Lares (mythologie)

Lares (mythologie)
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Lare de bronze du Ie siècle (M.A.N., Madrid).

Les Lares, parfois aussi appelés Genii loci, sont des divinités romaines d’origine étrusque (de l’étrusque Lars, seigneur). Ils sont des divinités particulières à chaque famille, le Lar familiaris est le dieu de la maisonnée qui protège toute la famille. On les fête le 11 des calendes de janvier (22 décembre)[1].

Sommaire

Origines et développement

Les Étrusques, voisins archaïques de Rome, pratiquaient des cultes domestiques, ancestraux ou familiaux très similaires à ceux que les Romains dédièrent plus tard à leurs Lares : ainsi, une peinture murale à la Tomba dei Leopardi, chez les Tarquin étrusques, montre que des offrandes sont faites à des personnages à l'allure de Lares, ou à des ancêtres déifiés, dans une procession préparatoire à des jeux funéraires ; de même un vase étrusque à figures noires, et des reliefs étrusques, montre les formes des autels et l'iconographie qu'on retrouve dans le culte des Lares, y compris l'offre d'une couronne en guirlandes, le sacrifice d'un porc ou la représentation de serpents comme une force fertilisante et génératrice[2]. Les auteurs de la Grèce et de la Rome antiques proposaient « héros » ou « démons » comme traductions de « Lares » ; Plaute utilise un « lar familiaris » comme gardien d'un trésor au nom d'une famille[3], ce qui équivaut à l'usage chez Ménandre d'un héroon (sanctuaire d'un héros ancestral)[4]. Weinstock propose une équivalence plus ancienne entre Lare et héros grec, qui s'appuie sur son interprétation d'une dédicace du IVe siècle av. J.‑C. au héros ancestral romain Énée comme Lare[5].

Aucune image matérielle de Lare antérieure à la République n'a survécu, mais les références littéraires, comme celles de Plaute, suggèrent que le culte pouvait être offert à un seul Lare, ou parfois à plus : dans le cas des obscurs Lares grundules, ils pouvaient être jusqu'à trente. Leur développement comme divinités appariées pourrait être survenu à cause de l'influence de la religion grecque — on connaît en particulier les Dioscure, héros jumeaux, et toute l'iconographie romaine consacrée aux demi-dieux jumeaux et fondateurs, Romulus et Rémus. Les statues de Lares domestiques à partir du début de l'Empire montrent seulement des écarts stylistiques mineurs par rapport à un archétype commun : petits, jeunes, ce sont des personnages masculins vêtus de tuniques courtes, rustiques avec une ceinture — faite en peau de chien selon Plutarque[6],[7]. Ils prennent des attitudes de danseurs, sur la pointe des pieds ou légèrement balancés sur une jambe.

Pratiques culturelles

Pour obtenir leur protection, on leur consacre une place dans la maison et on leur offre des aliments sur le Lararium, le temple domestique. Les Romains mettaient des offrandes tels que de la nourriture pour les dieux domestiques. À l’origine, ils ont pu présider aux travaux des champs, comme semble le suggérer la mention « enos Lases iuvate[8] » dans le chant des frères Arvales, avant de veiller sur les foyers, les carrefours (Compitales) et les enclos domestiques. De grossières statues de bois les représentent. Ils sont les fils de Mercure et de Lara.

Les Clients devaient déposer leurs offrandes ou lares chez leur patron, centre de la sacra gentilice. Avec la transformation profonde de cette relation à la fin de la République, Auguste récupérera cette tradition pour les assimiler aux Lares augusti et les intégrer dans le culte impérial.

Virgile confond le Lare et les Pénates[9]. Il y avait un Lare et deux Pénates par foyer. Le Lare, qui « a le souci de tout ce qui touche à la maison [réf. nécessaire]» (Ennius), formait avec les Pénates une trilogie tutélaire, subordonnée à Vesta.

Ils sont encore aujourd'hui vénérés dans certains pays[réf. nécessaire].

Nature des Lares

Les Lares peuvent être présentées sous la forme d'une nature ambivalente : le mot est parent de larva, « fantôme, spectre ». Ainsi, aux fêtes Compitales, on suspendait aux carrefours des mannequins, des « effigies de laine », parce que l'on «  considérait le Lares, auxquels ces fêtes étaient consacrées comme des âmes humaines admises au nombre des dieux[10] »

Le Lare, cité au singulier dans les temps primitifs, est l'esprit du foyer, en tant que Lar familiaris ; il est le père unique, mais idéal, d'une race. Il n'est pas à l'origine concrète de la famille, mais il est la « raison divine de son existence et de sa durée[11] ». Cependant, il ne constitue pas une véritable divinité, et c'est ce qui le distingue des Pénates, qui sont considérés comme les « dieux vénérés par les pères ou les ancêtres[12] ».

Les Lares et leurs domaines

Lare gallo-romain, période impériale (collection de statuettes « Muri »).

Les Lares appartenaient au « domaine physique borné » sous leur protection, et étaient sans doute aussi nombreux que les endroits qu'ils protégeaient. Les domaines ou particularités évoquées ci-dessous ne peuvent donc être considérés comme exhaustifs.

Lares Augusti

Les Lares d'Auguste, ou peut-être les « Lares d'août », recevaient un culte public le premier mois d'août, et étaient donc identifiés avec le jour inaugural des magistratures impériales romaines et avec Auguste lui-même. Leur culte officiel dura de son institution jusqu'au IVe siècle[13]. Ils sont identifiés avec les Lares Compitalicii et les Lares Praestiters de réforme religieuse d'Auguste[14].

Lares Compitalicii

Aussi appelés les Lares Compitales, ils sont les Lares des communautés locales ou des voisinages (vici), honorés lors des fêtes de Compitalia. Leurs sanctuaires étaient en général situés aux carrefours centraux (compites) des vici, et ils représentaient le foyer de la vie religieuse et sociale de leur communauté, particulièrement pour les plébéiens et les esclaves. Le culte des Lares Praestites, institué par Auguste, était tenu sur les mêmes sanctuaires, mais à des moments différents[15],[16],[17].

Lares Domestici

Lares de la maisonnée, probablement identiques aux Lares Familiares.

Lares Familiares

Lares de la famille.

Lares Grundules

Ce sont les trente « Lares du grognement », auxquels Romulus aurait donné un autel et un culte quand une truie mit à bas une portée exceptionnelle de trente porcelets[18].

Lares Militares

Ce sont les Lares militaires. Selon Marcianus Capella, ils sont membres de deux groupes incluant Mars, Jupiter et d'autres dieux romains majeurs[19]. En 1974, Palmer interpréta une image provenant probablement d'un relief d'autel comme « quelque chose comme un Lar Militaris » : il est vêtu d'un manteau et est à cheval, sur une selle en peau de panthère[20]

Lares Patrii

Ils étaient peut-être équivalents aux ancêtres déifiés (dii patrii) dont le culte était aux Parentalia.

Lares Permarini

Ils protégeaient les marins et leurs temples, dont l'un est connu sur le champ de Mars romain.

Lares Praestites

Ce sont les Lares de la ville de Rome, plus tard de l'état romain ; littéralement, ce sont les « Lares antérieurs », comme guardiens ou veilleurs. Ils étaient hébergés dans l'état de Regia, à côté du temple de Vesta, à l'adoration et au foyer sacré de laquelle ils étaient associés. Ils protégeaient Rome du feu malicieux ou destructeur.

Lares Privati

À compléter.

Lares Rurales

Ce sont les Lares des champs, identifiés comme custodes agri (« gardiens des champs »)[21],[22].

Lares Viales

Ce sont les Lares des routes et de ceux qui les traversent.

Annexes

Bibliographie

  • Beard, M., North, J., Price, S., Religions of Rome, vol. 1, illustrated, reprint, Cambridge University Press, 1998. ISBN 0-521-31682-0
  • Beard, M., North, J., Price, S., Religions of Rome, vol. 2, illustrated, reprint, Cambridge University Press, 1998. ISBN 0-521-45646-0
  • Clarke, John R., The Houses of Roman Italy, 100 BC-AD 250. Ritual, Space and Decoration, illustrated, University Presses of California, Columbia and Princeton, 1992. ISBN 978-0-520-08429-2
  • Giacobello, Federico, Larari pompeiani. Iconografia e culto dei Lari in ambito domestico, LED Edizioni Universitarie, Milano, 2008, ISBN 978-88-7916-374-3
  • Lott, John. B., The Neighborhoods of Augustan Rome, Cambridge, Cambridge University Press, 2004. ISBN 0-521-82827-9
  • Orr, D. G., Roman domestic religion: the evidence of the household shrines, Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II, 16, 2, Berlin, 1978, 1557‑91.
  • Rüpke, Jörg (Editor), A Companion to Roman Religion, Wiley-Blackwell, 2007, ISBN 978-1-4051-2943-5
  • Ryberg, Inez Scott, Rites of the State Religion in Roman Art, Memoirs of the American Academy in Rome, Vol. 22, University of Michigan Press for the American Academy in Rome, 1955, p. 10 – 13.
  • Taylor, Lilly Ross, The Mother of the Lares, American Journal of Archaeology, Vol. 29, 3, (Juillet - septembre 1925), 299 - 313.
  • Waites, Margaret C., The Nature of the Lares and Their Representation in Roman Art, American Journal of Archaeology, Vol. 24, No. 3 (Juillet - septembre 1920), 241 - 261.
  • Weinstock, Stefan, Two Archaic Inscriptions from Latium, Journal of Roman Studies, 50, (1960), 112 - 118.
  • Wiseman, T. P., Remus: a Roman myth, Cambridge University Press, 1995. ISBN 978-0-521-48366-7
  • Hunter, Richard, On Coming After, Studies in Post-Classical Greek Literature and its Reception, Berlin, New York (Walter de Gruyter) 2008, p. 612–626.

Notes et références

  1. Macrobe, Saturnales, livre I, 10
  2. Ryberg, pp. 10-13.
  3. Plaute, Aulularia, prologue.
  4. Hunter, 2008.
  5. Weinstock, 114-118.
  6. Plutarque, Œuvres morales, « Questions romaines », 52.
  7. Waites, 258.
  8. (en) E. H. Warmington, Remains of Old Latin, vol. IV : Archaic Inscriptions, Loeb Classical Library (réimpr. n° 359) 
  9. Virgile, Énéide [détail des éditions] [lire en ligne], V, [réf. insuffisante].
  10. Festus, De la signification des noms, X, art. « Laneae effigies » ((fr) lire en ligne).
  11. J. A. Hild, art. « Lare », section I - « Origine et signification », in Charles Daremberg, E. Saglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, 1877-1919 ((fr) lire en ligne sur Méditerranées.net).
  12. Renato del Ponte, La religion des Romains. La religion et le sacré dans la Rome ancienne, Editions Rusconi, Milan 1992, 304 pages, 12 illustrations, chap. 2.
  13. Beard et al, 185-186, 355, 357.
  14. Lott, 116-117.
  15. Beard et al, 139.
  16. Lott, 115-117.
  17. Suétone, Vie des douze Césars, « Auguste », XXXI, 6 ((fr) lire en ligne).
  18. Taylor, 303, citant l'annaliste Lucius Cassius Hemina.
  19. Marcianus Capella, 1, 45 ss.
  20. (en) Robert EA Palmer, Roman religion and Roman Empire. Five essays, Presses de l'Université de Pennsylvanie, coll. « Haney Foundation series » (no 15), 1974, 291 p. (ISBN 0812276760 et 9780812276763) [lire en ligne], p. 116 
  21. Tibulle, Élégies [détail des éditions] [lire en ligne], I, 1, 19-24.
  22. « Lucos in agris habento et Larum sedes. » Cicéron, De Legibus, II, 19 ((la) lire en ligne).

Annexes

Articles connexes

Liens externes


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