- Taux de chômage structurel
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Le taux de chômage structurel d’une économie est le taux de chômage d’équilibre, qui est atteint lorsque l’économie est à son niveau d'équilibre, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas de surproduction (haut du cycle économique) ou en sous-production (bas du cycle).
On peut expliquer le taux de chômage structurel à partir de l'inadéquation entre l'offre et la demande de travail. Aussi, ce taux de chômage d'équilibre dépend de l'importance des rigidités qui empêchent le bon fonctionnement du marché du travail.
Sommaire
Attention aux confusions: deux approches
Vision normative: Le taux de chômage naturel
La première approche repose sur une vision normative classique, celle du taux de chômage naturel de Milton Friedman. C'est un taux de chômage de plein emploi, qui repose uniquement sur du chômage volontaire. Il s’établit normalement dans une économie lorsque le marché du travail fonctionne sans intervention conjoncturelle de l’État, il est d’autant plus élevé que le marché du travail est plus rigide.
Vision positive: Le taux de chômage d'équilibre
La seconde approche repose sur une vision positive de la Nouvelle économie keynésienne, celle du taux de chômage d'équilibre. Comme le taux de chômage naturel, il s'explique aussi par les rigidités qui empêchent l'ajustement des salaires réels. Toutefois, il admet l'existence du chômage involontaire, de plus, il n'a pas le caractère optimal de plein emploi comme chez Friedman.
On distingue deux applications de cette conception du taux de chômage structurel:
- Le NAIRU, qui provient principalement d'une approche empirique (on cherche à réaliser une estimation économétrique du taux de chômage structurel).
- Le taux de chômage d'équilibre du modèle WS-PS, qui provient principalement d'une approche théorique (on cherche à mettre en avant les facteurs explicatifs du chômage structurel, modélisés selon des comportements microéconomiques), mais peut néanmoins être estimé empiriquement.
Explication du chômage structurel
On distingue les rigidités qui expliquent l'ensemble chômage structurel, des explications du chômage frictionnel (qui ne représente qu'une partie du taux de chômage structurel), et enfin les explications liées à l'effet d'hystérèse du chômage, qui correspondent à une augmentation durable du taux de chômage d'équilibre.
Rigidités et chômage structurel
Les rigidités empêchent les salaires réels de s'ajuster en vue d'équilibrer l'offre de travail (de la part des chômeurs) et la demande de travail (de la part des entreprises) selon la théorie standard néoclassique.
Rigidités exogènes
- Cotisations sociales (côté demande de travail)
- Exemple: salaire minimum (SMIC)
- Mécanisme: lorsque les cotisations sociales augmentent, il y a réduction de la demande de travail. En effet, pour les travailleurs qualifiés, l'augmentation des cotisations se répercute sur une baisse du salaire net. Cependant, pour les travailleurs peu qualifiés, la présence du SMIC empêche cet ajustement par les prix, d'où par les quantités, i.e. des licenciements.
- Prestations sociales (côté offre de travail)
- Exemple: allocations chômage (RMI)
- Mécanisme: elles entraînent une hausse du salaire de réservation, le salarié peut accroître ses exigences en matière de salaire du fait de la présence de revenus de transferts. L'effet est très important pour les pauvres, l'écart entre le RMI et le SMIC étant relativement faible, les individus peu qualifiés ont peu intérêt à rechercher un emploi. C'est une explication de la trappe à inactivité et de l'allongement de la durée du chômage.
- Protection de l'emploi (côté offre de travail)
- Exemple: pouvoir de négociation des syndicats
- Mécanisme: lorsque le pouvoir de négociation des syndicat augmente, le salaire réel de réservation (offert) peut être supérieur au salaire réel rentable (demandé) par les entreprises, ce qui implique du chômage.
Rigidités endogènes
Ce sont les rigidités qui proviennent directement des comportements des agents économiques. Elles correspondent à l'explication du chômage d'équilibre dans le modèle WS-PS.
- Modèle Insider-Outsider (Lindbeck et Snower 1989)[1]
L'entreprise est très averse au risque, principalement du fait du coût de rotation de la main d'œuvre, et du pouvoir de négociation décentralisé. Ainsi, plutôt que d'embaucher des outsiders prêts à accepter un salaire réel plus faible, les entreprises préfèrent garder les insiders et les rémunérer à un salaire réel plus élevé que celui du niveau concurrentiel. Le modèle explique donc la persistance du chômage.
- Les contrats implicites (Azariadis 1975)[2]
Même situation que le modèle insider-outsider. Il y a information imparfaite, les salariés ne savent pas ce qu'ils vont gagner, ils sont plus averse au risque que les entreprises. Pour partager le risque de façon optimale, les salariés établissent avec l'entreprise un contrat implicite qui permet de garantir le salaire réel à un certain niveau, déconnecté de la conjoncture économique. En période de récession, les salaires réels versés sont supérieurs aux salaires réels conjoncturels (=productivité des salariés), donc les entreprises licencient. Les travailleurs sont protégés sur le salaire, mais pas sur l'emploi.
- Le salaire d'efficience (Shapiro et Stiglitz 1984)[3]
Situation d'aléa moral: les employeurs ne pouvant pas connaître parfaitement l'effort fourni par les salariés dans leur travail. Afin de l'inciter à fournir l'effort maximum, l'employeur paye le salarié un peu plus que ce qu'il peut attendre dans une autre entreprise : ce salaire réel plus élevé que le salaire réel du marché est le salaire d'efficience. Le salarié aura donc tout intérêt à fournir le maximum d'effort de façon à rester dans l'entreprise qui le paie le plus. À l'inverse si son salaire est au niveau du prix d'équilibre du marché, le salarié ne perd rien à changer d'emploi et peut donc "relâcher" ses efforts au travail : c'est le salaire de réservation. Le taux de salaire entretient donc une relation croissante avec la productivité de l'employé.
- La négociation salariale (Mc Donald et Solow 1981, Nickel et Andrews 1983)
La négociation salariale peut être endogénéisée. La négociation n'est plus décentralisée, elle se fait collectivement par les insiders, contrairement au modèle de Lindbeck et Snower. Les agents ont des stratégies différentes, la détermination du salaire se fait selon la maximisation de fonctions objectives de Nash. La négociation peut porter sur le salaire et l'emploi (modèles des contrats optimaux) ou seulement sur le salaire (modèles des droits à gérer). Les seconds sont plus efficaces sur le plan empirique. L'hypothèse de décentralisation (d'exclusion des outsiders dans la négociation) fait apparaître une explication de la segmentation du marché du travail (marché stable contre marché précaire), plutôt que la persistance du chômage.
Rigidités et chômage frictionnel
L'étude des rigidités se situent dans le cadre d'une approche dynamique du marché du travail cherchant à expliquer le chômage frictionnel, i.e. qui dépend des délais d'ajustements entre offre et demande de travail. Deux types de modèles:
- Modèles de "Job Search ou prospection d'emploi" (Stigler 1962)[4]
- Mécanisme: Le chômeur est dans un processus de prospection d'emploi. Il existe un différentiel de salaire entre les secteurs de l'économie. L'agent cherche à trouver le meilleur salaire en minimisant ses coûts de recherche.
- Type de chômage: Le chômage est volontaire puisque l'agent souhaite rester sur le marché du travail pour continuer son processus de recherche.
- Modèles de "Matching ou appariement" (Pissarides 1990)[5]
- Mécanisme: on cherche à endogénéiser le délai nécessaire pour retrouver un autre emploi. Aussi, le comportement des entreprises n'est pas seulement défini par un salaire réel exogène. La rencontre entre les offreurs et demandeurs de travail se formalise par des fonctions d'appariement (facteurs: nombre de chômeurs et nombre d'emplois vacants selon la courbe de Beveridge qui relie négativement ces deux éléments).
- Type de chômage: Le chômage est involontaire, il correspond aux actifs qui recherchent activement un emploi mais qui n'ont pas encore «matché» une offre d'emploi.
Effet d'hystérèse du chômage
L'effet d'hystérèse est un terme emprunté à la physique, il désigne la « propriété d'un système qui tend à demeurer dans un certain état quand la cause extérieure qui a produit le changement d'état a cessé ». En économie, l'effet d'hystérèse du chômage correspond à une situation dans laquelle le taux de chômage d'équilibre augmente durablement, alors que sa cause a disparu.
On peut retenir trois causes principales - mais non exhaustives - de l'effet d'hystérèse:
- Dégradation du capital humain: les chômeurs de longue durée connaissent une dévalorisation de leur capital humain. Ainsi, ils seront considérés par les employeurs comme moins productifs, donc moins rentables. On dit généralement que "l'employabilité" se dégrade, et que le chômage de longue durée a donc tendance à "s'auto-entretenir".
- Niveau élevé des taux d'intérêts et baisse de l'investissement: en phase de reprise, i.e. au début de la période d'expansion, les entreprises sont contraintes de réduire leurs investissements de capacité, elle n'embauchent pas.
- Pouvoir de négociation des insiders: pendant la récession, les salaires sont rigides à la hausse. En revanche, en période d'expansion, les insiders réclament des augmentations de salaire. Dans le cadre de la théorie des insiders-outsiders de Lindbeck et Snower, l'entreprise est considérée très averse au risque du fait des coûts de rotation de la main d' œuvre. Ainsi, l'entreprise préfère rémunérer les insiders à un salaire réel plus élevé que le niveau concurrentiel plutôt que d'embaucher des outsiders pourtant prêts à recevoir un salaire plus faible.
Annexes
Notes et références
- Lindbeck A. & Snower D. (1989) "The Insider-Outsider Theory of Employment and Unemployment", Cambridge, Mass.: MIT Press
- Azariadis, C. (1975) "Implicit contracts and underemployment equilibria", Journal of Political Economy, 83: 1183-1202
- Shapiro C. & Stiglitz J. (1984), "Equilibrium unemployment as a worker discipline device", American Economic Review, 74 (3), 433-444
- Stigler G. (1962), "The Intellectual and the Marketplace", Selected Papers, no. 3. Chicago: University of Chicago Graduate School of Business.
- Pissarides C., (1990) "Equilibrium Unemployment Theory", Ed. Basil Blackwell, New York.
Bibliographie
- Politique économique, A Benassy-Quéré, B. Cœuré, P. Jacquet et J. Pisani-Ferry, De Boeck, 2004.
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