Histoire de la Republique de Moldavie

Histoire de la Republique de Moldavie

Histoire de la République de Moldavie

Carte du 16-ème siècle, par Georg Reichsdorffer

Cet article traite de l'histoire de la République de Moldavie qui occupe les deux tiers de la Bessarabie, territoire délimité en 1812 lorsque la moitié orientale de la Principauté de Moldavie (fondée au XIIIe siècle et vassale des Ottomans depuis le XVe siècle) a été annexée par l'Empire Russe.

Avant 1812, l'histoire de la Moldavie est celle de la Principauté de Moldavie fondée au XIIIe siècle.

Article détaillé : Histoire de la Moldavie.

Outre les deux tiers de la Bessarabie, la République de Moldavie occupe aussi une partie de la Podolie historiquement ukrainienne (partie appelée Transnistrie, à l'est du Dniestr), tandis le reste de la Bessarabie et la petite région de Herţa sont aujourd'hui ukrainiennes.

La République de Moldavie actuelle est l'héritière de deux histoires, celle de l'ancienne Principauté de Moldavie fondée au XIIIe siècle et dont le passé est local, et celle de la République socialiste soviétique de Moldavie dont le passé est soviétique. Chacune de ces histoires a laissé dans le pays des populations et des identités, dont les aspirations et les cultures n'ont pas encore trouvé de compromis pleinement satisfaisant pour toutes les parties.

La République de Moldavie a proclamé son indépendance le 27 août 1991 dans les frontières délimitées en 1940, suite à l'entrée de l'Armée rouge sur le territoire de la Roumanie (suivant les dispositions secrètes du Pacte germano-soviétique entre l'Allemagne nazie et l'Union soviétique), et confirmées par le traité de Paris.

Sommaire

Histoire depuis 1812

La Bessarabie de 1812 à la première guerre mondiale

C'est en 1812 que l'histoire de la moitié orientale de la Moldavie commence à prendre un tournant différent de celle de la moitié occidentale. Cette année en effet, les Russes, qui visent les bouches du Danube, se font céder cette région par l'Empire ottoman qui y occupait la forteresse de Hotin au nord et le Bugeac au sud, appelé par les Moldaves (et par les cartographes européens[1]) "Bessarabie". Ce traité russo-turc a été négocié en secret par un Français, le comte de Langeron. Le hospodar de Moldavie, Scarlat Callimachi et le métropolite orthodoxe Veniamin Costache, protestent énergiquement, car le traité de vassalité entre la Moldavie et la Sublime Porte n'autorisait pas le Sultan à céder des territoires moldaves. En vain.

La capitale actuelle de la Moldavie, Chişinău, n'était qu'une bourgade sur la rive sud du Bîc; les Russes en ont fait une ville moderne selon les critères du XIXe siècle, pourvue du chemin de fer vers Odessa pour y exporter les produits agricoles de la région. De nombreux immigrants pauvres viennent y travailler de toute la Russie, des commerçants juifs arrivent de Pologne et Galicie, des Arméniens ouvrent des ateliers et des banques. Les paysans roumanophones locaux doivent nourrir tout ce monde, or, libérés du servage par le prince moldave Constantin Mavrocordat en 1744, ils y avaient été replongés par l'annexion russe de 1812 (et ce, jusqu'en 1861). L'administration russe gère mal les inégalités de plus en plus criantes, et en 1903 une émeute réprimée par les Cosaques s'achève par un massacre.

Pavillon de la République démocratique moldave de 1917.
La première République de Moldavie en 1917.
La République de Moldavie en 2009.

Si l'histoire de la moitié orientale de la Moldavie est, sous l'Empire Russe, différente de celle de la moitié occidentale, elle n'est pas plus différente que l'histoire de la Bucovine (territoire moldave devenu autrichien en 1775) ou de la Transylvanie. Dans tous ces pays, les mêmes aspirations se manifestent chez les autochtones romanophones : en finir avec les dominations impériales étrangères, et vivre ensemble dans un même état de droit. En France, Emile Ollivier, Élysée Reclus et Edgar Quinet se font les porte-parole de ces revendications (ainsi que de celles des autres peuples des empires Autrichien, Allemand, Russe et Ottoman)[2].

La première République de Moldavie

La révolution russe de Février 1917 et la déclaration des droits des peuples de L'Empire à s'auto-déterminer, encouragent diverses nationalités de l’Empire russe à recouvrer leur souveraineté : le 2 décembre 1917, la Bessarabie (jusqu'à la Mer Noire) se proclame République Démocratique Autonome de Moldavie. Les Bolchéviks tentent d'en prendre le contrôle tandis que de nombreuses troupes débandées pillent le pays. À la demande de la nouvelle administration moldave (le « Conseil du Pays »), le 13 décembre 1917, les troupes roumaines entrent en Bessarabie, encadrées par les officiers de l'armée française Berthelot. Le « Conseil du Pays » proclame l'indépendance du pays le 6 janvier 1918 sous le nom de République démocratique moldave de Bessarabie (RDM de Bessarabie). Mais cette première république de Moldavie aura une existence brève : le 27 mars 1918, le parlement de la RDM, effrayé par les proclamations révolutionnaires et les actions militaires des bolchéviks, vote par 86 voix contre 3 et 36 abstentions, l’union avec la Roumanie[3]. A la fin de la Première Guerre mondiale, le pays est officiellement rattaché à la Grande Roumanie par le traité de Saint-Germain-en-Laye (1919). Seule la Russie bolchévique (RSFSR) refuse de reconnaître ce rattachement (la Bessarabie est d'ailleurs le seul territoire de l'Empire russe que la RSFSR continue à revendiquer par la suite, car c'est le seul qu'elle n'a pas cédé d'elle-même).

La Moldavie soviétique

La RASSM, république autonome dans la RSSU

Après la création de l’Union soviétique en décembre 1922, le gouvernement soviétique, qui espère porter la révolution russe plus à l'ouest et dans les Balkans, crée en Podolie ukrainienne l'oblast (district) autonome moldave dit « Transnistrie », en tant que subdivision de la République socialiste soviétique d’Ukraine (RSS d’Ukraine ou RSSU). Le chef-lieu de l'oblast est fixé à Balta. Sept mois plus tard, cet oblast est élevé au rang de République autonome socialiste soviétique moldave (Republica autonoma socialistă sovietică moldovenească, la RASSM, ou RASS Moldave ou RASS de Moldavie, selon les traductions en français). La population de la RASSM était constituée d'environ 30% de Roumains, le reste étant surtout russe et ukrainien. La capitale reste à Balta jusqu’en 1929, et se déplace ensuite à Tiraspol.

La seconde guerre mondiale

le 26 juin 1940 l'URSS annexe la Bessarabie et la Bucovine suite au Pacte germano-soviétique. En juin 1941, les troupes allemandes et roumaines (dont le pouvoir est à ce moment entre les mains du « Pétain roumain » Ion Antonescu, qui a renversé le gouvernement pro-Allié en octobre 1940), attaquent l'URSS ; les Roumains ré-occupent pour quatre ans la Bessarabie et la Bucovine ainsi que la Podolie située entre le Dniestr et le Bug, à partir du nord de Bar en RSSU, que l'Allemagne et la Roumanie décident d'administrer sous le nom de Transnistrie, et dont elles font une sorte de « Sibérie roumaine » où les armées allemandes et roumaines déportent Juifs, Tziganes et résistants (beaucoup y mourront de faim, de froid et de dysenterie).

De la Libération de la RSSM à la fin de la guerre

En août 1944, les troupes soviétiques libèrent la Bessarabie et la Transnistrie. Un traité en 1947 donne la Bessarabie, la Bucovine du nord, la région de Herţa et la région de Transnistrie à la RSSM, membre de l’Union soviétique, et les divisions administratives soviétiques et la toponymie slave des territoires sont imposées. Les déportations de roumanophones vers la Sibérie débutent.

Conséquences démographiques

Selon les rapports du ministre Krouglov à Staline, exhumés par l'historien Nikolai Bougai, et selon les données des recensements, de 1940 à 1950 la Moldavie a perdu un tiers de sa population, passant de 3.200.000 personnes selon le recensement roumain de 1938 (sur le territoire de l'actuelle république), à 2.229.000 selon le recensement soviétique de 1950.

Donc 971.000 personnes ont disparu en 10 ans :

  • 140 000 Allemands de Bessarabie ont été déportés vers l'Allemagne en application du Pacte germano-soviétique.
  • 300 000 Moldaves ont été déportés entre le 28 juin 1940 et le 22 juin 1941 (dans la seule nuit du 13 juin 1941 - 13 470 familles, comprenant 22 648 personnes dont approximativement 2/3 de femmes et d'enfants);
  • 120.000 Juifs ont été soit massacrés par le régime du maréchal Ion Antonescu, soit ont fui vers l'URSS et ne sont jamais revenus, qu'ils s'y soient établis ou qu'ils y aient été rattrapés par la Wehrmacht et tués par les Einsatzgruppen;
  • 250.000 Moldaves ont été déportés entre 1944 et 1948 ;
  • 150.000 personnes sont mortes entre 1946 et 1947 suite à la famine provoquée par les réquisitions soviétiques alors qu'on était en période de mauvaises récoltes (politique déjà appliquée en Ukraine voisine dans les années 1930 (Holodomor).
  • 11.324 familles sont déplacées de force hors de Moldavie le 6 juillet 1949 (environ 40.850 personnes).

En 1950 plus de 220.000 « indésirables » ou « nuisibles » avaient déjà été déportés hors du pays, dont 49.000 étaient encore en vie sur les lieux de leur déportation (toujours dans Bougaï)[4].

Domination soviétique après la guerre

Le territoire fait partie de l’Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale sous le nom de République socialiste soviétique de Moldavie, et souffre d’une politique brutale de déportation de la population roumaine, que les Soviétiques mènent de façon à affaiblir l'élément autochtone, supposé hostile au régime. La police secrète frappe les groupements nationalistes et l’alphabet cyrillique s’impose à la langue roumaine, désormais rebaptisée «moldave». Après 1955 les déportations cessent mais les jeunes "Moldaves" sont systématiquement nommés loin de leur pays dès leur premier emploi, tandis que des populations russophones et ukrainophones sont encouragées à s’établir en RSSM, depuis les autres républiques soviétiques (en Transnistrie les slavophones étaient déjà en majorité).

La politique gouvernementale, qui exige une production agricole élevée en dépit de maigres récoltes, conduit les populations à la famine en 1945-1947 (cette politique avait déjà été conduite dès les années 1920 en Ukraine). Les postes politiques, académiques et du parti communiste sont occupés par des non-Roumains (seulement 14 % des chefs politiques de la RSSM sont Roumains en 1946).

Une purification ethnique est dirigée contre les intellectuels roumains (pourtant prosoviétiques) qui avaient décidé de rester en Moldavie après la guerre, ainsi que contre tout ce qui est roumain.

Les conditions de la prise de pouvoir soviétique sont à la base du ressentiment dirigé contre les autorités soviétiques – ressentiment qui s’est rapidement manifesté. En 1950-1952, lorsque Leonid Brejnev est secrétaire du parti communiste de Moldavie (PCM), une révolte des autochtones roumains contre la collectivisation forcée, est étouffée par la mort ou la déportation de centaines d’hommes. Brejnev et les premiers secrétaires du PCM réussissent à réprimer le sentiment national roumain et local moldave, et ces Moldaves se taisent encore trois décennies, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Mikhail Gorbatchev. Sa politique de glasnost (transparence, en russe) et de perestroïka (restructuration, en russe) crée les conditions d’expression du sentiment national libre et ouvert, et les républiques soviétiques peuvent adopter des réformes.

Vers l’indépendance

Dans un climat toujours plus tendu, les tensions politiques grandissent dans la RSS Moldave en 1989. Cette année se forme le Front Populaire Moldave, une association de groupements politiques et culturels reconnue officiellement. Les grandes manifestations des autochtones roumanophones conduisent à désigner la langue roumaine comme langue officielle et le remplacement du chef du Parti Communiste Moldave. Ce mouvement inquiète les colons slavophones, qui forment en 1988 le Mouvement Yedinstvo (majoritaire en Transnistrie) tandis qu'en 1989 apparaît dans le sud le mouvement Gagauz Halkî (le peuple gagaouze) qui représente une minorité de langue turque.

Les premières élections démocratiques au Soviet Suprême de la RSS Moldave se tiennent le 25 février 1990. Le Front Populaire remporte la majorité des voix. Après les élections, Mircea Snegur, un ancien communiste, devient président du Soviet Suprême ; en septembre, il devient président de la République. Le gouvernement réformiste qui l’a porté au pouvoir en mai 1990 conduit beaucoup de changements qui ne plaisent pas aux minorités, par exemple la modification du nom de RSS Moldave en RSS de Moldavie en juin, et la déclaration de souveraineté le même mois.

Sécession de la Gagaouzie et de la Transnistrie

En août, les Gagaouzes (politiquement correct: Gök-Oguz) se déclarent «république indépendante», sous le nom de République Gagaouze (Gagauz-Yeri) dans le sud, autour de la ville de Comrat. En septembre, la population sur la rive gauche du fleuve Dniestr, en majorité slave, proclame la «République Moldave Nistréenne» (ou simplement «République Nistréenne») en Transnistrie, avec comme capitale Tiraspol. Aussitôt le Soviet Suprême déclare cette proclamation comme nulle, et des élections sont organisées dans les deux «républiques». Stepan Topal est élu président de la République Gagaouze en décembre 1991, et Igor Smirnov président de la «République Nistréenne» le même mois.

À peu près mille volontaires «cosaques» rejoignent les hommes de la 14e armée russe stationnée depuis 1956 à Tiraspol sous la direction du Haut Commandement pour les Opérations militaires du Sud Est et sous la conduite du général Alexandre Lebed (un Sibérien, comme Igor Smirnov). Ces 3.000 homes partent vers le nord le long du Dniestr, pour s'emparer de l'arsenal de Colbasna, de la ville et du pont de Tighina, et de la centrale électrique de Dunasari; en chemin ils prennent pour cible un car de touristes (russes) et quelques maisons où flottait le tricolore moldave (faisant quelques dizaines de victimes). Les toutes nouvelles milices moldaves (envron 2500 hommes) passent alors le Dniestr pour tenter de prendre le contrôle de la Transnistrie: les affrontements font 250 morts et environ mille blessés, mais les russophones conservent le contrôle de la rive gauche du fleuve et de la ville de Tighina (Bender). À Moscou, les négociations entre Gagaouzes, les Slaves transnistriens et le gouvernement de la RSS de Moldavie échouent, et la rive gauche du Dniestr échappe au contrôle du gouvernement de Chişinău .

En mai 1991, les officiels renomment l’État en République de Moldavie (Republica Moldova). Enfin, le Soviet Suprême est transformé en Parlement Moldave.

Depuis 1991

La seconde République de Moldavie

Pendant le coup d’État de Moscou en août 1991, les chefs du Commandement du Sud-Est essaient d’imposer l’état d’urgence en République de Moldavie, mais ils sont arrêtés par le gouvernement moldave, qui s'allie au président russe Boris Eltsine. Le 27 août 1991, après l’échec du coup d’État, la République de Moldavie se déclare indépendante de l’Union soviétique.

En octobre, la République de Moldavie commence à organiser ses forces armées. L’Union soviétique s’effiloche rapidement, et la République de Moldavie ne peut compter sur ses seules milices pour prévenir les risques d’escalade des violences en «République nistréenne» et dans le reste du pays. Les élections de décembre, de Stefan Topal et de Igor Smirnov à la présidence des «républiques», et la dissolution officielle de l’Union soviétique accroissent les tensions en République de Moldavie.

La violence se rallume de nouveau en Transnistrie en 1992. Un accord de cessez-le-feu est négocié en juillet entre les présidents Snegur et Eltsine. Une ligne de démarcation doit être maintenue par une force de paix tripartite (composée d’éléments moldaves, russes et transnistriens), et Moscou s’engage à retirer sa 14e Armée si une constitution pour la Transnistrie arrive à s’établir. Alors, la Transnistrie devra avoir un statut spécial dans le cadre de la République de Moldavie, qui lui réserve le droit de sécession en cas d’union de la République de Moldavie avec la Roumanie.

Après l’indépendance

Après l'effondrement de l’[URSS] en 1991, la 14ème armée russe reste cantonnée le long du Dniestr, officiellement pour défendre la population slave, formée principalement d’Ukrainiens, de Russes et de Bulgares, contre toute menace d'intégration à la Roumanie et/ou à l'Union européenne. Du point de vue russe en effet, les anciennes républiques soviétiques, à l'exception des trois pays baltes, sont une zone d'influence réservée à la Russie, et toute tendance centrifuge est perçue comme une menace stratégique. Mais en fait 80 % des industries moldaves, la centrale hydroélectrique de Dubasari, l'arsenal de Colbasna et des usines d'armement se trouvent dans cette zone.

De nouvelles élections parlementaires sont organisées en Moldavie le 27 février 1994. Bien que ces élections soient décrites par les observateurs internationaux comme libres et correctes, les autorités de Transnistrie refusent de compter les voix et font tous leurs efforts pour décourager la population à participer au vote. Seuls 7.500 habitants votent sur la rive gauche du Dniestr, en Transnistrie.

Le nouveau parlement, qui a comme majorité les représentants du Parti Agraire de Moldavie, ne subit pas le blocage russe qui avait ligoté l’ancien parlement à majorité roumanophile du Front Populaire: une législation réformatrice est adoptée, et permet d’envisager des changements. Le président Snegur signe le partenariat de paix avec l’OTAN en mars 1994, et en avril, le parlement approuve la participation de la Moldavie à la Communauté des États indépendants dans le cadre d’une union économique. Le 28 juillet, le parlement ratifie la nouvelle constitution. Celle-ci entre en vigueur le 27 août 1994. Elle prévoit une autonomie importante de la Transnistrie et de la Gagaouzie.

La Russie et la République de Moldavie signent un traité en octobre 1994, qui concerne le retrait des troupes russes de la Transnistrie, mais le gouvernement russe ne ratifie pas le traité. Alors que le cessez-le-feu est encore en vigueur début 1995, et que des négociations ultérieures sont menées sur la conférence de sécurité, la coopération en Europe et les Nations unies, les espoirs de calme et de retrait de l’armée russe dans un futur proche montent d’un niveau.

En mars et en avril 1995, des étudiants et des élèves moldaves roumanophones entament une série de grèves et de manifestations à Chişinău pour protester contre la politique culturelle et éducative du gouvernement. Ils sont soutenus par des intellectuels, et par des travailleurs et des retraités qui protestent contre le gouvernement pour des motifs économiques. Le mécontentement se cristallise sur le problème sensible de l'identité des autochtones. Ceux-ci, qualifiés de « moldaves différents des Roumains » par l'article 12 de la constitution de 1994, se voient donc exclus de la culture et de l'histoire des roumanophones (alors que slavophones et Gagaouzes ont librement accès à la culture russe, ukrainienne, bulgare ou turque) mais cela exclut les minorités de la nation et de la notion de "Moldave", réservée aux seuls autochtones. Dans cet article 12, c'est la majorité autochtone et elle seule qui est définie comme "Moldave". Plusieurs lois précisent que cette identité exclut l'identité "roumaine"; il est par exemple interdit aux enseignants de cette langue de la qualifier de "roumaine"[5]: toute référence à la roumanophonie est qualifiée par les autorités moldaves de manifestation de l'impérialisme roumain et de ses partisans (décrits comme des adversaires de la nation et agents d'une puissance étrangère)[6].

Par contre, les autres langues (minoritaires) également officielles localement, peuvent librement être dites respectivement "russe", "ukrainienne", "bulgare" ou "gagaouze", sans qu'il soit fait référence à d'éventuels impérialismes russe, ukrainien, bulgare ou turc.Les manifestants et l'opposition affirment au contraire que les autochtones sont des "roumains" comme l'affirment les scientifiques, et que tous les citoyens du pays sont des "Moldaves", quelles que soient leurs origines ou leurs langues. C'est le droit du sang contre le droit du sol.

Il est également précisé dans plusieurs décrets que le "moldave" est historiquement antérieur au roumain, puisque la Moldavie a existé comme Principauté (depuis 1359) bien avant la naissance de la Roumanie (1859)[5].

Cette définition officielle de l'identité moldave réservant le nom de Moldaves aux seuls roumanophones, mais en niant leur roumanophonie (puisque le "moldave" est défini comme langue différente du roumain), a cinq effets politiques et un effet scientifique:

  • elle suscite les protestations de la majorité du monde scientifique et du corps enseignant (d'où grèves et manifestations continuelles);
  • elle interdit à la majorité le libre développement de sa culture par delà les frontières de l'état (comme peuvent le faire les minorités), puisque si un russophone peut librement se prévaloir et se nourrir de la culture russe, un roumanophone ne peut pas librement se prévaloir et se nourrir de la culture roumaine;
  • elle exclut les minorités de la communauté politique « moldave », ce qui fait qu'elles ne témoignent d'aucun attachement à cet état;
  • elle bloque le rapprochement de la République de Moldavie avec l'Union européenne, car la Roumanie refuse de ratifier tout document niant la roumanophonie des autochtones de la République de Moldavie;
  • elle entretient une controverse identitaire permanente qui occupe le devant de la scène en politique intérieure, au détriment du développement, grève les relations avec les pays voisins et affaiblit la légitimité et la satbilité de l'état;
  • enfin sur le plan scientifique, elle nie deux faits:
    • l'existence d'un ensemble roumanophone différent de l'ensemble politique des citoyens Roumains ou Moldaves (qui ne sont pas tous roumanophones) et dont les locuteurs se comprennent spontanément et intégralement sans avoir besoin de traducteur;
    • le fait que les parlers régionaux anciens (de Moldavie, de Transylvanie, de Valachie et de Dobroudja) ont été unifiés au XIXe siècle par-delà les frontières politiques, grâce aux progrès de l'éducation, comme ce fut le cas ailleurs en Europe avec d'autres langues, au point qu'aujourd'hui on ne peut linguistiquement plus parler de langues différentes entre ces différents pays.

Dans son discours au parlement du 27 avril 1995, le président Mircea Snegur estimait que l’article 12 de la Constitution moldave introduit une sorte d'apartheid (développement séparé, en néerlandais) entre majorité et minorités, avec des différences de droit entre elles, qui traduisent, et en même temps entretiennent, les difficultés de la république de Moldavie à construire une identité acceptable par tous les citoyens du pays. Il demanda son abrogation au Parlement. La décision finale de celui-ci fut de repousser cette demande.

La solution (vainement) préconisée par Gunther Verheugen, représentant de l'Union européenne, était d'adopter le droit du sol selon lequel "Moldave" désignerait non plus une ethnie, mais une appartenance géographique et une citoyenneté, sans distinction de langue ou de religion, tandis que les communautés seraient désignées comme "roumanophones", "russophones", "ukrainophones", "bulgarophones", Gagaouzes, Roms, Juifs, etc., leurs langues étant aussi officielles aux échelons locaux selon les votes des citoyens de chaque raion, et la langue de l'État restant celle de la majorité autochtone.

La République de Moldavie, par l'article 12 de sa Constitution et ses décrets d'application, a clairement choisi, sous le gouvernement à majorité communiste de Vladimir Voronine, de se rapprocher de l'identité que lui avaient définie les ethnographes soviétiques, et de tourner le dos à sa voisine occidentale, décrite par ce président (dans de nombreux discours et interviews) comme "la dernière puissance impérialiste d'Europe".

Toutefois, sur le plan idéologique, le gouvernement Voronine a rompu avec le communisme soviétique, puisqu'il tolère l'existence d'autres partis politiques. Cependant, l'opposition affirme ne pas pouvoir s'exprimer librement parce que le pouvoir tenterait d'intimider ou d'acheter les électeurs de ses candidats.

Sur le plan économique, la Moldavie pratique, à l'instar de la Chine ou de la Biélorussie, un « communisme de marché » où l'acceptation de l'économie de marché permet l'émergence de fortunes locales et où une législation souple convient à bien des investisseurs étrangers. Les chiffres de l'économie, qui ont fait de la Moldavie le pays le plus pauvre d'Europe (loin derrière l'Albanie) dans les années 1995-2000, montrent depuis quelques années une reprise de la croissance, bien que celle-ci reste très inégalitaire.[7]

De violentes manifestations ont lieu, le 7 avril 2009, provoquant l'incendie du parlement, après que l'opposition eut dénoncé la victoire du parti de Vladimir Voronin aux élections législatives. Le président russe Dmitri Medvedev appelle à un règlement pacifique du conflit.

Références

  1. Carte de la Russie d'Europe par le capitaine E. Lapie, ed. P.A.P. Tardieu, Paris, 1812
  2. Émile Ollivier : Démocratie et liberté, Paris, 1867, Principes et conduite, Paris 1875 et Solutions politiques et sociales, Paris 1893 ; Élysée Reclus, Nouvelle Géographie universelle, Hachette, Paris, 19 volumes, 1876-1894 ; Edgar Quinet : L’Esprit nouveau, Dentu, Paris, 1875.
  3. Anthony Babel : La Bessarabie, Félix Alcan, Genève, 1929
  4. * Bugaï, Nikolaï F.: Les Déportation des peuples d'Ukraine, de Biélorussie et Moldavie. Camp, travail forcé, vente et Deportation. Dimensions des crimes de masse en Union soviétique et en Allemagne 1933 au 1945ème Hg. v. Dittmar Dahlmann et Gerhard Hirschfeld. - Essen en 1999, P. 567-581.
    • Bugaï, Nikolaï F.: K voprosu o deportacii narodov SSSR v 30-40ch godach. - ISSSR (1989)
  5. a  et b http://www.parlament.md/download/laws/ro/546-XV-19.12.2003.doc
  6. Academia Romana combate "limba moldoveneasca": ZIUA
  7. Alain Ruzé, la Moldova, l'Harmattan, Paris.
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