Désert de Retz

Désert de Retz

Le Désert de Retz est un jardin anglo-chinois créé à la fin du XVIIIe siècle par un aristocrate, François-Nicolas-Henri Racine de Monville. Il est aujourd’hui l’un des rares à subsister dans une forme proche de sa création d’origine. Son propriétaire-créateur le nomma Désert, à l’instar de l’Alceste du Misanthrope de Molière, pour évoquer ces endroits solitaires où, dès le XVIIe siècle on aimait à se retirer et à recevoir sans étiquette

Établi dans un domaine de 40 hectares situé en bordure nord de la forêt de Marly, à Saint-Jacques-de-Roye (ou de Retz), dans la commune de Chambourcy, le Désert de Retz tirait son originalité de ses dix-sept fabriques et de ses essences rares importées des quatre coins du monde. Seuls les 20 hectares rétrocédés à la commune de Chambourcy par le Golf de Joyenval sont aujourd’hui accessibles au public.

La colonne détruite

Sommaire

Les grandes dates du Désert de Retz

Le 12 septembre 1774, François de Monville achète une maison de campagne entouré de 13 hectares de terrain à Saint-Jacques-de-Retz, en limite nord de la forêt de Marly. Il agrandira ce terrain par des acquisitions successives jusqu’à constituer un domaine de 38 hectares.

En 1775, il y fait bâtir une première fabrique de jardin, le Temple au dieu Pan et commence l’agencement de son jardin.

Il passe commande en 1777 de plusieurs milliers de pieds auprès des pépinières royales. Il collectionne dans ses serres chaudes de multiples essences végétales rares. En 1781 ont lieu la construction de la Colonne détruite qui devient l’habitation du propriétaire, puis de la Glacière pyramide, de la Tente tartare et du Rocher.

En juin 1785, le plan « définitif » du Désert de Retz, dressé de la main de François de Monville et publié par Georges-Louis Lerouge, est arrêté: une vingtaine de fabriques sur 38 hectares. Il accueille des visiteurs de renom et de nombreuses manifestations : réceptions, concerts, pièces de théâtre.

De 1792 à 1827, la famille anglaise Ffytche occupe le domaine par intermittence.

De 1827 à 1856 s’y succèdent Alexandre Denis puis la famille de Jean-François Bayard, dramaturge et neveu d’Eugène Scribe.

De 1856 à 1936 Frédéric Passy, premier prix Nobel de la Paix, et ses descendants sont propriétaires du Désert de Retz et y demeurent pendant près d’un siècle.

En 1936, la Société Fermière de Joyenval acquiert le domaine.

En 1941, le site est classé monument historique, grâce à l’action de Jean-Charles Moreux et de Colette.

En 1986, la Société Fermière de Participation (Groupe Worms) qui a pris le contrôle de la Société Fermière de Joyenval cède le Désert de Retz, à parts égales, à Olivier Choppin de Janvry et à Jean-Marc Heftler pour un franc symbolique. Ceux-ci constituent alors la Société Civile Immobilière du Désert de Retz.

Le 30 décembre 1966, André Malraux fait référence au délabrement du Désert de Retz pour justifier un projet de loi de sauvetage des monuments historiques permettant à l’État de mettre en demeure les propriétaires, qui se désintéressent de l’entretien de leur patrimoine classé, de faire procéder à des travaux de réparation. Les premiers travaux de sauvetage du Désert de Retz sont entrepris et financés par l’État de 1973 à 1979. Ils concernent la Glacière pyramide, le Temple au dieu Pan, le Théâtre découvert et la Colonne détruite.

De 1986 à 1997, le Désert de Retz est ouvert au public. Les visites sont pour l’essentiel assurées à titre bénévole par l’association Histoire de Chambourcy de Retz et d’Aigremont (HISCREA, voir Liens externes).

En 1989, la Tente tartare est reconstruite grâce au mécénat privé et les étangs sont nettoyés grâce aux subventions du ministère de la Culture. Deux fondations américaines financent la restauration de l’escalier de la Colonne détruite, elle-même restaurée par la SCI.

Sur proposition du Golf de Joyenval, la commune de Chambourcy se voit rétrocéder la moitié du Désert de Retz pour un euro symbolique le 20 décembre 2007. Un procès est en cours au sujet de l’acquisition de l’ensemble du domaine par le Golf de Joyenval.

Le 24 septembre 2009, la réouverture au public du Désert de Retz a été officiellement inaugurée en présence du ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand. Des personnalités issues du monde politique, culturel et artistique étaient présentes, notamment Alain Schmitz, président du Conseil général des Yvelines, Alain Trampoglieri, président de la Marianne d’Or, Julien Cendres et Chloé Radiguet, écrivains et auteurs du livre Le Désert de Retz, paysage choisi, et les créatrices Sonia Rykiel et Chantal Thomass.

Liste des fabriques

Les fabriques encore présentes

Section de la Colonne détruite.
  • La Colonne détruite

Fabrique principale du Désert de Retz, construite en 1781, elle devint la demeure principale de François de Monville au Désert de Retz, après la Maison chinoise. D’un diamètre de 15 mètres, elle s’élève à 25 mètres environ dans sa partie la plus haute. Des appartements étaient disposés avec recherche et symétrie sur quatre niveaux, distribués par un escalier central hélicoïdal éclairé par une verrière. L’aménagement intérieur était d’un très grand raffinement. Les cheminées en marbre blanc, décorées de feuilles d’acanthes, étaient surmontées de miroirs qui reflétaient le paysage extérieur composé par Monville. Les rideaux étaient en toile de Jouy, les meubles en acajou. Les cuisines étant situées dans les communs, les plats étaient acheminés par un tunnel qui débouche dans la cave[1].

Image d’un nouvel intérêt pour le monde romain et son organisation, cette colonne est comme le vestige d’un temple colossal dont on vient de découvrir le premier élément. Monument sans antécédent, élevé à la veille de la Révolution, il pourrait être le symbole de la ruine prochaine d’un ordonnancement propre au monde européen[1].


L’Église gothique en ruine

Seule ruine authentique du domaine, la chapelle de l’ancien hameau de Saint-Jacques-de-Retz fut construite au XIIIe siècle. Cependant, dès le début du XVIe siècle, les fidèles la désertèrent et se rendirent à l’abbaye de Joyenval, non loin de là. Cette fabrique symbolise l’Église catholique dépassée par la modernité du XVIIIe siècle. À l’image des tableaux du peintre Hubert Robert, représentant les ruines des villes impériales romaines, avec leurs temples religieux et leurs autels à l’abandon, elle illustre l’idée que pouvoir et religion sont éphémères[1].


Le Temple au dieu Pan

Le Temple au dieu Pan est une des premières fabriques construites François de Monville vers 1775. La construction évoque la Grèce classique, symbole même de la philosophie. Il n’en reste aujourd’hui que la façade. Il se composait d’un avant-corps semi-circulaire orné de colonnes toscanes, donnant accès à une salle de repos presque carrée, dont le sol était carrelé de marbre noir et blanc, et meublée d’un sofa recouvert d’une ottomane. Les niches des deux arcanes latérales abritaient une statue.

Cette fabrique était le salon de musique de François de Monville, homme aux talents multiples qui touchait à tous les instruments. Il excellait à la harpe pour laquelle il a composé des ariettes[1].


Le Petit Autel presque en ruine

Il s’agit d’un autel votif rappelant la Rome antique, situé dans la prairie qui s’étend au sud de la colonne détruite. Il repose sur un socle circulaire surmonté d’un piédestal qui supportait un vase ovoïde. Il était orné dans sa partie supérieure de trois têtes de bélier (ou de bouc) et de guirlandes de fleurs accrochées à leurs oreilles[1]. François de Monville pouvait le contempler directement depuis son cabinet de travail.


Le Théâtre découvert sous un berceau de grands ormes

Aujourd’hui privé de son ombrage, le théâtre a conservé deux pots à feu chinois à pattes de lion encadrant le mur de scène. Ce mur était jadis appareillé d’un bas-relief représentant Bacchus enfant sur son char traîné par deux amours. Dieu romain de la végétation et en particulier de la vigne et du vin, le culte de Bacchus a contribué au développement de la tragédie et de l’art lyrique. Cette scène était abritée jusqu’au milieu du XIXe siècle par de grands ormes formant berceau, vestiges de l’ancienne allée menant à la Porte de Joyenval.

Du temps de François de Monville, de nombreuses pièces y étaient jouées. Ce théâtre était aussi destiné à offrir aux spectateurs le décor panoramique d’une nature poétiquement aménagée par l’homme[1].


La Glacière pyramide

Elle est construite sur 3 niveaux : une cuve, profonde de 6 mètres, en forme de demie barrique et dotée d’un puisard, un soubassement carré et une pyramide. Cette fabrique servait à la conservation des denrées périssables et de la glace, destinée à la confection de sorbet et à refroidir les boissons et des denrées périssables[1].

Durant l’hiver, neige et blocs de glace étaient entassés au fond de la cave sur un plancher de bois à claire-voie. De l’eau était ajoutée afin de créer un bloc compact, le tout isolé du mur par de la paille de seigle fixée sur une armature légère. Sur un plancher supérieur, calé par de grosses pierres, reposaient les denrées. La porte d’accès, biseautée et orientée au nord, était en bois. L’accès à la glacière se faisait essentiellement en début ou en fin de journée afin de préserver le froid. La pyramide illustre l’Égypte et sa civilisation. Métaphore de la perfection maçonnique, elle a été située volontairement près de l’église gothique ruinée. Symbole également de la conservation, c’est à dessein qu’elle a été placée sur une glacière[1].


La Tente tartare

Située sur l’Île du Bonheur, cette tente à armature de bois, reconstruite en 1989, est en tôle peinte à larges rayures turquoise et jaunes et se termine par un dôme « fait en matière siamoise ». Tendue à l’intérieur de toile de Jouy, elle servait de salle d’armes. Elle évoque des contrées lointaines inexplorées, des lieux qui incarnent l’exotisme[1].


Les fabriques en ruine ou disparues

La Maison chinoise

Construite vers 1777-1778, ce fut la première habitation de François de Monville dans le Désert mais aussi la première véritable maison chinoise en Europe. Traduisant l’admiration de son créateur pour le « Céleste Empire », elle s’est écroulée sur elle-même au début des années 1970. Entièrement construite en teck importé d’Inde, elle reposait sur des fondations en pierre. Les façades, composées de panneaux ajourés, étaient peintes de violet et de rouge. Le toit, couvert d’ardoises taillées en écaille de poisson, formait une terrasse d’où se penchait la statue d’un personnage chinois.

À l’intérieur, un appartement complet comprenait au rez-de-chaussée un vestibule, une antichambre, un salon avec alcôve à l’oriental tapissée de papier blanc à motif floral, un office, un cabinet où se trouve un poêle et une garde-robe. Au premier étage, accessible par un escalier dérobé, un bureau-bibliothèque était équipé de rayonnages en acajou massif.

Avec ses dépendances, son jardin particulier clos de portes décorées de mâts et de clochettes, cet ensemble était le premier essai de transcription d’une réalité chinoise dépassant de loin les évocations ponctuelles de l’Orient qu’on connaissait alors[1].

François Racine de Monville s'y installera en effet dès 1778 avant d'élire domicile en 1782 dans la célèbre Colonne ruinée dont les dimensions du fût cannelé évoquaient les vestiges d'une construction gigantesque.[2]

Les Serres chaudes

Bien orientées, équipées d’un système de chauffage pour l’hiver, la grande et la petite serre abritaient des plantes exotiques et des espèces fragiles. François de Monville y rangeait patiemment des plantes de toutes provenances.


Le Rocher

Il s’agit d’une grotte d’aspect naturel recouverte de végétation et encadrée par deux statues de satyres. Symbole des débuts de l’humanité, elle soumettait le visiteur à un passage initiatique de l’obscurité à la lumière, de l’obscurantisme à la connaissance.


Les Communs

Maison bourgeoise de la propriété de 13 hectares acquise par François de Monville en 1774, elle fut transformée en communs, regroupant : le logement du concierge, les cuisines, et peut-être un appartement de bains.


Le Temple du repos

Construit en 1777, il était composé d’une rotonde d’arbres, précédée d’une façade à deux portes décorées de peintures en trompe-l’œil. Elles étaient encadrées par deux colonnes baguées, surmontées d’un entablement et d’un fronton.


L’Ermitage

Il s’agissait d’une cabane faite de planches de bois, construite sur un terre-plein artificiel entouré d’arbres. François de Monville avait engagé un « ermite » payé pour y habiter avec interdiction de se laver, de se couper les ongles et les cheveux.


L’Obélisque

Construit en tôle peinte, il se dressait dans la « partie agricole », à l’extrémité ouest du domaine, aujourd’hui occupée par le golf.


Le Tombeau

Situé lui aussi dans la partie agricole du domaine, au nord, il n’en existe aucune trace sur le terrain : il n’est connu que par les gravures de Le Rouge.


L’Orangerie

Située dans le prolongement du jardin de la maison chinoise, elle est décorée avec des portes rehaussées de mats et de clochettes.


La Laiterie et la Métairie arrangée

François de Monville et ses hôtes vivaient sur place dans une quasi-autarcie. La laiterie et la métairie font partie de l’exploitation agricole liée au Désert, qui comprenait un potager en carrés cultivés de fruits et légumes et s’étendait à l’élevage de vaches laitières.

Visiteurs célèbres du Désert

Au XVIIIe siècle

Au XXe siècle

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f, g, h, i et j D’après la plaquette de présentation située sur place.
  2. Yvelines, le magazine du conseil général

Les informations qui ont servi à l’élaboration de cet article sont, sauf exceptions mentionnées, tirées du livre Le Désert de Retz, Jardin des Lumières édité par la Mairie de Chambourcy en juin 2009, préface de Pierre Morange, Député des Yvelines, Maire de Chambourcy.

Annexes

Bibliographie

  • Louis-Eugène Lefèvre, Le Jardin anglais et la singulière habitation du Désert de Retz près de Marly, Paris, éd. Jean Schemit, 1917, tiré à part du Bulletin de la Commission des Antiquités et des Arts de Seine-et-Oise.
  • Colette, Izis, Paradis Terrestre, La Guilde du Livre, 1953.
  • Pierre-Émile Renard, Chambourcy, son passé, 1980.
  • Pierre-Émile Renard, Chambourcy et le Désert de Retz, 1984.
  • Michel Dach, Le Désert de Retz à la lumière d’un angle particulier, Rocquencourt, l’auteur, 1995.
  • Le Désert de Retz, texte anonyme publié en avril 1988 par la Société Civile du Désert de Retz, Croissy-sur-Seine.
  • Julien Cendres, Chloé Radiguet, Le Désert de Retz, paysage choisi, Paris, Stock, 1997 (ISBN 2234048214)
  • « Le Désert de Retz, Chambourcy » in Caroline Holmes, Folies et fantaisies architecturales d’Europe (photographies de Nic Barlow, introduction de Tim Knox, traduit de l’anglais par Odile Ménégaux), Citadelles & Mazenod, Paris, 2008, p. 120-123 (ISBN 978-2-85088-261-6)
  • Julien Cendres, Chloé Radiguet, Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l’éclat, 2009 (parution septembre). (Nouvelle édition enrichie du livre paru chez Stock en 1997) Préface de François Mitterrand ; postface de Pierre Morange.

Liens externes

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