Abraham Duquesne

Abraham Duquesne
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Abraham Duquesne Marquis du Quesne
Portrait d'Abraham Duquesne (1610-1688), Huile sur toile par Antoine Graincourt, Cercle militaire de Versailles
Portrait d'Abraham Duquesne (1610-1688),
Huile sur toile par Antoine Graincourt, Cercle militaire de Versailles

Surnom Le « Grand Duquesne[1] »
Naissance Entre 1604 et 1610
à Dieppe
Décès 1er février 1688 (à 78 ans)
à Paris
Origine Royaume de France Royaume de France
Allégeance Royaume de France Royaume de France
Flag of Sweden.svg Royaume de Suède
Arme Pavillon de la marine royale française Marine royale française
Pavillon de la marine royale suédoise Marine royale suédoise
Grade Lieutenant général des armées navales
Années de service 1627 - 1685
Conflits Guerre de Trente Ans
Guerre de Torstenson
Guerre de Hollande
Faits d'armes Bataille de Tarragone
Bataille du cap de Gata
Bataille d'Agosta
Bataille de Palerme
Hommages Six bâtiments de la Marine nationale française portent son nom

Abraham Duquesne, baron d'Indret[2] puis marquis du Quesne, né à Dieppe, entre 1604 et 1610 et mort le 1er février 1688 à Paris, est l'un des grands officiers de la marine de guerre française du XVIIe siècle. Né dans une famille huguenote au début du XVIIe siècle, il prend la première fois la mer sous les ordres de son père capitaine de vaisseau. Il servit sous Louis XIII pendant la guerre de Trente Ans et se distingue en plusieurs occasions, notamment aux combats de Tarragone et du cap de Gata, mais doit quitter la marine en 1644 après avoir perdu un navire.

Pendant les troubles de la minorité de Louis XIV, il obtient de Richelieu l'autorisation de servir dans la marine royale suédoise, en compagnie de son frère. Il prend part à la guerre de Torstenson qui oppose le royaume de Suède au Danemark et se distingue au combat de Fehmarn en prenant le navire amiral du commandant de la flotte danois Pros Mund. Rentré en France, il réintègre la Royale et est envoyé en 1669 au secours de Candie, assiégée par les Turcs. Il prend part à la guerre de Hollande (1672-1678) et combat à Bataille de Solebay (1672) et à Alicudi (janvier 1676), mais c'est à la bataille d'Agosta (avril 1676) et à celle de Palerme qu'il se distingue tout particulièrement. Il termine sa carrière avec le grade de lieutenant général des armées navales, freiné dans son avancement par sa religion qu'il refusera d'abjurer malgré l'insistance de Louis XIV, et de ses serviteurs (Colbert et Bossuet).

Sommaire

Biographie

Origines et jeunesse

Abraham Duquesne naît entre 1604 et 1610[3] à Dieppe (Seine-Maritime) dans une famille huguenote d’armateurs, de corsaires et de marchands. Il est le fils d'Abraham Duquesne (v.1570-1635), capitaine de vaisseau et de son épouse, Marthe de Caux, tous deux originaires de Normandie[Note 1]. Roturier, pauvre et protestant, il est, selon Mabire « affligé d'une triple tare qui pèsera lourd sur sa future carrière[3]. »

Dès son plus jeune âge il suit les pas de son père. Il passe son enfance à Dieppe, qui possède alors la plus grande école d'hydrographie française[4].

En 1627, à l'âge de dix-sept ans, il entre dans la marine royale et sert à bord du Petit Saint-André, comme lieutenant de son père[4]. Son père tombé malade, il le remplace et capture un navire marchand hollandais, le Berger, qu'il ramène à Dieppe et qui lui est adjugé par le Parlement de la ville. L'année suivante, il commande un vaisseau lors du siège de La Rochelle contre les armées réformées commandées par Jean Guiton, qui deviendra par la suite son beau-frère[4]. S'il se bat dans le camp des armées royales, Duquesne reste cependant très attaché à sa religion.

Carrière militaire

Combats en Méditerranée pendant la guerre de Trente Ans

Article principal : Guerre de Trente Ans.

En 1635, il devient capitaine de vaisseau. Il apprend la mort de son père, tué par une escadre espagnole alors qu'il escortait un convoi de navires marchands en provenance de Suède[5],[Note 2]. L'année suivante, à bord du Neptune, il se bat en Méditerranée contre les Espagnols avec les escadres de Guyenne, de Bretagne et de Normandie, sous les ordres du comte d'Harcourt et de l'archevêque de Bordeaux Mgr de Sourdis[6]. Partie de l'île de Ré, le 23 juin 1636, la flotte française atteint les îles de Lérins, situées au large de Cannes, un mois plus tard. Ces îles sont alors tenues par les Espagnols, qui y ont bâti d'importantes fortifications afin de les rendre inexpugnables. L'île Sainte-Marguerite a été dotée de cinq forts, et l'île Saint-Honorat d'un fort. Il se distingue pendant la prise de ces îles qui durera neuf mois[6]. En 1637, il croise en Méditerranée contre les Espagnols et les pirates barbaresques.

La bataille de Guetaria, 22 août 1638. Huile sur toile d'Andries Van Eertvelt

De retour à Brest, il s'occupe de renforcer les défenses du port de la ville. En 1638, il reçoit le commandement du Saint-Jean avec lequel il rejoint la flotte du Ponant, stationnée à Belle-Isle. Forte de trente-six vaisseaux de ligne, douze brûlots et quatre flûtes, celle-ci met les voiles vers les côtes espagnoles et sur la ville de Fontarrabie, où les armées françaises sont battues. Le 22 août 1638, il se distingue[7] à la bataille de Gatari à bord du Saint-Jean, de 24 canons, une attaque coordonnée qui doit avoir lieu en même temps sur mer et sur terre, grâce à une armée de 12 000 hommes aux ordres du prince de Condé. Le cardinal de Richelieu lui écrit pour le féliciter sur sa conduite dans cette occasion et lui donner l'assurance de son intérêt et de son affection[8]. Malgré une victoire de la flotte française, la ville ne pourra être prise avant l'année suivante.

Sourdis, archevêque de Bordeaux, chasse les Espagnols du Port de Roses. 26 Mars 1641. Gravure d'après le tableau de Théodore Gudin.

Toujours employé dans l'armée navale de l'archevêque de Bordeaux, il seconde activement, en 1639, de nouvelles opérations sur les côtes de Biscaye, et prend part à la prise de Laredo et de Santona. Il y commande le Maquedo, bâtiment espagnol pris à l'ennemi. Mais, ayant reçu l'ordre d'aborder un gros galion qui se trouvait en rade de Santona, et s'étant intrépidement avancé à l'attaque à bord de chaloupes armées, il a la mâchoire brisée par une « mousquetade » au menton. Malgré cette grave blessure, il se rétablit, et reprend la mer[8].

En 1641, en compagnie de quatre autres capitaines, il va enlever cinq vaisseaux espagnols sous les canons de Rosas[8]. II se signale aussi au combat de Tarragone le 4 juillet, devant Barcelone le 9 août, et au large du cap de Gata, où il est à nouveau blessé, le 3 septembre 1643. Le jeune marin perd dans l'archevêque de Bordeaux et dans Richelieu, qui décède à la fin de l'année 1642, deux protecteurs qui avaient pris la mesure de son talent. Il retrouve un appui en la personne du grand maître de la navigation Maillé-Brézé.

Mais en 1644, il perd son navire dans des circonstances mystérieuses et doit quitter la marine.

Dans la Marine royale suédoise et sous la Fronde

Pendant les troubles de la minorité de Louis XIV, il écrit au cardinal Mazarin pour lui demander l'autorisation de quitter la Royale, ce qu'il obtient[9]. Il s'engage avec son frère Jacob dans la marine royale suédoise. Capitaine de vaisseau en France, il est fait amiral-major[Note 3] par la Reine Christine le 14 septembre et sert pendant la guerre de Torstenson, qui oppose le royaume de Suède au royaume du Danemark et de Norvège[Note 4]. Au cours de cette guerre, il combat sous les ordres de Carl Gustaf Wrangel, devenu commandant de la flotte suédoise à la mort de l'amiral Fleming, et dont il devient le commandant en second. Il défait complètement devant Göteborg la flotte danoise commandée par Christian IV de Danemark en personne, à bord de la frégate Regina, 34 canons.

Bataille de Fehmarn, 13 octobre 1644

Le 13 octobre 1644, au combat de Fehmarn (en), il participe à une nouvelle victoire sur la flotte danoise, au cours de laquelle l'amiral Pros Mund est tué et son navire amiral, le Patientia, capturé. C'est lui que Wrangel désigne pour aller donner l'assaut au navire amiral danois à bord duquel se trouve le roi. Son frère, qui se distingue lui aussi pendant ce combat, est nommé capitaine de vaisseau.

Avec le retour à la paix en 1645, il retourne en France et participe à des échanges entre les marines de Suède et de France, avant de rentrer en France en 1647 où il arme une escadre à ses frais. Il bat en 1650 les Anglais et les Espagnols qui avaient envoyé plusieurs vaisseaux au secours de Bordeaux révolté. Pour ce fait, il est créé chef d'escadre.

Durant la Fronde, il reste fidèle au Roi et arme à ses frais contre les frondeurs. À la fin de la Fronde, alors qu'il tente un retour en Suède, il est éconduit par la marine suédoise pour des raisons inconnues et doit rester en France sans pouvoir reprendre la mer. Il entretient alors des liens d’affaires avec le surintendant des finances Fouquet.

Retour dans la Royale

La duchesse de Nemours que Duquesne escorte au Portugal en vue de son mariage avec le Roi Alphonse IV

En 1661, Mazarin meurt et Colbert lui succède. Ce dernier tient Duquesne en haute estime et la même année, il réintègre la marine française et participe aux premières opérations navales du règne de Louis XIV. Il obtient le commandement du Saint-Louis, dont il vérifie l'armement[Note 5]. Après s'être illustré dans plusieurs combats en Méditerranée contre les barbaresques dans les années 1662-1663[Note 6], sous les ordres du Chevalier Paul, il passe de la flotte du Levant à celle du Ponant. En 1665, il est nommé commandant d'escadre et Le Vendôme, 72 canons et 600 hommes d'équipage, est placé sous ses ordres[10]. En juillet 1666, il est à la tête de l'escorte chargée de conduire à Lisbonne la duchesse de Nemours mariée par procuration au roi de Portugal Alphonse IV.

La flotte française est alors témoin de la guerre que se livrent l'Angleterre et les Provinces-Unies en mer du Nord. À cette époque, Duquesne sert dans l’escadre de François de Vendôme, duc de Beaufort dont il espère devenir le bras droit. En 1669, il est nommé lieutenant général des armées navales mais son ascension dans la hiérarchie de la marine, est ensuite barrée par la promotion fulgurante du comte d'Estrées, nommé vice-amiral du Ponant. Sitôt promu, il est envoyé en Méditerranée au secours de Candie, assiégée par les Ottomans, mais il arrive trop tard et la flotte française y subit une défaite. Louis XIV et Jean-Baptiste Colbert ne voient pas en Duquesne un chef de guerre rompu au combat en ligne et animé d’un véritable esprit offensif. La guerre de Hollande va leur donner raison et confirmer la passivité de Duquesne au combat.[réf. nécessaire]

De retour en France, il est la cible d'accusations destinées à le déstabiliser. Ses relations avec le comte d'Estrées se dégradent significativement. Ce dernier écrit à propos de Duquesne « Il est d'un caractère épineux et difficile, et d'un esprit moins porté à trouver des expédients qu'à susciter des difficultés[11]. » La rivalité entre les deux hommes atteint son paroxysme lorsque Duquesne refuse de saluer son commandant à tel point que Colbert est contraint d'intervenir[Note 7],[Note 8]. C'est dans ce contexte que les deux hommes s'apprêtent à aller affronter la flotte hollandaise de l'amiral Ruyter.

Guerre de Hollande

Article principal : Guerre de Hollande.

Le 7 juin 1672, il commande Le Terrible, 68-70 canons, et participe sous les ordres de d'Estrées lui-même sous les ordres du duc d'York[Note 9] à la bataille de Solebay contre la marine hollandaise. Il manœuvre trop lentement pour soutenir efficacement d'Estrées et pire, ne répond pas aux ordres d’attaque du duc d'York et laisse échapper la flotte hollandaise alors que la flotte anglo-française se trouvait dans une position très favorable. En agissant ainsi, il se conforme aux ordres de son roi - Louis XIV avait donné aux amiraux français des instructions secrètes consistant à laisser les flottes anglaises et hollandaises s'entre-déchirer, la flotte française prétexte la présence de vents défavorables pour ne prendre qu'une part mineure au combat - mais il s'expose également à la critique. Le marquis de Martel, pour s'être élevé contre ces ordres déshonorants, est envoyé à la Bastille.

La carrière de Duquesne semble alors entrer dans un déclin irréversible. Il est contraint de demander un congé et d'écrire à Colbert une lettre pour justifier sa conduite, dans laquelle il explique avoir reçu un signal incomplet et avoir refusé d'appliquer les ordres, de peur de les mes-interpréter. Dans cette lettre, il se plaint à nouveau des critiques portées par d'Estrées à son encontre[Note 10].

Mais, l’entrée en guerre de l’Espagne en 1673 et le soulèvement de Messine en 1674, ouvrent un second front maritime en Méditerranée. Duquesne, placé au commandement du Saint-Esprit, 72 canons, est alors choisi pour seconder le duc de Vivonne et se trouve promu commandant de l'Escadre de la Méditerranée en 1674. Le 11 février 1675, la flotte français composée de six vaisseaux, une frégate et deux brûlots, doit faire face à vingt-neuf vaisseaux et quatorze galères espagnoles. Ce n'est que l'envoi de renforts de Messine qui met en fuite les Espagnols. Durant le combat, Duquesne parvient à se saisir d'un vaisseau de 44 canons.

Le 17 août, il prend la ville d'Augusta, dans la province de Syracuse (Sicile), mais, après les succès faciles de 1675 contre une flotte espagnole qui n'est plus que l’ombre d’elle-même, Duquesne va devoir affronter en 1676 un ennemi bien plus redoutable. En effet, Guillaume de Nassau, prince d'Orange, et le stathouder des Provinces-Unies, envoie au secours de leur allié espagnol, une flotte commandée par le plus grand capitaine de son temps, l'amiral hollandais Michiel de Ruyter.

Lors de la bataille d'Alicudi, le 8 janvier 1676, à défaut d'une victoire éclatante, il parvient à mettre en fuite la flotte de Ruyter; et, le 22 janvier, il entre triomphalement dans la ville de Messine. Les nouvelles parviennent à Versailles et un mois plus tard, il reçoit une lettre écrite de la main de Louis XIV.

Cette lettre est accompagnée d'une lettre de Colbert, elle aussi, pleine d'éloges.

Duquesne reprend la mer et affronte à nouveaux les Hollandais lors de la bataille d'Agosta, le 22 avril 1676; mais, frileux, il laisse à son avant-garde tout le poids de la bataille. Le marquis d'Alméras qui la commande est tué au combat.

Aux cours de ces deux batailles, Duquesne ne parvient pas à prendre l’avantage sur l’escadre hispano-hollandaise. Celle-ci demeure intacte alors qu'elle aurait pu être facilement inquiétée s'il s'était montré plus agressif et habile dans ses manœuvres.[réf. nécessaire] Cependant, Ruyter est mortellement blessé pendant la bataille d'Agosta et sa mort marque la fin de l'alliance entre Hollandais et Espagnols en même temps que la fin des combats en Méditerranée.

La victoire décisive à la bataille de Palerme, le 2 juin 1676, est obtenue grâce au génie de Tourville, alors que Duquesne à bord du Saint-Esprit tire un bord au large et ne participe pas à la confrontation. Le navire amiral espagnol Nuestra Señora del Pilar est détruite par un brûlot français et l'amiral don Francisco de la Cerda tué, tout comme l'amiral hollandais Jan den Haen. Au final, la flotte alliée perd douze vaisseaux et près de 3 000 hommes. Durant l’été, Duquesne se révèle incapable de poursuivre et de détruire le reste des forces hollandaises pourtant mal en point. Duquesne obtient alors l'autorisation du duc de Vivonne de quitter le Saint-Esprit, très malmené par la campagne, et passe sur le Royal-Louis, « un des plus beaux bâtiments de la flotte de guerre française, avec ses cent vingt canons[14]. »

Lorsque la paix de Nimègue est signée en 1679, Duquesne a près de 70 ans.

Missions en Méditerranée

Libération de captifs chrétiens après le bombardement d'Alger en 1683 (gravure allégorique du XIXe siècle)

Après quelques mois de repos, il est, le 26 août 1680, devant Tripoli. Le marquis d'Amfreville, commandant du Fort, bat à lui seul six bâtiments ennemis. Avec sept navires, il poursuit les corsaires et la flotte barbaresque de Tripoli jusqu’à l’anse de Chio, possession de l'empire Ottoman, le 23 juillet 1681. Quand le gouverneur de la place refuse de les expulser, il canonne le fort et la ville et établit un blocus. Cette violation de la neutralité turque n'est pas au goût de Louis XIV qui ne voulait pas d'une guerre avec cet État mais 80 000 couronnes payées par les marchands français commerçant avec Constantinople apaisent vite le courroux turc[15].

Bombardement d'Alger par Abraham Duquesne, en 1682

Il commande par la suite les deux bombardements d'Alger, et force le dey à libérer tous les esclaves chrétiens. L’escadre de Duquesne arrive devant Alger le 12 juillet 1682, mais il est contraint par le mauvais temps d'ordonner à ses capitaines (Tourville, Forant, de Pointis, de Lhéry, de Belle-Isle-Erard, entres autres) de différer le début des bombardements. Ces derniers débutent le 20 août et se poursuivent jusqu'au 5 septembre, sans grand résultats. Alger est alors le port le mieux défendu de toute la Méditerranée, mieux que Gênes, beaucoup mieux que Toulon[16]. Apprenant l'échec de l'expédition le 11 octobre, le Roi n’est pas satisfait mais doit reconnaitre cependant l’effet terrifiant du petit nombre de bombes, 280 environ, qui avaient été envoyées[16]. Le 18 juin 1683, la flotte de Duquesne est à nouveau devant Alger. Les bombardements débutent dans la nuit du 26 au 27 juin. Au matin du 28, 217 bombes avaient été tirées, lorsque Duquesne propose au dey une trêve contre la libération des esclaves chrétiens. Cette trêve est interrompue le 21 juillet, et les bombardements reprennent les jours suivants. Son neveu Duquesne-Mosnier, qui commandait L’Ardente, est « blessé d’une grande contusion à la cuisse gauche[16] ». Les tirs se poursuivent jusqu'au 17 août, date à laquelle le stock de bombes avait été épuisé.

Réparation faite à Louis XIV par le doge de Gênes, Francesco Maria Imperiale Lercari, dans la galerie des Glaces de Versailles; Huile sur toile par Claude Guy Hallé, château de Versailles

En mai 1684, il est à la tête d'une flotte de quatorze vaisseaux de ligne, vingt galères et dix galiotes à bombe, à qui le ministre de la Marine Seignelay a ordonné d'aller bombarder Gênes, qui avait vendu des munitions aux corsaires barbaresques de la régence d'Alger. Entre le 18 et le 22 mai, 13 000 boulets sont tirés sur la ville. Ce bombardement n'est pas suffisant et les Génois refusent les émissaires envoyés par Duquesne. Aussi, les Français sont-ils obligés de lancer une offensive terrestre, confié au chef d'escadre de Lhéry (qui trouve la mort dans l'attaque). Devant les dégâts subis, la ville finit par se rendre et le doge de Gênes Francesco Maria Imperiale Lercari est contraint à venir s'humilier aux pieds du roi de France, en mai 1685.

Ces interventions sont conçues comme autant de démonstrations de force de la part d'un souverain qui veut faire l'étalage de sa puissance navale. Avant la descente contre Alger en 1682, Colbert rappelle ainsi à Duquesne que « la préparation des bombes à fait un très grand bruit dans les pays étrangers, qu'on regarde de toutes parts quel en sera le succès et que de revenir sans avoir rien mis à exécution se contentant seulement de faire la paix avec des gens avec lesquels on ne peut espérer de la maintenir longtemps que par le châtiment que l'on fera de l'insolence avec laquelle ils l'ont rompue, cela feroit un très mauvais effet[17]. »

La religion, obstacle à toute promotion

Ces succès lui laissent espérer une promotion. Cependant, Colbert lui écrit pour lui dire que Louis XIV est satisfait de ses services mais qu'il est au regret de l'informer que sa religion, qu'il refuse d'abjurer, rend le fait de l'élever à la dignité d'amiral. En France, les guerre successives avec les Provinces-Unies ravivent les suspicions envers les protestants, très présents dans l'industrie et dans le commerce[18], dans le première moitié des années 1680, aboutissant quelques années plus tard à la proclamation par le Roi de l'Édit de Fontainebleau en 1685, révoquant l'Édit de Nantes.

Contrairement à d'autres[Note 11], Duquesne refuse d'abjurer protestantisme. Le roi lui écrit « Je voudrais, monsieur, que vous ne m'empêchiez pas de récompenser les services que vous m'avez rendus comme ils méritent de l'être; mais vous êtes protestant et vous savez quelles sont mes intentions là-dessus. » Au cours d'un de ces congés, il se rend à la Cour à Versailles, pour plaider sa cause. À Louis XIV, Duquesne répond, sûr de lui : « Sire, quand j'ai combattu pour Votre Majesté, je n'ai pas examiné si Elle était d'une autre religion que moi. »

Colbert et Bossuet essayeront à leur tour de le persuader, lui faisant voir la possibilité d'être promu maréchal, mais ce dernier reste intraitable. Pas rancunier, Louis XIV le fait marquis et érige sa terre du Bouchet près d'Étampes en marquisat[Note 12].

En 1685, il est l'un des très rares personnages autorisé à rester protestant et à pouvoir demeurer en France malgré l’Édit de Fontainebleau, à condition qu'il ne se livre à aucun acte d'allégeance public « à la religion prétendue réformée ». Il demande à émigrer, mais cette faveur lui est refusée, de peur qu'il ne renseigne l'étranger sur l'état des forces navales françaises[19].

Il meurt d'une attaque d'apoplexie, le 1er février 1688 à Paris, à l’âge de 78 ans. Il est enterré dans son château du Bouchet, domaine érigé en marquisat par Louis XIV. Abraham Duquesne possédait le manoir du Moros à Concarneau.

Une semaine après sa mort, le Roi ordonne que tous ses biens soient mis sous séquestre. À sa veuve on laisse le choix de l'émigration ou de l'abjuration. Cette dernière finit par renier sa foi et peut conserver ses biens. Sur les quatre fils du couple, deux se convertiront au catholicisme, les deux autres émigreront en Suisse.

Coeur de l'amiral Duquesne

Parmi eux, son fils Henri Duquesne, qui transporte le cœur de son père au temple d'Aubonne, dans le canton de Vaud (Suisse). Ce dernier lui compose l'épitaphe suivant:

Duquesne Fils à son Père:
Ce tombeau attend les restes de Duquesne
Son nom est connu sur toutes les mers
Passant, si tu demandes pourquoi les Hollandais
Ont élevé un monument superbe à Ruyter vaincu,
et pourquoi les Français
Ont refusé une sépulture au vainqueur de Ruyter
Ce qui est dû de respect et de crainte à un monarque,
Dont s'étend au loin la puissance,
Minterdit toute réponse.

La légende dorée

Cette légende dorée fut d’abord forgée par Duquesne lui-même qui ne manque jamais l’occasion de se présenter comme un vieux loup de mer, mais aussi par Colbert qui va utiliser les combats contre Ruyter pour redorer le blason de la Royale. Tenue en respect dans la Manche par la flotte des « marchands de fromage », la campagne en Méditerranée va permettre à la Royale de se forger un héros à l’image des Condé et Turenne. Du jour au lendemain, la propagande fait de Duquesne, « le Turenne des mers », le plus grand capitaine de mer du moment, l’égal et le vainqueur de Ruyter. Alicudi et Agosta deviennent des victoires éclatantes et Palerme le plus formidable succès naval.

Alors que tous les grands chefs du règne de Louis XIV, sont Anglais ou Hollandais, Duquesne va servir la propagande et accréditer l’idée d’un génie maritime français.

Famille et descendance

Statue de Duquesne à Concarneau, par Yves Hernot.

Abraham Duquesne épouse Gabrielle de Bernières, en 1661. De cette union naîtront quatre fils:

Deux de ses grand-neveux s'illustreront au service du royaume de France:

Honneurs et postérité

Notes

  1. Son père est originaire de Blangy-sur-Bresle, dans le pays d'Eu et sa mère est Luneray, dans le Pays de Caux.
  2. « Pendant que le jeune Duquesne était au siège de Sainte-Marguerite, il apprit que son père venait de mourir à la suite de blessures reçues dans un combat que lui avaient livré les Espagnols, comme il amenait son convoi de Suède ; de ce jour, le fils jura une haine implacable aux auteurs de la mort de son père, de qui il ne cessa pas de porter le deuil dans son cœur. » (Léon Guérin, p. 253)
  3. Grade équivalent à celui de chef d'escadre en France
  4. Le Royaume du Danemark et de Norvège qui avait début la guerre de Trente Ans aux côtés du royaume de France et de Suède, change de camp en 1643. La Suède et le Danemark s'intéressent tous deux aux duché de Poméranie et de Mecklembourg, s'affronteront pour le contrôle de la mer Baltique jusqu'à la signature des Traités de Westphalie et 1648.
  5. Un rapport de l'époque note : « Duquesne veille à tout. Il rend ainsi de grands services au ministre de la Marine. » (Mabire, p.141)
  6. Il se distingue notamment dans la capture d'un navire au large de Bône, en Algérie. (Mabire, p.141)
  7. Il écrit à Duquesne « Ce seraint une pure chicane que Sa Majesté trouverait fort mauvaise et qu'elle ne pourrait excuser. » (Mabire, p.144)
  8. Dans la lettre du 18 janvier 1671, qu'il adresse à d'Estrées, Colbert écrit: « Je vois bien que vous n'avez pas sujet d'être satisfait des sieurs Duquesne et Desardens, mais vous savez bien que ce sont les deux plus anciens officiers de la marine que nous ayons, au moins pour le premier, et mesme qu'il a toujours été reconnu pour un très-habile navigateur et fort capable en tout ce qui regarde la marine. Je conviens avec vous que son esprit est difficile et son humeur incommode; mais, dans la disette que nous avons d'habiles gens en cette science, qui a été si longtemps inconnue en France, je crois qu'il est du service du roy et même de votre gloire particulière que vous travailliez à surmonter la difficulté de cet esprit et à le rendre sociable, pour en tirer toutes les connoissances et avantages que vous pourrez, et j'estime qu'il est impossible qu'avec votre adresse et votre douceur vous n'en tiriez facilement en peu de temps tout ce qu'il pourra avoir de bon, et ce qui vous pourra servir, et mesme qu'avec cette douceur vous ne puissiez peut-être le réduire à servir à votre mode, c'est-à-dire utilement pour le service du roy. »
  9. Louis XIV demandant à Charles II la raison pour laquelle le commandement de la flotte allié était confiée au duc d'York, ce dernier répond « Car c'est l'habitude des Anglais de commander à la mer. »
  10. « Vous savez pourquoi j'ai demandé avec tant d'insistance congé d'aller en cour; procurez m'en s'il vous plaît, la décision et ne m'abandonnez pas, Monseigneur, dans ce bourbier où l'artifice de l'ennemi de mon honneur m'a jeté pour avoir mieux servi que lui, qui, par l'autorité de son rang, a diffamé ma conduite. » (Mabire, p.146)
  11. Notamment le chef d'escadre Job Forant, le célèbre financier Samuel Bernard,...
  12. En 1681, Duquesne, achète la baronnie du Bouchet à la marquise de Clérembault

Références

  1. Léon Guérin, p. 252
  2. Michel Vergé-Franceschi, p.144
  3. a et b Mabire, p. 131
  4. a, b et c Mabire, p. 132
  5. Mabire, p. 134
  6. a et b Mabire, p. 133
  7. « Duquesne passa pour un capitaine hors ligne » (Léon Guérin, p. 254)
  8. a, b et c Léon Guérin, p. 254
  9. Mabire, p. 137
  10. Mabire, p. 142
  11. Mabire, p.143-144
  12. Mabire, p. 148
  13. Pierre Clément, p. 384
  14. Mabire, p. 150
  15. E.H. Jenkins, Histoire de la marine française, Paris, Éditions Albin Michel, 1er novembre 1977, 428 p. (ISBN 2-226-00541-2), p. 80 
  16. a, b et c Les deux premiers bombardements d'Alger
  17. Lettre de Colbert à Duquesne, datée de Versailles, 9 juillet 1682 (Citée in Pierre Clément, p. 234-235)
  18. Max Weber, L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme, 1904
  19. Mabire, p.154

Sources et bibliographie

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  • Abraham Duquesne-Guitton — Captain, later Admiral, Abraham de Bellebat (Belébat?) de Duquesne Guitton, also spelled Duquesne Guiton (1648 d. 1724 in Rochefort), was a French naval commander. In 1687 he sailed from the Cape of Good Hope in the L Oiseau , with a French… …   Wikipedia

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  • Duquesne class cruiser — Duquesne in her 1939 configuration Class overview Name: Duquesne Preceded by: Duguay Trouin class …   Wikipedia

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