Hippalektryon

Hippalektryon

Hippalectryon

Garçon chevauchant un hippalectryon, kylix attique à figures noires, 540-530 av. J.-C., Altes Museum (Berlin)

L’hippalectryon ou hippalektryon (en grec ancien ἱππαλεκτρυών / hippalektryốn) est une créature fantastique de la Grèce antique. Sa partie antérieure est celle d'un cheval et sa partie postérieure celle d'un coq, ailes, queue et pattes comprises. Il porte un plumage jaune.

La plus ancienne représentation conservée date du IXe siècle av. J.-C. et il apparaît plus fréquemment au VIe siècle av. J.-C. dans la peinture sur vase ou plus rarement en sculpture, monté par un cavalier. Au Ve siècle av. J.-C., il est mentionné par quelques sources littéraires mais les légendes qui pourraient lui être rattachées nous restent inconnues. Il figure également sur quelques pièces de monnaie antiques.

Sommaire

Étymologie

Le terme français « hippalectryon », parfois écrit « hippalektryon » selon les transcriptions, est directement issu du grec ancien ἱππαλεκτρυών, lui-même issu de la combinaison de ἵππος / híppos, qui signifie « cheval », et de ἀλεκτρυών / alektryốn, qui signifie « coq »[1]. Il s'agit donc d'un nom mettant en relief la double nature de cette créature hybride[2].

Description

L'hippalectryon est décrit dans les textes d'Aristophane comme de couleur jaune et d'allure disgracieuse[3]. Les représentations artistiques permettent d'avoir une idée de l'apparence de cet animal hybride. Toute sa partie antérieure est celle d'un cheval, ce qui inclut la tête, l'encolure et les deux membres antérieurs. La partie postérieure est celle d'un coq, avec les ailes, la queue et les pattes postérieures. Un texte attribué à Hésychios d'Alexandrie mentionne qu'il existerait trois types d'hippalectryons : un coq géant, un vautour géant et une créature fabuleuse proche des griffons peints sur les tissus de Perse[3]. Il semble y avoir de nombreuses confusions car les textes peuvent faire également référence à un cheval, un blason et un monstre marin[2]. L'hippalectryon est un hybride composé des éléments de deux animaux comme il en existe beaucoup d'autres dans la mythologie grecque, bien qu'ils combinent généralement les attributs d'un animal et d'un humain, tels le centaure, le minotaure ou la sirène[4].

Représentations artistiques

Les artistes n'avaient apparemment aucun terme pour désigner les représentations des hippalectryons avant l'utilisation du mot par Eschyle[5].

Céramiques et sculptures

Guerrier chevauchant un hippalectryon, figurine en terre cuite de Thèbes, 500-470 av. J.-C., musée du Louvre

La représentation la plus ancienne qui nous soit parvenue date du IXe siècle av. J.-C. ; il s'agit d'un askos trouvé à Cnossos[3]. L'hippalectryon devient un motif fréquent à partir de 575 jusqu'à 480 av. J.-C.[3], où il est généralement représenté monté par un jeune cavalier désarmé[4]. Ce motif ne serait pas forcément une création de l'antiquité grecque. Une analyse des textes d'Aristophane suggère qu'il serait un motif issu du Moyen-Orient et les costumes portés par les personnages représentés sur les poteries semblent asiatiques[2]. Mais les avis divergent et d'autres sources indiquent que ce motif n'est pas oriental[3]. La créature apparaît (presque uniquement[4]) sur des vases attiques[1] à figures noires et pourrait être un début de représentation artistique du célèbre cheval ailé Pégase[1].

Les hybrides forment un thème artistique populaire dans les sculptures et sur les vases archaïques grecs[4]. La plupart des figures hybrides semblent être arrivées en Grèce par l'Est bien qu'on ne retrouve aucune représentation de l'hippalectryon en Égypte ou dans l'art du Moyen-Orient[4]. On trouve aussi des hippalectryons sur des pierres gravées de basse époque. Ils diffèrent des représentations de l'art ionien et attique du VIe siècle av. J.-C., mais la tête de cheval, les pattes et la queue de coq y figurent[5].

Numismatique

Cinq pièces représentant un hippalectryon, ou peut-être Pégase, ont été retrouvées dans le trésor de Volterra, parmi 65 pièces de monnaies très anciennes contenues dans un récipient de pâte noire déterré en 1868 près des murailles de Volterra[6],[7].

Symbolique

Selon un travail d'interprétation effectué sur Les Grenouilles d'Aristophane, l'hippalectryon devait être un motif fréquemment peint sur des boucliers puisqu'on a retrouvé un vase à figures rouges sur lequel cette créature est représentée sur un bouclier d'Athéna, probablement parce qu'elle avait une signification apotropaïque et prophylactique[3], c'est-à-dire de protection contre les ennemis et les maladies. Le coq est, en effet, la bête prophylactique par excellence, un symbole solaire[8] qui met les démons en fuite grâce à son chant qui résonne quand vient le jour[5]. Quant au cheval, en particulier le cheval ailé, il s'agit d'un symbole funéraire et d'un guide pour les âmes des morts[5]. L'apparence laide et grotesque de cette créature aurait eu pour fonction de faire rire et ainsi d'écarter le mal[5].

L'hippalectryon décrit par Eschyle dans Les Myrmidons fut probablement sculpté pour commémorer un exploit naval, et Aristophane explique dans Les Grenouilles qu'on peignait ce motif sur les galères dans l'ancien temps, ce qui prouve que l'hippalectryon devait se voir attribuer des vertus magiques destinées à protéger les navires[5].

Mentions dans les textes grecs

Cette créature n'a pas de mythe ni de légende connus qui lui soient rattachés[2] et, de ce fait, elle est à peine mentionnée par les auteurs grecs[4]. Eschyle est le premier à en parler : dans un fragment du texte intitulé Les Myrmidons et daté du Ve siècle av. J.-C., il décrit un navire et parle d'un « cheval-coq couleur de feu[5] ». « Hippalectryon » est l'une des injures préférées d'Aristophane[9]. Il l'emploie dans La Paix en 421 av. J.-C., dans Les Oiseaux en 414 et dans Les Grenouilles en 405, où Dionysos et Euripide raillent Eschyle pour avoir parlé de l'hippalectryon[5]. Il précise aussi qu'à son époque, soit à la fin du Ve siècle av. J.-C., la plupart des habitants d'Athènes n'avait jamais entendu parler de cette créature[4]. Dans la Tragédie de Prométhée, le dieu Neptune est décrit chevauchant un oiseau à quatre pieds qui pourrait être un hippalectryon[2].

« La figure d'un hippalectryon est ici sur le navire de Protésilaos : on peut voir le travail laborieux effectué sur les peintures (...)  »

— Eschyle, Les Myrmidons

« (...) plus que quand je vois un taxiarque haï des dieux, ayant trois aigrettes et une robe de pourpre des plus voyantes, qu'il dit être une teinture de Sardes. Mais s'il lui faut combattre, vêtu de cette robe, alors il se teint lui-même en teinture de Cyzikos : il est le premier à fuir comme un hippalectryon jaune, en agitant ses aigrettes ; et moi, je reste à veiller aux filets.  »

— Aristophane, La Paix[N 1]

« Ainsi, avoir des ailes, n'est-ce pas ce qu'il y a de plus précieux ? Et, de fait, Diitréphès, qui n'a que des ailes d'osier, a été élu phylarque, puis hipparque : sorti de rien, il s'est élevé très haut, et il est aujourd'hui un hippalectryon aux plumes jaunes.  »

— Aristophane, Les Oiseaux[N 1]

« Euripide : Ce n'étaient que Scamandre, abîmes, aigles à bec de griffon sculptés sur l'airain des boucliers, mots guindés à cheval, pas commodes à saisir.

Dionysos : De par les dieux ! il m'est arrivé, à moi, de veiller une grande partie de la nuit, cherchant son hippalectryon jaune, quel oiseau c'était !
Eschyle : Ignorant, c'était comme un emblème sculpté sur les vaisseaux.
Dionysos : Moi, je croyais que c'était le fils de Philoxène, Éryxis.
Euripide : Était-il donc nécessaire de mettre un coq dans des tragédies ?
Eschyle : Et toi, ennemi des dieux, dis-nous ce que tu as fait.
Euripide : Chez moi, j'en atteste Zeus ! Jamais comme chez toi d'hippalectryons, ni de capricerfs, comme on en dessine sur les tapis médiques.

 »

— Aristophane, Les Grenouilles[N 1]

Culture populaire

L'hippalectyon n'est que très peu mentionné dans les œuvres modernes. Toutefois, les comptines de ma mère l'Oye contiennent (dans la version anglaise de ma mère l'Oye)[N 2], une ritournelle parlant d'un cheval-coq[2] :

Roundelay 

Ride on a cock-horse
To Banbury cross
To see an old woman
Ride on a white horse;
Rings on her fingers,
Bells on her toes,
She shall have music
Wherever she goes.

Ritournelle 

Chevauche un cheval-coq
Jusqu'au carrefour de Banbury
Pour voir une vieille femme
Chevaucher un cheval blanc ;
Des bagues à ses doigts,
Des cloches à ses doigts de pieds,
Elle aura de la musique
Partout où elle ira.

Notes et références

Notes
  1. a , b  et c Les traductions d'Aristophane sont issues d'Eugène Talbot, disponibles sur le site remacle.org.
  2. La traduction anglaise des Contes de ma mère l'Oye, publiée en 1729, reprend les contes écrits par Charles Perrault. Cependant, John Newbery publia à Londres, aux alentours de 1765, une compilation de comptines anglaises sous le titre Mother Goose's Melody, or, Sonnets for the Cradle (Mélodies de ma mère l'Oye, ou Sonnets pour le berceau).
Références
  1. a , b  et c (en) Hippalectryon sur Theoi, site répertoriant dieux et monstres de la mythologie grecque.
  2. a , b , c , d , e  et f (en) Harper's New Monthly Magazine March to May 1882, Kessinger Publishing, LLC, 2005 (ISBN 9781419173905) [lire en ligne].
  3. a , b , c , d , e  et f (en) W. Geoffrey Arnott, Birds in the ancient world from A to Z Routledge, 2007 (ISBN 041523851X), (ISBN 9780415238519), p. 102-103.
  4. a , b , c , d , e , f  et g (en) Hippalektryon par Harvey Alan Shapiro : Art, Myth and Culture. Greek Vases from Southern Collections sur Perseus, site web à propos de l'art grec antique.
  5. a , b , c , d , e , f , g  et h Swets et Zitlinger, « Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux et des Universités du Midi, quatrième série commune aux Iniversités d'Aix, Bordeaux, Montpellier, Toulouse », dans Revue des études anciennes, t. 6, 1904 [lire en ligne].
  6. Edgar Wendling et Joële le Borgne de Lavillandré, L'Euroatlas des monnaies celtes, projet d'ouvrage littéraire en pré-publication, chapitre XII [lire en ligne].
  7. Le trésor de Volterra sur Numis-ext, site de numismatique.
  8. C'est ainsi qu'est présenté l'hippalectryon dans (en) Juan Eduardo Cirlot, Jack Sage et Herbert Read, A dictionary of symbols, Routledge, 1993 (ISBN 978-0415036498), p. 149 [lire en ligne].
  9. Michel Meslin, Cahiers d'anthropologie religieuse 3, 1994, Presses Paris Sorbonne (ISBN 2840500221), (ISBN 9782840500223), p. 121 [lire en ligne].

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Swets et Zitlinger, « Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux et des Universités du Midi, quatrième série commune aux Universités d'Aix, Bordeaux, Montpellier, Toulouse », dans Revue des études anciennes, t. 6, 1904 [lire en ligne].
  • (en) W. Geoffrey Arnott, Birds in the ancient world from A to Z, Routledge, 2007 (ISBN 041523851X et ISBN 9780415238519).
  • (en) Juan Eduardo Cirlot, Jack Sage et Herbert Read, A dictionary of symbols, Routledge, 1993 (ISBN 978-0415036498).

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