Michel rovelas

Michel rovelas

Michel Rovelas

Michel Rovélas est un artiste Guadeloupéen né en 1939.

Biographie

Les Plans-Séquences de Michel Rovélas par Gérard Xuriguéra, Historien d'Art

Au même titre, sinon davantage, que l'ancrage géographique, l'enfance exerce une emprise déterminante sur la vie de chaque artiste, car l'homme qui perd son enfance oublie ses racines.

C'est d'ailleurs dans ce retour au paradis perdu, que l'art se découvre dans les mailles de ses doutes et de ses convictions.

Et à plus forte raison lorsque ce cursus est celui d'un déraciné, dont la mémoire meurtrie par des siècles d'asservissement, héberge dans ses artères du sang caribéen, africain, chinois et européen. Il en est ainsi de Michel Rovelas.

A l'intersection de plusieurs cultures, il n'ignore pas le tribut payé par son peuple à l'histoire, et revendique farouchement son insularité, avec la chaîne d'implications sociales et ethniques qu'un semblable engagement suppose, afin de bien marquer le chiffre particulier de sa vision, les signes distinctifs de sa culture, et son identification irréfragable à son territoire originel : la Guadeloupe. Pourtant, malgré sa dilection pour ses traditions, son art de vivre, ses reliefs volcaniques et ses plages mordorées, qui le conduiront à s'attacher à l'exploration des apparences, sa perception du monde, alimentée par une conscience aigüe des phénomènes sociaux, se parera vite d'accents tourmentés.

Au commencement, attiré par une peinture épique au dessin châtié, un voyage inaugural à Paris en 1961, où il réalisera sa première exposition en 1964, lui permet d'étendre le champ de ses connaissances et de décaper une approche trop dépendante du détail.

Puis, à son penchant pour les fresquiste mexicains Rivera ou Orozco, il adjoint maintenant son admiration pour Picasso, en prenant la mesure des diffluences de l'art contemporain du moment.

Pour lui, le peintre a deux possibilités : « Soit peindre ce qu'il voit en tant qu'homme du XXe siècle, natures mortes, paysages, portraits... soit tenter de rendre compte, par une investigation plus poussée, de la nature de l'homme guadeloupéen et de son devenir. J'ai choisi la seconde voie ». Ceci posé, quoiqu'appartenant à la frange restreinte des peintres qui ont l'avantage de pouvoir confronter leur pratique à celles d'artistes d'autres continents, le poids de la terre-mère demeure trop prégnant pour qu'il en néglige les appuis.

A la nuance près, qu'aujourd'hui, parfaitement intégré à la mouvance de l'art de son temps, les appuis de Michel Rovelas sont devenus l'esquisse de son projet et non sa trame descriptive.

A cet égard, si l'on devait nécessairement le situer dans l'écheveau des courants de son époque, on le rangerait volontiers dans la postérité d'une figuration de caractère analytique, mais nimbée de résonances expressionnistes. En effet, étant donné les antécédents éprouvant de son itinéraire individuel, et le parcours traumatisant de ses ancêtres, dont les avatars ont lacéré ses nerfs et exacerbé sa sensibilité, sa démarche ne pouvait enlacer les douceurs de son ile, mais témoigner fiévreusement de sa lutte contre les aliénations qui, de nos jours encore, altèrent son droit au mieux être et sa place légitime au sein de l'identité culturelle universelle. Toutefois, ce n'est pas la simple transcription de la mémoire d'une communauté qui manifeste cette aventure inquiète, ni une rébellion supplémentaire contre les multiples oppressions planétaires, mais un véritable travail de peintre, où la symbolique sous-jacente se plie aux pouvoirs de la peinture, où les valeurs s'insèrent en leur juste lien, à travers des plans-séquences saupoudrés de masses voyageuses ou de matériaux divers, à partir d'une iconographie éclatée. Scellée par fragments verticaux superposés ou décalés, comme des sortes de vantaux isolant des morphologies tronquées – allusion aux miasmes déversés par les écrans télévisuels qui anesthésient les esprits – cette dialectique instable, aux formes ligaturées et nervurées, déclare une fascination obsessionnelle pour la figure humaine, et plus spécifiquement l'anatomie féminine.

Ici, c'est autant une mise en scène latente du désir, c'est-à-dire, la glorification de la femme noire dans la plénitude de ses attributs, qu'un réquisitoire contre les limites de son autonomie, qui sont levés dans un fallacieux chaos charnel.

Dans ces périmètres morcelés, les corps s'emmêlent, s'égarent et se retrouvent dans une tension extrême, les regards sont tantôt vides, tantôt obstrués, en projetant un sentiment d'angoisse et d'enfermement. Cette détresse, qui se noue au diapason de l'intrication des corps et de la dislocation des membres, procède d'une expérience directe, sanglée de vertiges, où l'on ne saurait disjoindre la part de l'observé et celle du vécu.

La réalité, en fait, sert de révélateur à ces images fractionnées, pensées et reconstruites dans la solitude de l'atelier de Capesterre.

Parfois indistincts, d'autres fois clairement désignés, ces visages et ces corps disposés sur des lits de fines matières à l'huile, ne nous offrent souvent de leur souvenirs se transforment autant qu'ils se conservent », selon Emmanuel Berl, que la syntaxe conquérante de configurations que leur raccourci, leur schématisation allégorique, comme il en est chez les expressionnistes, qui malmènent leur modèle pour atteindre leur vérité intime.

Cependant, la fougue de Michel Rovélas, ne s'accomplit pas seulement dans les assauts d'une gestualité spasmée, mais rencontre son plain-chant dans une armature architecturale plutôt linéaire, qui régule les épanchements inappropriés.

Ne voyons pas dans cette écriture de dévoiement onirique, d'appels à l'inconscient, par conséquent, de dérive littéraire, qui épauleraient des connotations surréalistes, mais des chocs visuels concrets, qui prolongent une riche vie intérieure, en prise sur les emblèmes de l'existence journalière. Et n'y décelons pas, non plus, d'allégeance au pittoresque, à l'exotisme, ni de narration à visée théorique, mais rien que des temps forts, des accords sentis et martelés, une témérité assumée dans les ruptures et les cadrages, un dosage contrôlé de la moindre unité de la toile, et ce silence énigmatique qui baigne chaque atmosphère. A cela, il faut ajouter un métier totalement maîtrisé, qui laisse tout de même à l'accident provoqué, le loisir d'apporter la note inespérée qui jaillit dans le feu de l'acte, en dispensant la touche terminale. C'est dans cette « fermentation perpétuelle où Michel Rovélas dépasse le constat pour l'incarnation de son humanité volontairement corsetée, qui porte en elle tant d'espérances, en nous ramenant à l'ordre du relatif.

Quels que puissent être les cycles thématiques : Connexions, Bifurcations, Crucifixions, ou Boucliers, voilà une œuvre dense et véhémente, très contemporaine dans la variété de ses postulats, dont l'incontestable présence atteste que l'art, sous n'importe quelle latitude, est bien plus que jamais l'ultime recours de la liberté de l'esprit.

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