Jean Scot Érigène

Jean Scot Érigène
Jean Scot Erigène

Jean Scot Erigène, (Iohannes Scottus) est un moine et philosophe irlandais du IXe siècle né entre les années 800[1] et 815. Il meurt en 876 sur le continent, comme nombre de moines celtes venus d'Irlande, « l'île des saints et des savants » et du christianisme celtique.

De Scot (Jean), dit « Érigène », philosophe et théologien du IXe siècle, il est impossible de fixer davantage les éléments relatifs à sa date de naissance, sa jeunesse et la fin de sa vie. On cumule sur le continent ses surnoms Scotus et l'Érigène ou, en latin, Eriugena. La dénomination Jean Scot Erigène dissimule une redondance toponymique. En effet, dans son pays d'origine, on le nommait Hibernia, Scottia ou Eriu. Erigène signifiant qu'il est originaire d'Irlande, alors que Scot indique qu'il vient de la terre des Scots, la Scotia étant à l'époque le mot latin pour designer l'Irlande.

Sommaire

Sa vie et son œuvre

Érigène gagne le continent vers 845. Il vient en France, appelé par Charles le Chauve, et il passe presque tout le reste de sa vie à la cour de ce prince qui l'établit recteur de l'école palatine, c'est-à-dire qu'il assure probablement l'enseignement à l'école du palais. Il devient le philosophe officiel du petit-fils de Charlemagne.

Avec le règne de Charles, le cadre des études officielles dispensées s'élargit. Jean Scot Érigène exalte le zèle religieux du souverain qui, au milieu de ses soucis politiques (attaques des Normands et guerres intestines), sait garder un intérêt pour les études des Pères grecs et ne pas se contenter des Pères latins.

Les Irlandais, qui sont à la cour de Charles le Chauve les plus nombreux parmi les savants étrangers, touchent également aux formations patristiques et philosophiques. Le simple désir de Charlemagne de voir des prêtres parler correctement le latin est vite dépassé par le talent de personnalités telles que Sedulius, Jean Scot Erigène ou Martin Scot. Se rendant souvent à Laon, où résident de nombreux compatriotes, Érigène s'adjoint les services de Martin Scot dans les traductions du grec nécessaires à ses études.

À la cour du petit-fils de Charlemagne, Érigène participe en animateur à la discussion autour de la prédestination et y enseigne librement les arts libéraux. C'est à cet homme cultivé que l'on doit l'expression d'arts mécaniques. Ce terme est utilisé dans un de ses commentaires sur un ouvrage de Martianus Capella. Ce commentaire accorde déjà aux arts mécaniques un statut presque égal à celui des arts libéraux.

Penseur original, sachant le latin, le grec, quelques-uns disent aussi l'hébreu, nourri de la lecture des écrits d'Origène, traducteur de textes alors attribués à Denys l'Aréopagite, Scot Érigène est à la fois philosophe et théologien. C'est bien le seul de son époque à connaître et à traduire Maxime le Confesseur auquel il doit des éléments importants de sa pensée.

Le romain Anastase le Bibliothécaire a dit d'Erigène : « Ce barbare qui vit aux confins du monde civilisé a pu traduire Denys l'Aréopagite mais, peu assuré du sens, il s'en est tenu à la lettre ». Citation? Cette citation ne parait pas pertinente avec la suite . Elle concerne un traducteur antérieur, Hilduin, qui traduisit effectivement mot à mot.

Jean Scot était un laïc, quoique clerc[2]. Il a une culture exceptionnelle pour son temps. Il est féru de grec : un passage (lequel?) de l'un de ses écrits laisse entendre qu'il a voyagé en Grèce et en Orient. Il traduit les Pères de l'Église et annote les œuvres de Maxime le Confesseur ainsi que Sur les images de Grégoire de Nysse. Il étudie Origène et saint Augustin. Il annote et commente Martianus Capella et Boèce. Il reste, encore aujourd'hui, reconnu pour avoir été un traducteur et commentateur brillant du Pseudo-Denys l'Aréopagite.

Un esprit universel

Ce laïc irlandais a su en extraire une quintessence qui prolonge des traditions antérieures, chrétiennes et païennes. Et sa pensée pourrait être redécouverte pour renouveler la pensée sur des thèmes comme l'imaginaire, la théologie apopathique, le symbolisme, etc. Pour lui, toutes les aspirations humaines au savoir ont pour origine la question de la foi en la révélation. C'est à la raison humaine en tant que miroir du Verbe qu'incombe néanmoins dans le temps le devoir d'expliquer le sens de la révélation. Il s'ensuit qu'aucune contradiction ne peut surgir entre foi et raison humaine sans incompréhension, et entre foi et raison divine. Il faut suivre l'autorité des Pères de l'Église aussi longtemps que celle-ci est en accord avec la révélation ; en cas de contradiction, c'est l'écriture et la raison divine qui l'emportent…. L'homme n'a de raison que comme miroir et ressemblance du Verbe, qui est la vraie Raison qui mesure toute raison humaine . Et bien sûr une tradition fragile est moins que le Verbe ; mais cela ne fait pas de Scot un rationaliste moderne, car sa "raison" est très éloignée de la raison des modernes .

L'Irlandais, aigle de l'Esprit, concevait la nature (natura) sous quatre catégories dont le point de départ était Dieu et dont le terme aboutissait à Dieu, donc comme un cercle qui part du Suprême et fait retour à lui. Tout part du Suprême et retourne au Suprême .Il est sur l'Un diverses perspectives finies légitimes en tant que finies . Tous les êtres créés se résorbent ainsi en leur créateur. La notion de bien et de mal est propre à la manifestation comme le temps et l'espace, innocents et coupables devant connaître un destin temporel étranger ou non à leur destinée éternelle . L'Enfer n'est pas un lieu terrestre, de la manifestation spatiale, car rien n'est hors de l'Espace de la nature divine ; il n'en est pas moins être, douleur et aveuglement . V.Avital Wohlman "L'homme, le monde sensible, et le péché dans la philosophie de Jean Scot Erigène" Vrin, 1987

Dans son traité De divisione naturae (ou Periphyseon), il fait une compilation et une synthèse de la culture grecque païenne au travers de la tradition des pères grecs et latins . Il s'agit essentiellement de la culture grecque, en y ajoutant cependant des auteurs latins imprégnés de culture néo-platonicienne, Boèce, Martianus Capella et St Augustin : v: Stephen Gersh "From Iamblichus to Eriugena: an investigation of the prehistory and evolution of the pseudo-Dionysian tradition" Brill Archive, Leyde, 1978. Théologien émérite, il glose l'Évangile selon Jean, analyse la pensée d'Augustin d'Hippone et prend part aux grandes querelles théologiques sur la nature divine. Il s'oppose à Godescalc au sujet de la prédestination. Il encourt les foudres de plusieurs conciles locaux pour le panthéisme et le pandéisme qui, selon une incompréhension tenace, se dégage de ses œuvres. Ce panthéisme est une accusation ancienne mais qui n'a jamais, et pour cause, été confirmée . Jean Scot Erigène est lu et étudié pendant tout le Moyen Âge, entre autres par Thomas d'Aquin .

Vers 865 ou 867, il est dénoncé comme hérétique par le pape Nicolas Ier. L'accusation n'est pas confirmée. Au lieu de se retirer dans un couvent, il demeure en France, et c'est sur sa terre d'accueil qu'il meurt vers 876 (peut-être 877).

Jean Scot est aussi une manifestation, rare et précieuse, de la culture celte, avec son goût pour l'imaginaire conçu comme une force positive, une direction vers la Lumière des lumières .

Sa postérité

Jean Scot est aujourd'hui réclamé par certains libres penseurs comme un des leurs, bien que ce terme n'ait aucun sens au IXe siècle.

En 851, Jean Scot Érigène écrit par exemple dans De la prédestination :

  • Dieu ne prévoit ni peines, ni péchés : ce sont des fictions.
  • L'enfer n'existe pas, ou alors il se nomme le remords.

C'est à Jean Scot Erigène qu'on attribue en général les idées directrices du mouvement du Libre-Esprit (XIIIe siècle) - (XIVe siècle). Mouvement férocement pourchassé par l'Inquisition et dont la première condamnation papale remonte à 1204.

Sa grande prêtresse Marguerite Porète finira brûlée vive en place de Grève à Paris, le 1er juin 1310 avec son unique livre le Mirouer des simples ames anienties (livre qui reprend nombre d'idées d'Érigène).

Les attributions de postérité « sectaire » à Jean Scot Erigène résultent d'une incompréhension de son œuvre. Jean Scot est strictement le continuateur de la tradition néoplatonicienne de la basse antiquité, en particulier de Proclus, relu et christianisé par Denys l'Aéropagite.


Bibliographie

Œuvres de Jean Scot

  • Les œuvres rassemblées dans le tome 122 de la Patrologie latine (= PL), de J.-P. Migne il a été réédité par Goulven Madec dans “ Corpus Christianorum, Continuatio mediaeualis ”, vol. 50, 1978
  • De la division de la nature. Periphyseon. Paris, Presses Universitaires de France, Épiméthée

Livre I-II (1995); Livre III (1995); Livre IV (1995); Livre V (2009); introduction, traduction et notes par Francis Bertin.

  • Periphyseon (De Divisione naturae), PL, 122, 441-1022. Édition critique dans la collection “ Scriptores Latini Hiberniae ”, Dublin, par les soins de I. P. Sheldon-Williams, L. Bieler, J. J. O’Meara
  • Commentaire de l'Évangile selon St Jean ; "commentaire du prologue de l'Évangile selon St Jean". Collection Sources chrétiennes, éditions du Cerf, Paris, vol. 180, 1972.
  • Commentaire de la “ Hiérarchie céleste ” du Pseudo-Denys, éd. J. Barbet, “ Corpus Christianorum, Continuatio mediaeualis ”, vol. 31, 1975
  • Homélie sur le Prologue de l’Évangile de Jean, éd. E. Jeauneau, “ Sources chrétiennes ”, vol. 151, 1969

Travaux sur Jean Scot

  • M. Cappuyns. Jean Scot Erigène sa vie, son œuvre, sa pensée. Paris: Desclée de Brouwer 1933.

Réimpression anastatique: Bruxelles, Culture et Civilisation, 1964

  • Endro Von Ivanka, "Plato Christianus", PUF Paris 1991
  • Stephen Gersh "From Iamblichus to Eriugena: an investigation of the prehistory and evolution of the pseudo-Dionysian tradition" Brill Archive, Leyde, 1978.
  • Avital Wohlman "L'homme, le monde sensible, et le péché dans la philosophie de Jean Scot Erigène" Vrin, 1987.
  • R. Roques, Libres sentiers vers l’érigénisme, Rome, 1975
  • Emmanuel Falque "Dieu, la chair et l'autre" (ch. 2, Dieu phénomène - Jean Scot Erigène) PUF, 2008

Notes et références

  1. La date de naissance la plus communément admise l'an 800.
  2. Il n'exerçait pas de fonction au sein de l'Église. Il est dit clerc parce que la différence entre laïcs et clercs à l'époque carolingienne était très ténue : un clerc peut être simplement quelqu'un d'érudit, et cela se confond souvent, dans le Moyen Âge tardif, avec l'exercice d'une fonction ecclésiastique.

Compléments

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