Erotisme

Erotisme

Érotisme

Olympia, Édouard Manet, 1863.
Cette représentation artistique du nu est jugée érotique (voire pornographique au XIXe siècle).

L'érotisme (du grec ἔρως, eros « amour ») désigne l'affection des sens provoquée par la perception d'une autre personne. L'érotisme se différencie de la sexualité et de l'amour, dans la mesure où l'origine de l'affection est l'attirance du corps pour la pulsion sexuelle, l'état émotionnel pour le sentiment d'amour, et le jeu psychologique pour l'érotisme.

Néanmoins, cette distinction n'est pas effectuée dans le langage courant. Ici, l'érotisme est principalement synonyme de sexualité, et se définit par une opposition à la pornographie. Dans le sens de cette distinction, l'érotisme correspond à une excitation mentale, au contraire d'une satisfaction physique du désir sexuel.

L'érotisme est aussi un jugement esthétique lié à l'attrait d'ordre sexuel. Dans l'art, l'érotisme caractérise notamment certaines représentations artistiques de personnes (nu en peinture, photographie) ou de scènes (littérature), et il s'oppose parfois à un jugement moral (indécence, pornographie).

Sommaire

Érotisme et pornographie

Odalisque de Jules Joseph Lefebvre
Sexologie et sexualité
Sexualité
Sexualité humaine
Amour - Libido
Rapport sexuel - Position
Genre - Jouet
Aspects sociaux
Éducation
Pornographie - Prostitution
Agression et Discrimination
Infraction sexuelle
Littérature - Cinéma
Mythologie - Religion
Santé
Contraception - Avortement
Impuissance - Frigidité
Circoncision - Excision
Contragestion - Infection sexuellement transmissible
Sexologues
Ellis Havelock - Forel Auguste
Gross Otto - Kinsey Alfred
Leleu Gérard - Reich Wilhelm
Robert Jocelyne - William Masters et Virginia Johnson
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L'érotisme se différencie de la pornographie en ce que la pornographie ne définit que ce qui est montré (c'est-à-dire la relation sexuelle humaine montrée explicitement) tandis que l'érotisme ne définit que ce qui est ressenti (c'est-à-dire l'excitation sexuelle). La pornographie n'est donc pas un érotisme plus "corsé". Elle appartient à un autre domaine sémantique. Il arrive que la pornographie et l'érotisme se confondent (la pornographie étant un moyen pour atteindre un but : la sensation érotique, l'excitation), comme il arrive qu'ils n'aient rien à voir. Exemples :

  • Érotisme sans pornographie : une attitude, une posture ou un geste d'une personne qui, bien que vêtue et ne faisant rien de particulièrement "sexy", provoque chez un observateur une excitation.
  • Pornographie sans érotisme : des films pornographiques qui laissent le spectateur indifférent (pour beaucoup de gens, des corps interagissant de façon mécanique, sans rien exprimer et sans ressenti ne provoquent rien) ou des œuvres artistiques qui utilisent la pornographie comme un moyen esthétique (voir certains travaux de H.R. Giger).
  • Pornographie avec érotisme : ces même films pornographiques, sur un autre public (ou alors réalisés différemment, avec un certain talent de mise en scène ou d'interprétation par exemple) peuvent tout à fait créer une excitation sexuelle.

Dans le langage courant cependant, le terme de pornographie n'est souvent perçu que comme une intensification de l'érotisme - voir par exemple la presse TV et la façon dont elle classe les films : un "film érotique" ne montre pas les organes sexuels (contrairement à un "film pornographique") sans toutefois être forcément érotique, c'est-à-dire apte à provoquer l'excitation chez le spectateur. Il est aussi parfois vu comme une perversion de l'érotisme, ce dernier étant jugé plus noble et plus fin car ne montrant pas des parties du corps supposées obscènes. Cette confusion vient du fait que la plupart des œuvres pornographiques sont faites avant tout pour provoquer des sensations érotiques.

Les termes anglais de soft et hard sont alors utilisés pour différencier la valeur de ces deux termes que l'on met dans le même domaine sémantique, l'érotisme étant soft et la pornographie hard. Comme la distinction entre soft et hard reste propre à l'appréciation de chacun, il est clair que l'utilisation dans le langage courant des termes de pornographie et érotisme rend difficile et souvent confuse toute analyse du sujet.

André Breton résumait cette question en une réponse à double sens : "la pornographie c'est l'érotisme des autres".

Imagination, séduction et tenue vestimentaire

L'érotisme excite parfois l'imagination sans rien montrer

Particulièrement chez les hommes, l'érotisme est souvent lié à la vue. Les réactions seront bien sûr différentes d'une personne à l'autre, mais il y a quelques "fondamentaux" bien ancrés dans notre imaginaire.

C'est ainsi que souvent, quelqu'un trouvera séduisant, voire érotique, une personne habillée court, ou bien encore dont le vêtement baille (comme l'écrit Roland Barthes dans la citation ci-dessous), voire encore une personne vêtue d'un vêtement moulant. L'érotisme peut également provenir dans ce cas de la stimulation de l'imagination, l'imagination magnifie ce qui n'est pas visible, le rend potentiellement encore plus beau dans l'esprit de l'observateur ; c'est pour cette raison que beaucoup d'hommes trouvent une femme en sous-vêtement beaucoup plus érotique qu'une femme totalement nue. En effet, le ressort potentiellement infini découlant de l'imagination n'existe plus ou est sérieusement diminué.

De la même manière, l'érotisme peut être également stimulé par l'ambiguïté d'une attitude, la suggestion, le non dit, voire la promesse d'une situation future, car l'imagination est également mieux sollicitée. Cela fait partie du ressort de séduction de beaucoup de femmes, consciemment ou inconsciemment. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la citation de Georges Clemenceau : Le meilleur moment de l'amour, c'est quand on monte l'escalier.

Erotisme de la lingerie

Comme cela est très bien expliqué par les auteurs de ce dernier article, certains vêtements (ou accessoires) peuvent provoquer chez tout un chacun un fétichisme sexuel, c'est-à-dire une attirance sexuelle caractérisée par une forte excitation érotique à la vue de ces vêtements.

C'est bien sûr le cas de certains vêtements, mais c'est aussi le cas d'accessoires, telles que les bottes (bottes cavalières, cuissardes).

Cet érotisme naîtra parfois de la transgression opérée par la personne qui "ose" ne pas rentrer dans l'uniformité ambiante en se faisant remarquer par sa tenue vestimentaire, par son "look".

Chat érotique ou Cybersexe

Avec l'arrivée d'Internet, s'est développé une nouvelle forme d'érotisme basée entièrement sur l'imagination et l'utilisation des mots. Certaines personnes apprécient cette forme d'érotisme car elle permet de parler de ses fantasmes dans l'anonymat et en se libérant des inhibitions et des contraintes sociales de la vie réelle.

Durant les dialogues érotiques, les partenaires s'engagent dans des jeux de rôles virtuels appelés "scénarios" dans le jargon du Chat, où ils s'imaginent dans des situations érotiques très explicites, décrivant avec précision leurs envies et leurs fantasmes. Ces simulations poussées à l'extrême peuvent revêtir un caractère très réaliste pour certains.

Une tradition de correspondance érotique existe depuis longtemps. Une des plus connues est celle ayant existé entre George Sand et Alfred de Musset ; mais la nouveauté introduite par le chat érotique est l'anonymat, l'instantanéité et la disponibilité rapide de partenaires multiples et différents appartenant à des milieux socio-culturels variés, pouvant assouvir tous les fantasmes.

Approche philosophique

  • Le philosophe Michel Henry fait une description phénoménologique de l’érotisme et de la relation amoureuse dans son livre « Incarnation, une philosophie de la chair ».
  • Roland Barthes : "L'érotisme c'est lorsque le vêtement baille"
  • Jean-Clet Martin traite le rapport de l'érotisme à l'éternité :100 mots pour jouir de l'érotisme, Ed. Empêcheurs/Seuil.

Érotisme et finitude

Selon Georges Bataille, il n'y a érotisme que pour un individu fini, centré sur lui-même, et qui se sent pourtant poussé à se fondre, au risque de s'y perdre, en une communauté avec autrui, communauté charnelle, communauté du sentant et du senti, écrit Lévinas pour décrire la proximité sensible des corps, c'est-à-dire la volupté. L'érotisme doit beaucoup à la curiosité, ou plutôt la fascination, pour un corps fait autrement que le nôtre.

Plus profondément, l'érotisme est la promesse de la coïncidence, pourtant impossible sinon charnellement, entre ces deux mondes que sont deux personnes distinctes (voir Le Banquet de Platon et le discours qu'il met dans la bouche d'Aristophane).

Ainsi, l'acte amoureux participe de la profanation. L'érotisme est une joute, où il s'agit d'amener l'autre à sortir de son retrait, à s'exposer. La caresse serait selon Sartre une véritable incantation. Elle invite le partenaire à investir son corps, à être son corps, à s'offrir, non comme pure chair, mais comme chair habitée par une personne, une liberté. Mais, note Michel Leiris, « tenir le sacré » c'est «finalement le détruire en le dépouillant peu à peu de son caractère d'étrangeté».

Toujours dans Le Banquet de Platon, on voit Socrate expliquer que l'érotisme vise plus haut que la communauté et la complémentarité des amants, qu'il fait signe vers le Vrai.

Comme la religion, l'érotisme confronte l'individu à une puissance créatrice qui le dépasse. Moins peut-être Dieu, ou l'Idée du Beau, que la vie, la sexualité au sens biologique du terme, la reproduction.

Sacrée, la sexualité est à la fois effrayante et attirante. Selon Bataille, elle n'est pas tant immorale qu'elle ne suspend la morale individuelle au nom de la vie et de l'espèce. L'érotisme a ceci de commun avec la mort qu'il réfute la fermeture sur soi de l'individu, fermeture à laquelle il doit sa conscience et son moi. La pulsion sexuelle, liée à la reproduction, dépasse l'horizon de l'instinct de conservation. L'individu ne se reproduit pas parce qu'il est mortel, il est mortel afin que la vie puisse se renouveler.

Sexualité et séduction

Simone de Beauvoir, dans Le Deuxième Sexe, a souligné à quel point, dans le cas des mammifères, la sexualité prend un sens différent pour le mâle et la femelle. Chez cette dernière, « l'individualité n'est pas revendiquée : la femelle s'abdique au profit de l'espèce qui réclame cette abdication ». Aussi, le mâle aurait surtout à jouer le rôle du tentateur, voire de l'agresseur, à manifester sa puissance vitale par un luxe gratuit et magnifique. La coquetterie, qui consiste à fuir ce que l'on sollicite, à se refuser et à se donner, serait l'expression de l'appréhension de la femelle, qui vit l'enfantement dans sa chair, s'y aliène.

L'érotisme s'oppose cependant à la brutalité du désir, ou du moins la déguise. Alain écrit à propos de la danse amoureuse qu'il est bon que « l'animal ne se montre pas trop, et enfin qu'il s'humanise ». L'érotisme manifeste à la fois la proximité de la frénésie et la capacité de la retenir. Il est sublimation, non pas tant cependant pour nous détourner de la sexualité que pour la purifier de tout ennui. L'érotisme, c'est la sexualité devenue art et rythme.

On a donc raison de le distinguer de la pornographie, qui est une forme de négation du désir et de la personnalité de l'autre. L'obscène participe du réalisme. Il présente la chair, ou l'acte, dans toute sa matérialité. Il nie le féminin, qui n'existe que dans le retrait. Il y a cependant bien au fond du jeu érotique l'horizon de la chair. Il n'habille l'autre de pureté que pour mieux l'en dépouiller. Le penseur Emmanuel Lévinas écrit que « le beau de l'art invertit la beauté du visage féminin » en le privant de sa profondeur et de son trouble charnel, en faisant de la beauté une forme recouvrant la matière indifférente du tableau ou de la statue. Le mot "invertit" fait, peut-être, allusion à l'amour platonicien, qui concerne de jeunes garçons et qui vise à s'élever par sublimation de la beauté du corps à celle de l'âme et des Idées. Mais dans la nudité érotique « le visage s'émousse » et «se prolonge, avec ambiguïté, en animalité ». L'ambiguïté de la beauté serait celle du visage lui-même, qui à la fois appelle le respect et est offert à la profanation. « L'irrespect suppose le visage ».

Le libertinage

Schopenhauer était frappé par le contraste entre la légèreté et le brillant du marivaudage et le sérieux, tout animal selon lui, de l'acte sexuel. Aussi assimilait-il le jeu érotique à un simple leurre, un piège tendu par la vie elle-même à l'intelligence et à l'individualité des amants. Mais on peut, à l'inverse, remarquer que l'érotisme, qui se soucie peu de la procréation, fait durer le plaisir et le désir quand la pulsion sexuelle, laissée à elle-même, s'épuise vite.

L'érotisme est ainsi profondément humain. En effet, l'espèce humaine se singularise en ce qu'elle ne connaît pas l'alternance animale de l'indifférence sexuelle et du rut. C'est dans cet espace d'indétermination que se développent aussi bien la police des mœurs que le libertinage. Le désir n'est plus tant provoqué par la nature que par l'art de la séduction. Le plaisir s'affranchit de toute légitimation biologique ou sociale et s'affiche avec toute la gratuité et la légèreté du jeu. L'érotisme se confond alors avec tout ce que la culture, l'ingéniosité, ajoutent, ou retranchent, à la sexualité pour en faire un jeu plaisant et désirable. L'amour lui-même semble alors trop contraignant et trop sérieux. Dans le Phèdre, Platon fait dire à l'orateur Lysias qu'il vaut mieux favoriser les entreprises de séduction de ceux qui ne nous aiment pas, car ils sont bien moins importuns et inconséquents que les amoureux. L'érotisme sera simplement une forme de civilisation, comme l'art ou la conversation. Il y a cependant là une tentative un peu dérisoire pour banaliser le plaisir érotique, le penser sur le modèle de la jouissance gustative. L'érotisme n'est-il pas par essence confrontation à un autre corps et à une autre personne, au mystère d'une autre expérience et d'une autre conscience ?

Il y a aussi du défi dans le libertinage, comme le montre la figure de Don Juan. L'individu joue avec le feu, la « corne de taureau » selon l'expression de Michel Leiris, c'est-à-dire les puissances sacrées de la sexualité et de la mort, s'en approche au risque de s'y brûler. Il défie les forces qui menacent son individualité et son indépendance, le mariage, les maladies, l'amour, et se retrouve finalement lui-même, inchangé. Le libertinage voisine dangereusement aussi avec le machisme. Simone de Beauvoir notait en effet que le mâle mammifère se détache de la femelle au moment même où il la féconde. Ainsi « le mâle au moment où il dépasse son individualité s'y enferme à nouveau ». Il est vrai que la contraception et la libéralisation des mœurs permettent également à la femme cette forme de jeu érotique ou pornographique.

Bibliographie

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Voir sur Wikisource : Érotisme.

  • Francesco Alberoni, L'Érotisme, Paris, Pocket, 1994, 258 p. (n° 4216)
  • Georges Bataille, L'Érotisme, Paris, UGE, 1965, 305 p. (10/18, n° 221-222)
  • Étiemble, L'Érotisme et l'Amour, Paris, Le Livre de Poche, 1990, 154 p. (Biblio-Essais, n° 4127)
  • Antonio Dominguez Leiva et Sébastien Hubier (dir.), Érotisme et ordre moral, Revue d'études culturelles n°1, Dijon, ABELL, 2005 [lire en ligne]
  • Jean-Luc Marion, Le Phénomène érotique, Paris, Le Livre de Poche, 2004, 373 p. (Biblio-Essais, n° 4369)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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