Economie des industries culturelles

Economie des industries culturelles

Économie des industries culturelles

Le terme industrie culturelle désigne l'ensemble des entreprises produisant selon des méthodes industrielles des biens dont l'essentiel de la valeur tient dans leur contenu symbolique : livre, musique, cinéma, télévision, radio, jeux vidéo. Il traduit l'anglais cultural industries.

Sommaire

Délimitation

La délimitation du champ des industries culturelles pose les mêmes problèmes que celui de la culture elle-même. Le termes industries exclut toutefois les beaux-arts et l'architecture ainsi que les spectacles vivants pour ne retenir que les biens faisant l'objet de processus de production industriel permettant la reproduction à partir d'un prototype. Ainsi, le cœur des industries culturelles est formé des entreprises d'édition (livres, presse, phonogrammes, multimédias) et de production, de films (cinématoqgraphique) ou de contenus audiovisuels (ces derniers étant destinés aux diffuseurs télévision).

Cependant, les logiques à l'œuvre dans ces secteurs ne sont pas très différentes de celles prévalant dans l'édition de jeux vidéos ou de la haute couture, la différence essentielle étant le statut du créateur original: les techniciens (infographiste, couturier), par exemple, ne jouissent pas du statut social de l'artiste, de l'écrivain ou du sculpteur.

Structure industrielle : un oligopole à frange

La plupart des marchés, tant par type de produit que par pays, sont structurés en oligopole : quelques grandes entreprises multinationales ou multi-secteurs (souvent les deux), autour desquelles gravitent un nombre très important de petites, en grande majorité très petites entreprises. Cette structure d'oligopole à frange repose sur l'importance des effets d'échelle que sont les réseaux de distribution et la diversification des risques face à un succès incertain, facteur favorisant la concentration des groupes oligopolistiques, ainsi que sur la faiblesse des barrières à l'entrée (éditer un livre ou un disque est à portée d'un particulier) qui autorisent la création de petites entreprises fondées sur un seul titre.

Les entreprises de l'oligopole sont usuellement désignées sous le nom de majors, terme créé dans les années 1920 pour désigner les conglomérats de radiodiffusion et de production cinématographique en position dominante dans le secteur aux États-Unis.

Les majors

Par major, on désigne des entreprises internationales occupant dans une branche d'activité (cinéma, musique enregistrée, presse, livre, etc.) des positions de leaders essentiellement sur les marchés des pays riches. Une major est ainsi toujours un ensemble de sociétés filiales rattachées à une société-mère qui pilote cet ensemble. Celles-ci sont le plus souvent contrôlées par des groupes (corporate), ayant des activités diversifiées, que Mario d'Angelo dénomme « groupes médiatico-culturels ». Il est en effet difficile de parler de groupes industriels, tant la logique financière qui est à l'œuvre pour leur maintien est devenue prégnante. La logique de produit-marché révèle quant à elle l'un des traits essentiels de ces activités : médiatisation (liée à des stratégies de notoriété) et effet de signature et de distinction conférant une valeur symbolique et expériencielle aux produits (matériels et immatériels) commercialisés et marketés par les majors.

La structure des marchés culturels est naturellement sujet à des évolutions et même si certaines majors sont très anciennement établies. Le tableau suivant indique pour différentes activités, les principaux groupes et majors au début des années 2000.

Principaux groupes industriels du secteur culturel
Nom Secteurs et marques Remarques
Time Warner (États-Unis) Cinéma (Warner Bros. Pictures, New Line Cinema), télévision (CNN), presse (Time Inc.), réseau et logiciels (AOL) Groupé né de la fusion entre une major historique (Time Warner) et une entreprise des nouvelles technologies (AOL).
Bertelsmann (Allemagne) Édition (Random House), presse (RTL Group) Groupe issu de l'imprimerie. Bertelsmann a cédé son activité musicale à Vivendi. Random House est le premier éditeur mondial de littérature générale.
Vivendi (France) Télécommunications (SFR, Neuf Cegetel), télévision (Groupe Canal Plus), jeux vidéo Blizzard Entertainment, Sierra Entertainment), édition musicale (Universal Music Group) Groupé fondé au départ sur une activité de BTP. Groupe en recomposition, par renforcement du secteur musical (rachat de Bertelsmann Music Group Publishing) et des télécommunication et désengagement de l'édition (cession de Vivendi Universal Publishing par Lagardère).
Viacom (États-Unis) Cinéma (Paramount Pictures Inc.), télévision (MTV Networks) Le 14 juin 2005, la société a été scindée, CBS Corporation récupérant les activités de télévision et de parcs d'attraction.
Walt Disney Company (États-Unis) Cinéma (Buena Vista Entertainment), télévision (Disney-ABC Television Group), parcs d'attractions (Walt Disney Parks and Resorts) Entreprise présente dès ses débuts dans le secteur du cinéma.
Sony Corporation (Japon) Électronique, cinéma (Gaumont Columbia TriStar Motion Picture Group), télévision Sony Pictures Television Group, jeux vidéo (Sony Computer Entertainment), musique (Sony Music Entertainment, ex-Columbia) Entreprise venue du secteur de l'électronique.
News Corporation (Australie, États-Unis) Presse (The Times, The Sun), télévision (Fox Broadcasting Company, BSkyB), cinéma (Twentieth Century Fox), édition (Harper & Collins). Groupe issu du monde de la presse
Pearson (Royaume-Uni) Édition (livres scolaires et parascolaires, Penguin Books), presse (The Financial Times). Groupe resté dans son secteur d'activités, la presse et l'édition

Le phénomène des majors est ancien, puisqu'il existait déjà dans les années 1920 de grands conglomérats (RKO Pictures, par exemple) regroupant des activités de cinéma (puis de télévision). Toutefois, les majors constituées dans les années 1990 relèvent d'une autre logique. Elles se sont en effet construites soit par l'extension aux marchés voisins de groupes de contenu (News Corporation, Pearson (édition)), soit par rachat de fournisseurs de contenus anciens (Time Warner, Universal) par des groupes de contenant ou de réseaux (Vivendi, Sony, AOL). Les acteurs attendaient de cette union dans un même groupe des contenants et des contenus des synergies en termes d'efficacité de la production (économies d'échelle) et de pouvoir de marché. Les unes comme les autres ne se sont pas réalisées, du fait de l'incertitude inhérente aux biens culturels, et surtout parce que chaque groupe a éprouvé la perte qu'il y avait à exclure les contenus des concurrents de son propre réseau de distribution, et réciproquement de celle à ne pas être distribué par les réseaux concurrents. Il en a résulté, au début des années 2000, une vague de réorganisation de ces groupes dans le sens d'un recentrage sur un certain nombre d'activités complémentaires (presse et édition, cinéma, télévision et musique), aboutissant à la création de groupes sectoriels.

La frange

Alors que l'ouverture d'une galerie d'art dans une grande ville exige un investissement initial de 250 000 dollars, plus une somme équivalente de pertes initiales (Caves, p. 45), l'édition à compte d'auteur d'un livre ne demande un investissement que de quelques milliers d'euros. Même en considérant la difficulté à se faire connaître et distribuer, les barrières à l'entrée dans les industries culturelles sont faibles, ce que reflète la composition des maisons d'édition. En France, 80% des maisons d'édition publient moins de 10 titres par an, ne représentent que 15% du total des titres, et 0,5% du chiffre d'affaires encore plus faible des ventes. De même, la sortie est aisée, puisqu'il se trouve souvent une entreprise de taille plus importante prête à racheter le fonds.

Toutefois, cette frange joue un rôle important de détection des jeunes artistes. En effet, les grandes maisons n'ont que rarement des contact directs avec les artistes désirant se faire produire. Le recours à l'agent musical (impresario ou manager) ou à l'agent littéraire est de plus en plus fréquent, supposant un investissement particulier. Cette délégation est souvent explicite, les grandes maisons aidant certains éditeurs débutants à lancer un jeune artiste sur lequel une grande maison ne veut pas risquer des moyens à la hauteur d'une sortie dans sa gamme principale.

La frontière entre les majors et la frange est d'ailleurs très floue. L'analyse sectorielle et systémique a montré la dynamique d'interaction entre le centre (les majors sur un marché) et la périphérie très hétérogène, avec des entreprises innovatrices dans les contenus -parfois dans les technologies- ayant des durées de vie souvent courtes (voir dans bibliographie Mario d'Angelo). La distribution de leurs productions est souvent faite par les majors, lesquelles prennent des participations dès qu'une entreprise innovante présente un certain succès. Celle-ci a d'ailleurs elle-aussi intérêt à terme à être rachetée par une major, plutôt que de subir le débauchages de ses artistes et signatures qui connaissent le succès.

Industries culturelles et internationalisation

Faut-il parler de mondialisation ou d'internationalisation ? La première question qu'il convient de se poser est de savoir à quels marchés sectoriels s'étend la structure oligopolistique à frange. Le degré de concentration au niveau mondial et les freins ou les facilités à la concentration, sont en effet variables selon les secteurs. La seconde question qu'il convient de se poser est de savoir à quels marchés territoriaux (nationaux ou zones de marché unifiée) s'étend la structure oligopolistique. C'est ainsi que dans son étude sur les groupes médiatico-culturels, Mario d'Angelo constate que pour le livre, les marchés sont structurés par aires linguistiques. En revanche pour la production cinématographique, l'oligoppole concerne un marché quasimondial (avec quelques pays présentant des reglementations restrictives).

Notes et références de l'article

Bibliographie

  • (en) Richard Caves, Creative Industries 
  • Allen J. Scott, On Hollywood: the Place, the Industry, Princeton University Press, Princeton, 2005 (ISBN 978-0691116839) 
  • Mario d'Angelo, Les groupes médiatico-culturels face à la diversité culturelle, Idée-Europe (coll. Innovations & Développement n° 6), rééd. 2002 (ISBN 2-909941-05-1)
  • Mario d'Angelo, La renaissance du disque. Les mutations mondiales d'une industrie culturelle, La Documentation Française, Paris 1990
  • Françoise Benhamou, L'économie de la culture, La Découverte, Paris, 3e éd., 2001

Voir aussi

Articles connexes

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