[3]."

Traduction

Chez Yoko Tawada, ou ne vaudrait-il pas mieux dire Tawada Yoko[4], tout est affaire de traduction. Il n'y a pas que les personnes qui voyagent, ils changent de nom dès qu'il passent une frontière, d'autant plus s'ils passent d'une langue alphabétique dans une langue à idéogrammes ou vice versa.
Son nom à elle nous apparaît donc sous une transcription phonétique, dans laquelle nous perdons le sens de l'idéogramme. En fait, la signification de la syllabe yo se perd, comme on ne sait plus auquel des nombreux idéogrammes qui se prononcent cette transcription fait allusion. On pourrait par exemple confondre Yoko (enfant de l'océan) Tawada avec Yoko (enfant des feuilles) Ono.

"En traduisant on traverse des frontières, on change ou modifie des noms, pas seulement ceux des protagonistes, mais aussi celui de l'auteur", dit-elle. Des auteurs allemands traduits en français en savent quelque chose. Des Johann se sont transformés en Jean, des Friedrich en Frédéric et sans parler des noms écorchés ou simplement modifiés par leur prononciation.

Cinéma

Yoko Tawada écrit d'une façon visuelle, elle est attachée à la matérialité de la langue. Sa langue maternelle, langue d'idéogrammes, renforce cet intérêt, qu'elle porte aussi aux autres langues qu'elle connaît et pratique. Il lui arrive fréquemment de considérer les lettres de l'alphabet comme des idéogrammes : comment le "I", je en anglais, une sorte de bâton debout, peut représenter l'individu. Et s'il tombe ?
Passer du roman au cinéma n'est donc qu'un petit pas à franchir.
Un de ses livres est directement inspiré du cinéma : L'Œil nu. Chaque chapitre a pour titre celui d'un film avec Catherine Deneuve et consiste à écrire ou récrire le film en fonction de l'aventure de l'héroïne du livre, une jeune Vietnamienne, qui initialement a été invitée à participer à un congrès de jeunesse à Berlin-Est, s'est fait enlever et séquestrer par un étudiant d'Allemagne de l'Ouest à Bochum et a finalement réussi à s'échapper.
Arrivé à Paris, elle passe son temps à aller au cinéma et à regarder des films avec Catherine Deneuve. Sans comprendre la langue française elle s'identifie au personnage et à sa voix, qui apporte l'énergie nécessaire pour survivre dans sa situation d'apatride et d'étrangère en situation irrégulière.
Écouter, voir, c'est sa façon de s'orienter dans un environnement à priori incompréhensible. Le roman rend compte davantage de ce qu'elle entend que de ce qu'elle voit, mais comme il est très difficile d'écrire l'univers sonore, les métaphores glissent rapidement vers le visuel.

Citations

« Vous observez un idéogramme chinois sans connaître un mot de chinois. Probablement vous y comprenez quelque chose, même si vous n’y comprenez rien… »

« Comme je ne comprenais pas le français, j’ai été d’autant plus étonné de découvrir le mot la vie au milieu du mot Klavier... »[5]

Bibliographie partielle (en traduction française)

Romans et nouvelles

  • Le Voyage à Bordeaux (Schwager in Bordeaux), traduit de l'allemand par Bernard Banoun (2009), Verdier.
  • Train de nuit avec suspects, traduit du japonais par Ryoko Sekiguchi et Bernard Banoun (2005), Verdier.
  • Narrateurs sans âmes (Erzähler ohne Seelen), traduit de l'allemand par Bernard Banoun (2001), Verdier.
  • Opium pour Ovide (Opium für Ovid), traduit de l'allemand par Bernard Banoun (2002), Verdier.
  • L'Œil nu (Das nackte Auge), traduit de l'allemand par Bernard Banoun (2005), Verdier.
  • Le Mari était un chien (犬婿入り), traduit de l'allemand par J. Campignon in Littérature japonaise d'aujourd'hui n°19
  • Où commence l'Europe ?, in traduit de l'allemand par F. Barthélémy, in LITTÉRall n°7 (revue)
  • La Bivalve, traduit de l'allemand par Bernard Banoun in Passage n°3 (revue)
  • Lecture dans un train de banlieue, traduit de l'allemand par Bernard Banoun in Scherzo (revue)
  • Musique des lettres, traduit de l'allemand par Bernard Banoun in Passage n°2 (revue)
  • L'Impôt-pilosité, traduit de l'allemand par Bernard Banoun in Passage n°3 (revue)
  • Miroir, traduit de l'allemand par Bernard Banoun in Passage n°3 (revue)
  • Un invité
  • Le Bain

Théâtre

  • Orphée ou Izanagi, pièce radiophonique
  • Till
  • Comme le vent dans l’œuf
  • Le masque de la grue rayonnant dans la nuit

Textes courts et poésie

  • Talisman, textes brefs
  • Mais les mandarines doivent être volées aujourd’hui même, prose poétique, textes oniriques, poèmes
  • Seiches voyageuses
  • Là où commence l’Europe, prose et poèmes
  • Métamorphoses, cours de poétique à Tübingen
  • Seulement là où tu es, il n’y a rien, poèmes et proses

Notes

  1. paru le 15 septembre 2007 dans l'Humanité
  2. Interview publié sur le site de l'Ambassade du Japon en Allemagne
  3. Peter Ablinger : Introduction à Opéra/Werke
  4. En japonais le nom de famille précède le prénom
  5. Yoko Tawada : Sprachpolizei und Spielpolyglotte, Tübingen,2007, p. 45

Liens externes



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