IIe concile œcuménique du Vatican

IIe concile œcuménique du Vatican

Le IIe concile œcuménique du Vatican, plus couramment appelé Vatican II, est le XXIe concile œcuménique de l'Église catholique. Il a été ouvert par le pape Jean XXIII le 11 octobre 1962 et clos sous le pontificat de Paul VI le 8 décembre 1965.

On le considère généralement comme l'événement le plus marquant de l'histoire de l'Église catholique au XXe siècle, symbolisant son ouverture au monde moderne et à la culture contemporaine faite de progrès technologiques considérables, d'émancipation des peuples et de sécularisation croissante. Des réponses aux questions modernes furent cherchées dans un retour aux racines du christianisme : la Bible (sur la base de nouvelles recherches bibliques) et la grande Tradition.

Le déroulement inattendu du concile s'explique par les différences importantes entre la première et la deuxième session. Un programme préétabli par des cardinaux de curie (avec des textes quasi prêts à être votés) fut rejeté. Les pères conciliaires prirent alors leur agenda en main. Les cardinaux Léon-Joseph Suenens, Giacomo Lercaro, et Julius Döpfner, trois des quatre modérateurs, semblent avoir été à l'origine de cette « révolte ». Le changement de procédure fut immédiatement accepté par Jean XXIII. Tout fut alors très différent, et les discussions plus libres.

On y a débattu notamment des célébrations liturgiques, du rapport que devait entretenir l'Église catholique avec les autres confessions chrétiennes, avec les autres religions, et la société en général, mais aussi de problèmes plus spécifiquement théologiques, comme la liberté religieuse et la Révélation.

Sommaire

Contexte

Vatican I, concile inachevé ?

La tenue d'un nouveau concile[1] pouvait apparaître comme d'autant plus souhaitable que presqu'un siècle plus tôt, le premier concile du Vatican avait été interrompu par le début de la Guerre franco-prussienne, et seuls les débats sur le rôle de la papauté avaient pu être menés à terme avec la proclamation du dogme de l'infaillibilité pontificale, alors que nombre de questions pastorales et dogmatiques concernant le magistère de l'Église avaient dû être laissées en suspens. En réalité, d'après Mgr Philips[2], dès 1948 avait été abandonnée l'idée de fixer le programme d'un éventuel concile en fonction de ce que le précédent avait laissé inachevé. Il convenait de prendre en compte les 40 encycliques publiées depuis et le code de droit canonique de 1917. Pie XI[3] et Pie XII[4] avaient envisagé la réunion d'un concile sans mener leur projet à terme[5].

Dans le syllabus, Pie IX avait dénoncé l'incompatibilité entre le libéralisme et l'Église catholique[6] et après lui Léon XIII et Pie X ont repris l'image de la lutte entre le Christ et Bélial[7]. Cependant ils avaient par l'encyclique Rerum novarum, les encouragements prodigués aux catholiques sociaux, le développement de l'Action catholique montré leur souci de la société civile. Ils avaient aussi manifesté leur espérance dans le renouveau de la civilisation chrétienne[8]. Pour Yves Congar, le catholicisme de la fin du XIXe siècle a été marqué par "son absence d'espérance pour le monde comme tel. L'espérance était individuelle, comme les « fins dernières », non cosmique, ni sociale, ni historique»[9]. Dans les années 1950, bien des catholiques, face aux défis que leur posent les changements politiques, sociaux, économiques et techniques espèrent une réconciliation entre l'Église et le « monde » et une adaptation de son discours.

Un groupe d'évêques allemands, français, et autrichiens rassemblait les plus organisés d'entre eux. En effet l'annonce de candidatures préparées par la curie romaine aux dix commissions conciliaires avait entraîné une mobilisation de la conférence épiscopale allemande. Réunis autour du cardinal Frings, les évêques allemands avaient émis l'idée que chaque conférence épiscopale puisse proposer ses candidats. Et Frings s'était mis en rapport avec le cardinal Liénart, président de la conférence épiscopale française, pour intervenir dès les premières sessions du concile[10].

Les dernières années du pontificat de Pie XII

À la même époque, les travaux théologiques et bibliques catholiques avaient commencé à s'écarter de la néo-scolastique et du littéralisme biblique (École biblique et archéologique française de Jérusalem, sous l'influence notamment du père Lagrange, dominicain), que la réaction au modernisme avait renforcé au sein de l'Église romaine après le Premier Concile du Vatican. Le renouveau avait pour figures de proue des théologiens comme Yves Congar, Karl Rahner et John Courtney Murray, qui voulaient mieux intégrer l'expérience humaine contemporaine au sein du dogme chrétien. On peut citer également Joseph Ratzinger (devenu pape en 2005 sous le nom de Benoît XVI), Henri de Lubac et Jean Daniélou qui, à travers le mouvement patristique, cherchaient une source de renouveau dans une étude approfondie des textes des Pères de l'Église des premiers siècles du christianisme. D'autres mouvements ont également concouru à l'émergence du nouveau concile : le mouvement liturgique issu de la pensée de Dom Lambert Beauduin en liaison avec des abbayes bénédictines comme celle de Maria Laach, et le mouvement marial. Tous ces mouvements avaient été freinés par les mises en garde du Saint-Siège notamment par l'encyclique Humani generis publiée par Pie XII en 1950.

L'Aggiornamento

Jean XXIII avait déjà exprimé son intention de rassembler un concile devant son secrétaire, Mgr Loris Capovilla, le 2 novembre 1958[11]. Mais c'est à la surprise générale, que moins de trois mois après son élection[12], il annonce son intention de convoquer un Concile œcuménique. Le 25 janvier 1959, à la fin de la semaine de l'Unité des Chrétiens, le pape Jean XXIII, devant un groupe de cardinaux réuni à Saint-Paul hors les Murs, voit son annonce officielle reçue dans un "impressionnant et respectueux silence". Il laisse alors en suspens la question de la nature et du but de ce concile.

Pendant les mois qui suivent, le pape explicite son intention dans de nombreux messages, notamment au sujet de la forme que devait revêtir le concile ; on raconte qu'alors qu'on lui demandait à quoi allait servir le Concile, il ouvrit une fenêtre et déclara, « je veux ouvrir largement les portes de l'Église, afin que nous puissions voir ce qui se passe à l'extérieur, et que le monde puisse voir ce qui se passe à l'intérieur de l'Église »: il lance la notion d'Arggiornamento ("mise à jour"). Il invita les autres Églises chrétiennes à envoyer des observateurs au Concile. Nombre d'Églises protestantes et orthodoxes acceptèrent. L'Église orthodoxe russe, craignant les représailles du pouvoir soviétique, n'accepta de s'y rendre que lorsqu'il fut confirmé lors d'une réunion informelle à Paris que le Concile n'aborderait pas de questions politiques.

La préparation

Le 17 mai 1959, jour de la Pentecôte, il annonce la création d'une commission antépréparatoire présidée par le cardinal secrétaire d'État Domenico Tardini. Les Universités catholiques, les Sacrées Congrégations et tous les évêques sont alors invités à exprimer leurs conseils et leurs vœux (consilia et vota) sur les sujets à aborder lors du concile. En un an 76,4% d'entre eux répondent (soit 2150 réponses)[13]. Les principales demandes sont celles d'une meilleure définition du rôle des évêques, d'une clarification du rôle des laïcs dans l'Église et de la place que doit y tenir l'Action catholique. Beaucoup de réponses demandent la condamnation du marxisme, de l'existentialisme et du relativisme doctrinal et moral[14].

La phase préparatoire est inaugurée à la Pentecôte 1960 ( 5 juin) la préparation du Concile, qui dure plus de deux ans, implique dix commissions spécialisées, ainsi que des secrétariats pour les relations avec les médias, pour l'unité des chrétiens confié au cardinal Bea, et une commission centrale présidée par le pape, avec Mgr Pericle Felici comme secrétaire général, pour coordonner les efforts de ces différents organismes. Ces commissions, composées en majorité de membres de la Curie romaine, produisirent 70 schémas (schemata), destinés à servir de base de travail pour les Pères conciliaires. Un «matériel immense, excellent, mais hétérogène et inégal», écrit, quelques semaines après l'ouverture de la première session, Giovanni Battista Montini, cardinal archevêque de Milan, «qui aurait réclamé une réduction et un classement courageux [...]''si une idée centrale, architecturale, avait polarisé et «finalisé» ce travail considérable»[15]. Le 25 décembre 1961, Jean XXIII convoque officiellement le concile par la bulle d'indiction "Humanae salutis".

Textes et documents

Les documents sont donnés ici dans l’ordre chronologique de leur approbation par les pères du Concile. Bien que tous officiels, ils n’ont pas nécessairement tous la même importance théologique et canonique dans la vie de l’Église. Le titre qui leur est donné (Constitution, Décret ou Déclaration) donne une certaine idée de leur importance. Le Concile a approuvé 4 Constitutions, 9 décrets et 3 déclarations.

Deuxième session (1963)

  • 4 décembre 1963. La Constitution sur la sainte Liturgie (Sacrosanctum Concilium) est approuvée en dernière lecture par 2 147 voix contre 2.
  • 4 décembre 1963. Le Décret sur les moyens de communications sociales (Inter Mirifica) est approuvé en dernière lecture par 1 960 voix contre 164.

Troisième session (1964)

  • 21 novembre 1964. La Constitution dogmatique sur l’Église (Lumen gentium) est approuvée en dernière lecture par 2 151 voix contre 5.
  • 21 novembre 1964. Le Décret sur les Églises catholiques orientales (Orientalium Ecclesiarum) est approuvé en dernière lecture par 2 110 voix contre 39.
  • 21 novembre 1964. Le Décret sur l’Œcuménisme (Unitatis Redintegratio) est approuvé en dernière lecture par 2 137 voix contre 11.

Quatrième session (1965)

  • 28 octobre 1965. Le Décret sur la charge pastorale des évêques dans l’Église (Christus Dominus) est approuvé en dernière lecture par 2 319 voix contre 2 et 1 vote nul.
  • 28 octobre 1965. Le Décret sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse (Perfectae Caritatis) est approuvé en dernière lecture par 2 325 voix contre 4.
  • 28 octobre 1965. Le Décret sur la formation des prêtres (Optatam totius) est approuvé en dernière lecture par 2 318 voix contre 3.
  • 28 octobre 1965. La Déclaration sur l’éducation chrétienne (Gravissimum educationis) est approuvée en dernière lecture par 2 325 voix contre 35.
  • 28 octobre 1965. La Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non-chrétiennes (Nostra Aetate) est approuvée en dernière lecture par 2 221 voix contre 88 et 1 vote nul.
  • 18 novembre 1965. La Constitution dogmatique sur la Révélation divine (Dei Verbum) est approuvée en dernière lecture par 2 344 voix contre 6.
  • 18 novembre 1965. Le Décret sur l’apostolat des laïcs (Apostolicam Actuositatem) est approuvé en dernière lecture par 2 340 voix contre 2.
  • 7 décembre 1965. La Déclaration sur la liberté religieuse (Dignitatis humanae) est approuvée en dernière lecture par 2 308 voix contre 70.
  • 7 décembre 1965. Le Décret sur l’activité missionnaire de l’Église (Ad gentes) est approuvé en dernière lecture par 2 394 voix contre 5.
  • 7 décembre 1965. Le Décret sur le ministère et la vie des prêtres (Presbyterorum ordinis) est approuvé en dernière lecture par 2 390 voix contre 4.
  • 7 décembre 1965. La Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps (Gaudium et spes) est approuvée en dernière lecture par 2 309 voix contre 75 et 7 votes nuls.

Signature et promulgation

Chaque document se termine par le texte,

«Tout l’ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans cette Constitution (Décret, Déclaration) ont plu aux pères du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu». Signé : Moi, Paul, évêque de l’Église catholique.

Suivent les signatures des pères conciliaires.

Les sessions (1962 - 1965) : approche chronologique

Une fois le Concile ouvert, d'autres commissions devaient être constituées, chargées de trier et de revoir les différents schémas, réduits à 17 pour en tirer la substance, puis de les présenter au Concile pour qu'ils soient approuvés et éventuellement amendés. En fait, les schemata furent écartés dès la première session du Concile, et d'autres furent créés.

Au cours de l'été 1962 Jean XXIII annonce quels sont les sept premiers schémas qui seront discutés. Des évêques hollandais se rassemblent pour les examiner et décident d'en publier un commentaire. Celui-ci est rédigé par le P. Schillebeeckx mais publié sans le nom de son auteur[16]. Ce texte largement diffusé auprès des évêques préconise de débuter en examinant le schéma sur la liturgie, le seul auquel il décerne des louanges. Certains, comme Yves Congar, ont critiqué le manque d'organisation et de réel dialogue de la première phase du Concile : de fait, l'éloignement géographique des consulteurs de ces commissions, l'omniprésence de la Curie romaine, ont pu nuire à l'expression des différents points de vue et à la qualité de ces échanges préparatoires. La diffusion du texte du P. Schillebeeckx permet aux différents épiscopats de prendre connaissance des opinions de leurs pairs.

Les quatre sessions plénières du Concile eurent lieu de 1962 à 1965. Les débats sont présidés par dix présidents parmi lesquels les cardinaux Frings, Liénart et Alfrink[17]. Pendant les périodes où il n'y avait pas de session plénière, des commissions revoyaient et compilaient les travaux des évêques et préparaient la session suivante. Les sessions avaient lieu dans la basilique Saint-Pierre, en latin, et le secret y était gardé quant aux débats et aux avis qui étaient exprimés. Les interventions étaient limitées à dix minutes. En fait, une grande partie des travaux du Concile prit la forme de réunions de commissions (qui pouvaient avoir lieu en langue vernaculaire), ainsi que de réunions plus informelles et de conversations entre évêques en dehors du Concile à proprement parler.

2 908 Pères conciliaires furent convoqués : tous les évêques, ainsi que de nombreux supérieurs d'ordres religieux masculins. 2 540 d'entre eux prirent part à la session d'ouverture, ce qui en fait le plus grand rassemblement de toute l'histoire des conciles de l'Église catholique. La participation varia, en fonction des sessions, de 2 100 à 2 300 Pères présents. Il faut y ajouter un grand nombre d'experts (appelés periti en latin), disponibles pour que les Pères conciliaires les consultent - de fait, ils jouèrent un rôle croissant au fur et à mesure de l'avancée du Concile. Les observateurs envoyés par les Églises orthodoxes et protestantes étaient au nombre de 17.

Première session (11 octobre - 8 décembre 1962)

L'Ouverture

le 11 octobre 1962, les "Pères conciliaires", revêtus de leurs insignes épiscopaux, coiffés de mitres blanches commencent dès 8h 30 du matin à s'avancer en procession, six de front. Ils traversent la place Saint-Pierre, au milieu de la foule, avant de pénétrer dans la basilique où des gradins ont été aménagés dans la nef. Jean XXIII, coiffé de la tiare, fait son entrée solennelle sur la sedia gestatoria sur le chant du Veni creator spiritus ("Viens Esprit créateur")[18]. Cette cérémonie publique réunit les représentants de 86 gouvernements et organismes internationaux.

Après la messe, le pape lit une allocution aux évêques rassemblés, intitulée Gaudet Mater Ecclesia ( « Notre Mère l'Église se réjouit… »). Au cours de ce discours, il repoussa les « prophètes de malheur, qui ne font qu'annoncer des catastrophes » pour l'avenir du monde et de l'Église. Le pape insista sur le "caractère surtout pastoral" - plutôt que doctrinal - de l'enseignement du Concile : l'Église n'avait pas besoin de répéter ou de reformuler les doctrines ou les dogmes existants, mais plutôt de chercher à enseigner le message du Christ à la lumière de l'évolution constante du monde contemporain. Il exhorta les Pères conciliaires à « utiliser les remèdes de la miséricorde plutôt que les armes de la sévérité » dans les documents qu'ils seraient amenés à produire : cette exhortation s'inscrivait dans un mouvement de vérité, marqué par une attitude de miséricorde, et non par une attitude polémique, cherchant à condamner des erreurs[19].

La Curie

Le 13 octobre la première "congrégation générale" est présidée par le cardinal Tisserant doyen du Sacré Collège. Il s'y produit un coup de théâtre, préparé par des échanges entre plusieurs archevêques représentatifs d'épiscopats européens[20], choqués par la main-mise des bureaux romains sur l'assemblée des évêques : les cardinaux Achille Liénart, de Lille, et Joseph Frings, de Cologne, contestèrent vigoureusement la composition des commissions préparatoires et les méthodes de travail prévues par la curie romaine, qui conduisaient à un simple enregistrement de textes pré-fabriqués: ils exigeaient que le concile puisse délibérer librement. À une immense majorité, les évêques décidèrent alors par un vote de ne pas procéder comme l'avaient prévu les commissions préparatoires, mais de se consulter par groupes nationaux et régionaux, ainsi que dans des réunions plus informelles.

Le 16 octobre les commissions conciliaires sont élues à partir des listes proposées par les conférences épiscopales. La plus importante d'entre elles est celle présentée par "l'alliance européenne", constituée autour de la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Autriche, les Pays Bas et la Suisse[21]: 80 % de ses candidats sont élus. Le même jour est annoncé que le schéma sur la liturgie sera le premier mis en débat[22]. Mais une étude récente de Mgr Marchetto, historien, montre que cette vision (combat épiscopat contre curie) est une relecture, en fait les textes des commissions préparatoires provenaient du résultat d'un sondage mondial de tout l'épiscopat et non de la curie. (voir "The Second Vatican Ecumenical Council A COUNTERPOINT FOR THE HISTORY OF THE COUNCIL")

Le débat sur la liturgie

Le programme des travaux du Concile pour les sessions futures incluait la liturgie, la communication de masse, les Églises de rite oriental, et la nature de la révélation. Il est à remarquer que le schema sur la révélation, repoussé par une majorité d'évêques, fut revu à la demande de Jean XXIII qui intervint en personne. Seul le schéma sur la liturgie est examiné sans être approuvé par un vote.

Dans son discours de clôture, le 8 décembre, Jean XXIII exprima le vœu de voir le concile achevé pour Noël 1963; la préparation des sessions commença et le nombre de schémas fut réduit de 70 à 17[23]. Cependant, elle fut interrompue par le décès de Jean XXIII le 3 juin 1963. Le 21 juin 1963, le cardinal Montini fut élu sous le nom de Paul VI, et annonça aussitôt qu'il souhaitait voir le Concile se poursuivre.

Deuxième session (29 septembre - 4 décembre 1963)

Paul VI annonce au lendemain de son élection son intention de continuer le Concile. Dans les mois qui précédèrent la tenue de la deuxième session plénière, il s'efforce de corriger certains problèmes d'organisation et de procédure qui étaient apparus au cours de la session précédente. Il invita notamment d'autres observateurs laïcs catholiques et non-catholiques, avant de supprimer l'exigence du secret qui prévalait lors des sessions plénières. Dans cette perspective d'"ouverture", il évite d'intervenir dans les débats du Concile et se cantonne dans un rôle d'observateur.

Dans son discours pour l'ouverture de la deuxième session, le 29 septembre 1963, le pape insista sur la nature pastorale du concile, et lui donna quatre objectifs principaux :

  • Définir plus précisément la nature de l'Église et le rôle que les évêques devaient y jouer ;
  • Rénover l'Église ;
  • Restaurer l'unité entre chrétiens, et demander pardon pour la part prise par l'Église dans les divisions ;
  • Relancer le dialogue avec le monde contemporain.

Pendant cette session, les Pères conciliaires approuvèrent la constitution sur la liturgie - Sacrosanctum Concilium - ainsi que le décret sur les moyens de communications de masse - Inter Mirifica. Les travaux avancèrent sur les schemata traitant de l'Église, des évêques et des diocèses, et de l'œcuménisme. Le 8 novembre 1963, le cardinal Joseph Frings critiqua l'institution du Saint-Office (qui portait avant 1908 le nom de Sainte Inquisition romaine et universelle), ce qui suscita une réponse passionnée de son Secrétaire, le cardinal Alfredo Ottaviani. Cet échange est souvent considéré comme l'un des plus intenses du Concile[24]. La deuxième session s'achève le 4 décembre: dans son discours de clôture Paul VI annonce son intention de se rendre à Jérusalem. C'est en janvier 1964, sur les lieux de la Passion du Christ qu'il rencontre le patriarche Athénagoras.

Troisième session (14 septembre - 21 novembre 1964)

Entre les deuxième et troisième sessions, les schemata proposés furent à nouveau révisés, en tenant compte des remarques formulées par les Pères conciliaires: les 17 schémas sont réduits à 6 auxquels il faut ajouter 7 propositions. Sur un certain nombre de sujets, les projets ne retiennent que quelques principes fondamentaux devant être approuvées pendant la troisième session, mais que des commissions post-conciliaires développeraient par la suite. Quinze femmes, huit religieuses et sept laïques, ainsi que d'autres laïcs catholiques, s'ajoutèrent au nombre des observateurs.

Au cours de cette session, qui débuta le 14 septembre 1964, les Pères conciliaires firent progresser un grand nombre de propositions. Les schemata au sujet de l'œcuménisme (Unitatis Redintegratio), sur les Églises de rite oriental (Orientalium Ecclesiarum) et sur l'Église (Lumen Gentium) furent approuvés par l'assemblée des évêques et promulgués par le pape.

De nombreux évêques proposèrent un schema au sujet du mariage, qui prévoyait une réforme du Droit canon que de nombreuses questions d'ordre juridique, cérémonial et pastoral, en exprimant le souhait de voir être rapidement approuvé par un vote, mais le pape ne le soumit pas aux suffrages des Pères conciliaires. Paul VI demanda également aux évêques de déléguer la question de la contraception artificielle à une commission d'experts religieux et laïques qu'il avait formée.

Les schemata au sujet de la vie et du ministère des prêtres, de l'activité missionnaire de l'Église, furent renvoyés aux commissions pour être profondément remaniés. Le travail continua sur les schemata restants, en particulier ceux sur la place de l'Église dans le monde moderne et la liberté religieuse. Une controverse eut lieu à propos des amendements au décret sur la liberté religieuse, et le vote ne put avoir lieu au cours de la troisième session, mais Paul VI promit que ce décret serait le premier à être examiné au cours de la session suivante.

Il clôtura la troisième session le 21 novembre 1964, annonçant une modification du jeûne eucharistique et déclarant formellement Marie mater ecclesiae / « Mère de l'Église », conformément à la tradition catholique.

Quatrième session (Automne 1965)

Onze schemata restaient inachevés au terme de la troisième session, et les commissions travaillèrent à leur donner une forme définitive dans la période qui sépara les deux sessions. En particulier, le schema 13, qui traitait de la place de l'Église dans le monde moderne, fut revu par une commission qui incluait des laïcs.

Paul VI ouvrit la quatrième et dernière session du Concile le 14 septembre 1965, et institua le Synode des Évêques. Cette structure, destinée à se rassembler à intervalles réguliers, était destinée à faire durer la coopération entre les évêques et le pape après la fin du Concile.

La première question débattue lors de la quatrième session fut le décret sur la liberté religieuse, sans doute le plus controversé des documents conciliaires. La première mouture fut votée par 1 997 voix contre 224. L'organisation de l'Église catholique, qui ne fonctionne pas par majorité simple, rend le chiffre des opposants très important. Après de nouvelles révisions, il fut voté à une majorité de 2308 pour et seulement 70 voix contre. La principale tâche qui occupa les Pères pendant le reste de la session fut le travail sur trois documents, qui obtinrent tous une approbation à une large majorité. La constitution pastorale sur la place de l'Église dans le monde moderne, Gaudium et Spes, rallongée et revue, fut suivie par deux décrets, sur l'activité missionnaire (Ad Gentes) et sur la vie et le ministère des prêtres (Presbyterorum Ordinis).

Le concile approuva également d'autres documents, examinés lors des sessions précédentes, en particulier le décret sur la charge pastorale des évêques (Christus Dominus), la vie des membres des ordres religieux (Perfectæ Caritatis, un document qui fut notablement rallongé et révisé), la formation des prêtres (Optatam Totius), l'éducation chrétienne (Gravissimum Educationis), et le rôle du laïcat (Apostolicam Actuositatem).

La déclaration Nostra Ætate fut longuement débattue. Elle affirmait, d'ailleurs dans la lignée du Concile de Trente, que ni les Juifs du temps du Christ ni les Juifs d'aujourd'hui ne pouvaient être considérés comme plus responsables de la mort de Jésus que les Chrétiens eux-mêmes. Il est écrit dans Nostra Ætate, 4 :

« Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ (13), ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S'il est vrai que l'Église est le nouveau peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n'enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l'Évangile et à l'esprit du Christ.

En outre, l'Église qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu'ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu'elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l'Évangile, déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d'antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs. »

L'événement marquant des derniers jours du concile fut la visite à Rome du patriarche grec-orthodoxe de Constantinople Athénagoras Ier. Paul VI et le patriarche exprimèrent dans une déclaration commune leur regret des actions qui avaient conduit au Grand Schisme entre les Églises orientales et occidentales, et levèrent solennellement l'excommunication et l'anathème que leurs prédécesseurs s'étaient lancés lors de celui-ci.

Anneau commémoratif offert par Paul VI aux pères conciliaires lors de la clôture du concile.

La clôture définitive du Concile eut lieu le 8 décembre 1965, et les évêques jurèrent de se conformer aux décrets qui y avaient été pris. Pour accroître la portée du Concile, Paul VI prit plusieurs mesures importantes, notamment :

  • La création d'une commission pontificale pour les média et la communication de masse, pour aider les évêques à utiliser les moyens modernes.
  • L'annonce d'un jubilé qui durerait du 1er janvier au 26 mai 1966, afin d'exhorter tous les catholiques à étudier et accepter les décisions du concile, et de s'impliquer dans le renouveau spirituel de l'Église.
  • La modification du titre et du fonctionnement du Saint-Office (qui s'appela depuis lors Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi), mais aussi des titres et des compétences des autres services de la Curie romaine.
  • Les Secrétairies pour la promotion de l'unité des Chrétiens, pour les religions non-chrétiennes, et pour les non-croyants devinrent permanentes.

Bilan et problèmes abordés

D'après le cardinal Garrone[25] le principal caractère du concile est son unité au service d'une mission providentielle:

"Le détail des discussions souvent laborieuses, la multiplicité elle-même des documents émanés du Concile peuvent faire illusion. L'unité[26] s'impose cependant si l'on s'élève un peu au-dessus des démarches particulières."[…]"Si l'on veut bien considérer l'ensemble des nombreux documents issus du Concile, leur unité ne peut pas ne pas apparaître absolument remarquable. Certains de ces documents qui peuvent paraître quasi étrangers à la perspective générale constituent en fait autant de jaillissements de lumière à chacune des étapes de la route sur un point précis de la doctrine de l'Église."

Cette unité ne peut être saisie que dans la lumière de la mission du concile, qui veut nouer le dialogue avec le monde et se mettre au service de l'"homme":

"Le Concile avait reçu mission de rendre à l'Église conscience d'elle-même pour lui permettre d'entrer avec le monde en un vrai et authentique dialogue. À cette mission le Concile n'aurait pas répondu s'il ne s'était pas demandé par quel côté il allait aborder ce monde, quel serait le point de contact qui lui permettrait, en rejoignant ce monde, de lui faire entendre ce que l'Église voulait lui apporter au non de sa foi. Et c'est ainsi que le Concile a choisi pour aborder le Monde le problème qui est si évidemment le centre de tout ce qui touche le Monde: le problème de «l' homme[27]»."

L'Église

Le document issu du Concile Vatican II qui eut la plus grande portée est sans doute la constitution dogmatique Lumen Gentium.

  • Dans son premier chapitre, intitulé « Le Mystère de l'Église », on trouve la célèbre phrase:
« Telle est l'unique Église du Christ que, dans le Symbole, nous reconnaissons comme une, sainte, catholique et apostolique, que notre Sauveur, après sa résurrection remit à Pierre pour qu'il la paisse.[…] Cette Église, constituée et organisée en ce monde comme une communauté, subsiste dans l'Église catholique, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui » (Lumen Gentium, 8).

Le document précise immédiatement après : « Encore que, hors de cet ensemble, on trouve plusieurs éléments de sanctification et de vérité qui, en tant que dons propres à l'Église du Christ, invitent à l'unité catholique. »

  • Au deuxième chapitre, intitulé « le Peuple de Dieu », le Concile enseigne que Dieu sauve les hommes non pas seulement en tant qu'individus, mais aussi en tant que peuple. C'est pour cela que Dieu a choisi le peuple d'Israël pour être son peuple, et a établi une alliance avec lui, alliance qui prépare et préfigure l'alliance conclue par le Christ pour donner naissance au nouveau Peuple de Dieu, qui ne sera pas selon la chair, mais selon l'Esprit, et qui est appelé l'Église du Christ (LG, 9). Tous les êtres humains sont appelés à appartenir à l'Église. Tous ne sont pas pleinement incorporés à l'Église, mais
« avec ceux qui, baptisés, s'honorent du nom de chrétiens, mais ne professent pas intégralement la foi ou ne conservent pas l'unité de la communion avec le successeur de Pierre, l'Église se sait unie par de multiples rapports » (LG, 15); de plus, « ceux qui n'ont pas encore reçu l'Évangile sont ordonnés de façons diverses au Peuple de Dieu » (LG, 16).

Cette idée d'ouverture en direction du protestantisme fut à l'origine d'une grave controverse avec les catholiques traditionalistes.

  • Le titre du troisième chapitre, « la constitution hiérarchique de l'Église », indique clairement quel est son contenu.
  • Suivent des chapitres traitant des laïcs, de la vocation universelle à la sainteté, des religieux, l'Église en marche, et de la Vierge Marie. Le chapitre sur la vocation universelle à la sainteté présente un intérêt particulier en ce qu'il rappelle que la sainteté n'est pas le privilège des prêtres et des religieux, mais que tous les Chrétiens sont appelés à la sainteté. Chose que l'Église a toujours enseignée, mais dont la plupart des fidèles n'avait plus guère conscience. Le chapitre au sujet de Marie fut sujet à débat. Le premier projet prévoyait un document séparé sur le rôle de Marie, laissant ainsi Lumen Gentium pleinement adressée à l'Église « œcuménique », sans rien qui puisse choquer les Protestants, qui pour la plupart jugent excessif le culte que l'Église voue à Marie. Cependant, les Pères conciliaires insistèrent pour qu'un chapitre qui lui soit consacré apparut dans la constitution sur l'Église, arguant que la place de Marie était auprès de l'Église ; Paul VI les soutint en cela.

La liturgie

La révision de la liturgie fut l'un des premiers problèmes pris en compte par le Concile, et fut en tout cas celui qui eut l'effet le plus immédiat dans la vie quotidienne des catholiques. D'après la Constitution sur la liturgie, l'idée principale en était la suivante :

« L'Église souhaite sincèrement que tous les fidèles puissent être amenés à cette participation active et pleinement consciente aux célébrations liturgiques, que la nature de la liturgie elle-même exige. Une telle participation est pour les Chrétiens, peuple choisi, sacerdoce royal, nation sainte sauvée par le Christ, un droit et un devoir du fait même de leur baptême. »

(Sacrosanctum Concilium, 14).

Vatican II alla plus loin en encourageant une « participation active » que les papes précédents avaient autorisée ou recommandée. Les Pères conciliaires établirent les grandes lignes d'une révision future de la liturgie, qui devait inclure un usage limité des langues vernaculaires à la place du latin. Selon les évêques, des coutumes locales ou nationales pourraient être incorporées avec précaution à la liturgie.

La mise en application des directives du Concile sur la liturgie fut entreprise sous l'autorité de Paul VI, par une commission pontificale spéciale, incluse par la suite dans la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Les conférences épiscopales nationales jouèrent également un grand rôle, en particulier pour donner une traduction commune des textes liturgiques pour les pays qui leur étaient confiés.

L'Écriture sainte et la Révélation

Le Concile entreprit de ranimer le rôle central de l'Écriture dans la vie religieuse et plus précisément théologique de l'Église, en s'appuyant sur l'œuvre des premiers papes, et travailla à une approche moderne de l'analyse scripturaire et de l'interprétation. Une nouvelle approche de l'interprétation fut approuvée par les Pères conciliaires : l'Église continuerait à fournir aux fidèles des traductions de la Bible en langue vernaculaire, et religieux et laïcs poursuivraient l'étude de la Bible, en tant que part centrale de leurs vies. L'importance de l'Écriture sainte, telle qu'elle était attestée par Léon XIII dans Providentissimus Deus et dans les écrits des saints, docteurs et papes tout au long de l'histoire de l'Église, fut confirmée. Le Concile approuva également l'interprétation de l'Écriture à la lumière de l'histoire présentée dans l'encyclique Divino Afflante Spiritu de Pie XII, en 1943.

Les évêques

Le rôle des évêques dans l'Église fut remis en honneur, tout spécialement lorsqu'ils étaient considérés collectivement, en tant que collège des successeurs des apôtres, chargés d'enseigner et de gouverner l'Église. Ce collège n'existe pas sans sa tête, le successeur de saint Pierre. Après les revendications de certains Pères conciliaires, le Concile distingua deux têtes pour l'Église terrestre, le Collège des Évêques et le pape, dans une note préliminaire à la constitution dogmatique Lumen Gentium. Cette note établit:

« que le Collège ne saurait exister sans sa tête […] dans le Collège, la tête garde intacte sa fonction de Vicaire du Christ et de pasteur de l'Église universelle. En d'autres termes, il n'y a pas de distinction entre le Pontife romain et les évêques pris dans leur ensemble, mais entre le Pontife romain en lui-même et le Pontife romain uni aux évêques. »

Dans de nombreux pays, les évêques tenaient déjà à intervalles réguliers des conférences pour débattre de leurs problèmes communs. Le Concile rendit obligatoire la création de telles conférences épiscopales, et leur confia la responsabilité des nécessaires adaptations des normes générales aux conditions locales (Cf. Décret sur la charge pastorale des évêques dans l'Église, 18). Les décisions des conférences n'ont de pouvoir contraignant pour les évêques et leurs diocèses seulement si elles sont adoptées par une majorité des deux tiers et confirmées par le Saint-Siège.

Des conférences régionales peuvent également avoir lieu afin de promouvoir des actions communes à une échelle régionale ou continentale, mais n'ont pas de pouvoir législatif.

L'œcuménisme

Voir aussi Œcuménisme et Liste des observateurs non-catholiques au Concile Vatican II

La fin du concile a été marquée par la levée des excommunications mutuelles par le pape et le patriarche orthodoxe de Constantinople. Plus généralement, le concile a suscité une profonde relance des échanges entre Église catholique et Églises orientales, mais aussi avec les Églises protestantes.

Enfin, deux mesures concrètes qui entrèrent directement en application après le Concile concernent l'œcuménisme :

  • le lectionnaire œcuménique, que les catholiques et les luthériens appliquent toujours aujourd'hui, malgré quelques divergences d'interprétation. Des voix s'élèvent aujourd'hui pour demander sa révision, notamment en incluant plus de textes de l'Ancien Testament, surtout représenté actuellement par les Psaumes.
  • la Traduction œcuménique de la Bible (TOB), qui est toujours en usage chez les catholiques et une grande partie des protestants. Cependant, les orthodoxes se sont vite détachés du projet, le jugeant trop moderniste. Certains regrettent l'absence de notes de culture biblique.

Réactions

Au lendemain du Concile, deux courants de contestation diamétralement opposés se mettent en place. Dès la fin des années 1960 le débat s'engage sur la notion de "crise de l'Église"[28]. Alors que le courant traditionaliste est marqué par le refus des conclusions du Concile, le courant dit réformateur ou progressiste estime au contraire que sa mise en œuvre est restée insuffisante.

Le traditionalisme

Article détaillé : Catholicisme traditionaliste.

Certains prêtres et évêques refusent les conclusions du concile. Selon eux, elles s'opposent à l'enseignement bi-millénaire de l'Église, la Tradition. Précisément, ils estiment les déclarations du Concile en contradiction avec le Syllabus en plusieurs points essentiels ainsi qu'avec la dénonciation du modernisme par le pape Pie X.

Le refus qui aura le plus de conséquences est celui émanant de Mgr Marcel Lefebvre, ancien archevêque de Dakar. Alors qu'il avait accepté de signer les déclarations du Concile, il les rejette publiquement en 1974. Il est alors frappé d'une suspense a divinis. La Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, qu'il avait fondée en 1970, est déclarée dissoute en 1976 ; elle poursuit néanmoins son existence et s'oppose aux réformes. Elle utilise la messe tridentine (ou messe de Saint Pie V) comme étendard de sa contestation du Concile. De cette façon, Marcel Lefebvre indique vouloir sauver l'Église catholique de la situation très grave dans laquelle elle se serait mise en détruisant la liturgie traditionnelle ainsi que d'autres éléments qu'il juge essentiels à sa survie.

Le pape Paul VI déclare en privé:

En apparence ce différend porte sur une subtilité. Mais cette messe dite de Saint Pie V., comme on le voit à Ecône, devient le symbole de la condamnation du Concile. Or, je n'accepterai en aucune circonstance que l'on condamne le Concile par un symbole. Si cette exception était acceptée, le Concile entier sera ébranlé. Et par voie de conséquence l'autorité apostolique du Concile[29].

Sous l'autorité du pape Jean-Paul II, des négociations de rapprochement sont menées avec le mouvement lefebvriste. En 1988, alors qu'un protocole d'accord avait été accepté, Mgr Lefebvre se rétracte et sacre sans autorisation pontificale quatre évêques de sa mouvance.

Pour Rome, il s'agit d'un acte schismatique[30], qui provoque l'excommunication automatique des quatre évêques et de leur chef.

Vers la fin du pontificat de Jean-Paul II, de nouvelles tentatives de rapprochement avec les disciples de Mgr Lefebvre eurent lieu. Plus récemment, en juillet 2007, le Pape Benoît XVI, par son motu proprio Summorum Pontificum assouplit les conditions de célébration de la messe selon le rite tridentin. Le 21 janvier 2009, Benoît XVI a levé l'excommunication qui frappait les quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre. L'objectif affiché de ce mouvement d'ouverture vers les lefebvristes est de modifier leur attitude de rejet des décisions du concile Vatican II[31].

D'autres mouvements d'opposition au concile, comme celui de l'abbé Georges de Nantes, ont vu leur influence rapidement décliner.

Les déceptions des « progressistes »

Article détaillé : Catholiques réformateurs.

Le professeur de droit canonique à l'université de Fribourg Werner Böckenförde a déclaré dans une conférence donnée les 3 et 4 octobre 1998 à Würzburg, à l'occasion de la cinquième des rencontres fédérales du Mouvement du Peuple de l'Église « Wir sind Kirche » (« Nous sommes l'Église ») (Allemagne) qu'au bout d'un peu plus de quarante ans, rien n'avait été mis en œuvre à l'exception de la messe en langues vernaculaires : « Dix-huit ans après la fin du Concile, le pape actuel en a défini des applications juridiques. En dépit de toutes ses modifications appréciables le Codex Juris Canonici montre à l'évidence qu'aucune conséquence juridique décisive ne devait être tirée du Concile. Le législateur de l'Église — et celui-ci est d'après la constitution de l'Église en dernier ressort le pape seul — s'est montré décidé non seulement à juguler toute remise en question de la structure hiérarchique de l'Église mais aussi à la renforcer encore. »

Position de la hiérarchie de l'Église

Le pape Benoît XVI, dans un discours de décembre 2005[32], évoque la question de la juste interprétation du Concile, en s'opposant à la vision d'un concile en rupture avec la Tradition, véhiculée aussi bien par les traditionalistes que par les réformateurs. « D'un côté, il existe une interprétation que je voudrais appeler « herméneutique de la discontinuité et de la rupture »; celle-ci a souvent pu compter sur la sympathie des mass media, et également d'une partie de la théologie moderne. D'autre part, il y a l'« herméneutique de la réforme », du renouveau dans la continuité de l'unique sujet-Église, que le Seigneur nous a donné ; c'est un sujet qui grandit dans le temps et qui se développe, restant cependant toujours le même, l'unique sujet du Peuple de Dieu en marche. »

Benoît XVI précise que, pour les tenants de la première interprétation, les textes du Concile comme tels ne seraient pas encore la véritable expression de l'esprit du Concile, mais qu'ils seraient le fruit de compromis qui demandent à être dépassés. Le pape rejette cette position, porte ouverte à « toutes les fantaisies » et y oppose l'enseignement de ses prédécesseurs, citant notamment Jean XXIII pour lequel le Concile « veut transmettre la doctrine de façon pure et intègre, sans atténuation ni déformation ».

En réponse, quatre historiens et théologiens maintiennent en décembre 2007 la thèse de la discontinuité. Ils tentent parallèlement de montrer que la critique du pape est dépourvue de cible, et que son discours reste en accord avec leur vision. Cette tentative est étudiée par le journaliste Sandro Magister[33], qui la trouve non concluante : « Benoît XVI a simplement écrit tout cela noir sur blanc. Il a décrit et critiqué l’« esprit » de l’école de Bologne. Paradoxalement, « Cristianesimo nella storia », pour lui répondre, se focalise sur la « lettre ». »

Notes

  1. Jacques Gadille. "Vatican I, concile incomplet ?". In: Le deuxième Concile du Vatican (1959-1965), pp. 33-45.
  2. Un des rédacteurs de la constitution Lumen gentium, G. Philips, L'Église et son mystère au deuxième concile du Vatican, T.II, Louvain, 1968, p. 292-295.cité par J. Gadille, art. cit., p. 44
  3. Projet de 1922 abandonné en 1924.
  4. Projet de 1948 abandonné en 1951.
  5. François-Charles Uginet. Les projets de concile général sous Pie XI et Pie XII. In: Le deuxième Concile du Vatican (1959-1965), pp. 65-78.
  6. « Romanus pontifex potest ac débet cum progressu, cum liberalismo et cum recenti civilitate sese reconciliare et componere », « Le pontifie romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne»
  7. Boutry Philippe. "L'Église et la civilisation moderne de Pie IX à Pie X". In: Le deuxième concile du Vatican (1959-1965), pp. 47-63
  8. Léon XII Allocution consistoriale du 20 février 1879 ; Pie X, encyclique E supremi apostolatus du 4 octobre 1903
  9. Le concile de Vatican II. Son Église, peuple de Dieu et corps du Christ, Paris, 1984, p. 46-47, Cité par Ph. Boutry, rt. cit, p. 63.
  10. Ralph M. Witgen S.V.D., Le Rhin se jette dans le Tibre Le concile inconnu, Bouère, réed 1992, p. 18 et sq.
  11. Philippe Chenaux, Les enseignements de Jean XXIII, p. 14;
  12. Le 28 octobre 1958
  13. Daniel Mouline, Le concile Vatican II, Paris, 2002,p. 32.
  14. Le deuxième Concile du Vatican (1959-1965). Actes du colloque de Rome, 28-30 mai 1986. École française de Rome, Rome, 1989,
  15. Cité par René Brouillet . "Témoignage sur le deuxième Concile du Vatican". In: Le deuxième Concile du Vatican (1959-1965), p. 19
  16. R. Wiltgen; op. cit., p. 22 et sqq.
  17. Archevêque d'Utrecht
  18. B. Lecomte, Les secrets du Vatican, Paris, réed. 2011, pp. 136-137.
  19. Texte du discours en français.
  20. cf supra. § 1.1
  21. Wiltgen, op. cit. p. 16-19
  22. ibid. p. 24.
  23. René Brouillet, art. cit., p.19
  24. Le conseiller théologique du cardinal Frings était le jeune Joseph Ratzinger, aujourd'hui pape sous le nom de Benoît XVI, qui fut aussi Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi de 1981 à 2005
  25. Garrone Gabriel-Marie. "Témoignage". In: Le deuxième Concile du Vatican (1959-1965). Actes du colloque organisé par l'École française de Rome, (Rome 28-30 mai 1986). Rome, 1989. pp. 3-8.http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1989_act_113_1_3356
  26. L'importance du mot est toujours indiquée par des italiques dans l'article original.
  27. Italiques dans l'original.
  28. Jean-Marie Domenach, René Pucheu "RÉINVENTER L'ÉGLISE ?", In: Esprit, novembre 1971
  29. Jean Guitton, Paul VI secret, Paris 1979, S. 159
  30. C'est le terme employé dans le décret Dominus Marcellus Lefebvre émis par le cardinal Gantin, préfet de la Congrégation des évêques : texte anglais visible en ligne.
  31. cf. la Lettre d'accompagnement du motu proprio http://212.77.1.245/news_services/bulletin/news/20558.php?index=20558&lang=fr
  32. Discours à la Curie romaine
  33. Article sur le site Chiesa, dépendant de l'Espresso

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Giuseppe Alberigo : Histoire du concile Vatican II, 1959–1965, Cerf-Peeters, 1997
  • Michael Bredeck: Das Zweite Vatikanum als Konzil des Aggiornamento. Zur hermeneutischen Grundlegung einer theologischen Konzilsinterpretation (Paderborner theologische Studien, 48), Paderborn: Ferdinand Schöningh 2007 (ISBN 978-3-506-76317-4)
  • Ralf van Bühren: Kunst und Kirche im 20. Jahrhundert. Die Rezeption des Zweiten Vatikanischen Konzils (Konziliengeschichte, Reihe B: Untersuchungen), Paderborn: Ferdinand Schöningh 2008 (ISBN 978-3-506-76388-4)
  • Bruno Chenu: Notes quotidiennes du concile, Cerf, 1962-1963
  • Yves Congar: Mon journal du concile Cerf, 2000
  • Rama P. Cooma­raswamy: Les problèmes de la nouvelle messe, L'Âge d'Homme, 1995
  • Collectif: Le deuxième Concile du Vatican (1959-1965). Actes du colloque de Rome, 28-30 mai 1986. Ecole française de Rome, Rome, 1989, Collection de l'École française de Rome 113, XX-867 p.http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/issue/efr_0000-0000_1989_act_113_1#
  • Hans Küng: Être chrétien, Paris, Éditions du Seuil, 1978
  • Philippe Levillain: La mécanique politique de Vatican II. majorité et unanimité dans un concile, Beauchesne, 1975
  • René Laurentin, Enjeu et bilan du concile, 5 volumes, Seuil 1966-70
  • Bernard Lecomte : Les secrets du Vatican (Perrin, 2009) - Chapitre 7 : "Main basse sur le Concile" (p. 136-161)
  • Henri de Lubac, L'Église dans la crise actuelle, Cerf, 1969
  • Henri de Lubac, Entretien autour de Vatican II. Souvenirs et réflexions, Cerf, 1985
  • Henri de Lubac, Carnets du Concile, tomes 1 et 2, Cerf, 2007
  • Gustave Martelet, sj, N'oublions pas Vatican II, Cerf, Paris, rééd., 2010
  • Bernard Reymond: Défi au protestantisme, collection Aletheia, éditeur L'Âge d'Homme, Lausanne, 1973
  • Guillaume de Tanoüarn: Vatican II et l'Evangile, Servir, 2003, disponible en ligne
  • Ralph Wiltgen (s.v.d.): Le Rhin se jette dans le Tibre, le concile inconnu, Ed. du Cèdre, 1974

Liens externes


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