Laser Mégajoule

Laser Mégajoule

Le Laser Mégajoule, ou LMJ, est un des principaux éléments du programme militaire français Simulation, destiné à assurer la pérennité de la dissuasion nucléaire de la France après l'arrêt définitif des essais nucléaires en conditions réelles. L'entrée en service est prévue, en octobre 2011, en 2014 suite à des économies budgétaires[1].

Sommaire

Présentation générale

Le laser Mégajoule (LMJ) est le projet de laser le plus énergétique du monde (et non pas le plus puissant du monde, mais cette erreur[2] est très fréquente dans les textes grand public), mené par la Direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) français. Cette Direction avait dans le passé disposé d'un autre laser, Phébus, en service de 1985 à 1999 dans son centre de Limeil-Brévannes.

Il sera installé au sein du Centre d'études scientifiques et techniques d'Aquitaine (Cesta), sur la commune du Barp en Gironde. Le chantier est commencé et la fin des travaux est prévue pour la fin de l'année 2011[3]. Le bâtiment fera 300 m de long, 160 m de large et 35 m de haut[4]. Un prototype du LMJ, la Ligne d'Intégration Laser, est déjà fonctionnel.

L'objectif est de pouvoir déposer une énergie de 1,8 MJ (mégajoules) sur une cible minuscule, grâce à 240 faisceaux convergents[5], mais en un temps assez long (ce qui explique que l'on batte des records d'énergie et pas de puissance). Par comparaison, le laser Phébus ne disposait que de 2 faisceaux, et délivrait une énergie de l'ordre de 10 à 20 kJ.

La cible est composée de deutérium et de tritium et la quantité d'énergie apportée sera suffisante pour provoquer la fusion nucléaire de ces deux isotopes d'hydrogène. Ces expérimentations sont réalisées afin de pouvoir étudier et valider les simulations des processus physiques mis en œuvre dans l'étape finale du fonctionnement d'une arme nucléaire, et font partie du programme Simulation mis en place par le CEA pour développer et pérenniser les armes de la force de dissuasion.

Le mercredi 29 novembre 2006, la sphère de 140 tonnes, à l'intérieur de laquelle auront lieu notamment des opérations de fusion thermonucléaire, a été installée dans son emplacement définitif, au cœur du hall d'expériences qui occupe le centre de l'édifice. (cf Sud-Ouest, 30 novembre 2006 : "La sphère du Mégajoule est en place".)

Quelques chiffres

Les spécifications d'origine sont les suivantes. Le bâtiment mesurera plus de 300 m et abritera les 30 chaînes lasers de 8 faisceaux chacune, soit 240 faisceaux qui convergeront vers une cible de 2,4 mm de diamètre après être passées par 4320 plaques de verre. Chacune des chaines lasers mesure 125 m. Le hall d'expérience est une sphère de 10 m de diamètre, pesant 140 tonnes et percée de 112 ouvertures permettant de positionner 52 instruments de mesure (spectres lumineux, neutrons, températures, densités,...) et de laisser passer les 240 faisceaux (par groupe de 4). La précision des faisceaux devra être de 50 µm[5]. La cible pourra atteindre une température de 100 à 200 millions de Kelvin et une pression de l'ordre de 1 TBar[5]

Mais alors qu'en 2002, un rapport du Sénat annonce un coût global de 5 milliards d’euros, son coût est en hausse. en 2005, on annonce 5,5 milliards d’euros, en 2008, 6,4 milliards d’euros, et en 2009, 6,6 milliards d’euros. Des dérapages budgétaires, qui pour être contrôlés, nécessitent de diminuer à 176 au lieu de 240 le nombre de lasers initialement prévus sur le LMJ (qui représente à lui seul la moitié des coûts)[6].

Principe de fonctionnement

Hohlraum en or utilisé comme cible dans le National Ignition Facility, similaire à celui utilisé dans le laser Mégajoule.

Le laser Mégajoule utilise la technique du confinement inertiel par laser pour amorcer une réaction de fusion nucléaire au sein d'une capsule de combustible de fusion (généralement deutérium et tritium). Il présente cependant certaines caractéristiques particulières :

  • la longueur d'onde des lasers est convertie en cours de parcours grâce à des cristaux de KDP (dihydrogéno-phosphate de potassium) de 1 053 nm (proche infrarouge) à 351 nm (proche ultraviolet), ce qui permet d'obtenir un dépôt d'énergie plus efficace sur la cible (ce qui fut démontré dans les années 1980). Les cristaux permettent de convertir 50% de l'énergie laser dans l'harmonique 3, grâce à un couplage non linéaires d'ondes[7].
  • la technique utilisée est dite d'attaque indirecte : c'est une cavité métallique, généralement en or (« hohlraum »), entourant la capsule de combustible, qui sert de cible aux faisceaux laser; l'énergie calorifique ainsi déposée entraîne la création d'un rayonnement X, le but recherché étant de chauffer la capsule de façon plus homogène que si elle était irradiée directement par les lasers. Pour cela, les impulsions lasers durent 20 ns (avec un maximum de puissance pendant 3 à 5 ns), avec une précision de synchronisation de 15 ps et une tâche focale de 600 µm par 1200 µm.

Ces deux opérations entraînant des pertes de rendement importantes, l'énergie effectivement reçue par la capsule de combustible est nettement inférieure aux 1,8 MJ d'énergie nominale déclarée.

Le pilote

Le pilote est le premier élément de la chaîne laser, il doit[7] :

  • créer l'impulsion laser initiale ;
  • la mettre en forme spatialement (forme carré de 40 mm par 40 mm) ;
  • la préamplifier jusqu'à un niveau d'énergie de l'ordre de 1 J ;
  • la lisser temporellement (sur quelques nanosecondes)
  • synchroniser tous les faisceaux entre eux.

La section amplificatrice

La section amplificatrice doit amplifier l'énergie de l'impulsion laser pour atteindre 15 à 20 kJ. Pour cela, l'impulsion parcourt 4 fois la chaîne amplificatrice (18 plaques de verres dopé au néodyme, pompées par flashes). Cela améliore le rendement total du dispositif car il réduit les dimensions du système[7].

Le transport et la conversion en fréquence

Chaque faisceau laser parcourt 40 m, est dévié par 6 miroirs et passe à travers des cristaux KDP afin d'être convertis en ultraviolet. Il passe ensuite par un réseau optique afin d'enlever le résidu de lumière à la fréquence fondamentale et de son harmonique 2, puis est focalisé sur la cible[7].

La chambre d'expériences

La chambre d'expériences est une sphère de 10 m de diamètre et pesant 140 tonnes. La paroi de la sphère est constitué d'aluminium sur 10 cm d'épaisseur, et est recouverte de 40 cm de béton boré (afin de protéger le personnel et les instruments). Elle est sous une pression de l'ordre de millionième de bar et possède de nombreux instruments et contient la cible[7].

La cible

Lors des expériences, il y aura principalement 2 types de cibles :

  • l'ensemble microballon plus container sera utilisé pour des expériences de fusion par confinement inertiel. Dans ce cas, le microballon sera composé d'un mélange Deutérium-Tritium (DT) solidifié pesant 300 µg et mesurant 2,4 mm. Il sera entouré d'un container en or de 10 mm qui permettra une attaque indirecte.
  • Dans les autres cas, la cible sera de forme varié (d'un point de vue géométrique et des matériaux) pour étudier le comportement des matériaux dans des conditions extrêmes[7].

Objectifs[5]

le laser mégajoule a été conçu pour valider les simulations d'essais nucléaires, cependant il va profiter à de nombreux domaines tels que:

  • la production d'énergie par fusion. Tout comme le projet ITER, un des buts du LMJ est de parvenir à produire de l'énergie grâce à la fusion. Cependant la méthode employée est la fusion par confinement inertielle à allumage rapide (et non par confinement magnétique). Pour cela, le LMJ devra comprimer une cible DT durant quelques nanosecondes, et un laser picoseconde supplémentaire allumera la réaction de fusion (le Petal: Pétawatt Aquitaine Laser) en générant une impulsion de 3 kJ.
  • l'astrophysique expérimentale, pour qui les lasers à hautes énergie permettent de recréer des environnements très hostiles comme les plasmas présents à l'intérieur des étoiles et l'intérieur de planètes:

"En raison de leurs capacités à concentrer rapidement une énergie élevée dans un petit volume de matière, les lasers du LMJ sont en mesure d’exercer des pressions comparables à celles qui règnent à l’intérieur des planètes, offrant ainsi la possibilité de les étudier dans ces conditions extrêmes" (Jean-Pierre Chièze, astrophysicien du CEA à Saclay) Car ces lasers sont capables d'accélérer des plasmas à plusieurs kilomètres par secondes, permettant de modéliser des phénomènes tel que les supernovas.

  • la recherche médicale. Les lasers à hautes énergie peuvent arracher des électrons en traversant un gaz, entrainant avec eux des ions et des protons. Ces particules sont utiles en protonthérapie (car elles peuvent traiter plus efficacement les tumeurs cancéreuses).

Opposants

Les mouvements pacifiste et antinucléaire s'opposent à la construction du Mégajoule ou, pour certains, demandent à ce qu'il soit "civilisé", c'est-à-dire exclusivement consacré à la recherche civile et non à la mise au point d'armes nucléaires.

  • Le 31 mars 1996, d'après le quotidien l'Humanité, plus de trois mille personnes manifestent devant le site nucléaire du Cesta pour "un XXIe siècle sans armes nucléaires, contre les essais réels ou simulés"[8].
  • Le 6 août 2005, soit exactement 60 ans après le bombardement atomique d'Hiroshima, plusieurs centaines de personnes participent à une journée pacifiste devant le Cesta puis au Barp[9].

Références

Voir aussi

Liens internes

Liens externes



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