Bupalus

Bupalus

Boupalos

Boupalos (en grec ancien Βοὐπαλος / Boúpalos, en latin Bupalus) est un sculpteur et architecte grec antique de l'époque archaïque. Il appartient à l'école de Chios, pionnière de la sculpture sur marbre[1]. Il est connu principalement pour sa querelle avec le poète satirique Hipponax, qui devint proverbiale chez les auteurs antiques.

Sommaire

Biographie

Boupalos naît dans l'île de Chios dans une famille de sculpteurs[2]. Selon Pline l'Ancien, son arrière-grand-père, Mélas, son grand-père Micciadès, et son père Achermos exerçaient déjà cet art, de même que son frère Athénis[2]. Pline fonde probablement son affirmation sur la base inscrite d'une statue retrouvée à Délos, datée de 560-550 av. J.-C. environ, qui mentionne Micciadès, son fils Achermos et fait de Chios la « ville ancestrale de Mélas »[3]. En fait, Mélas n'est pas cité comme sculpteur : il s'agit en réalité du fondateur mythique de Chios[4]. Suivant la manière dont on reconstruit l'inscription, Micciadès peut être le dédicant de la sculpture tout autant que son auteur ; l'incertitude est la même pour la base inscrite d'une statue dédiée à Apollon sur une inscription très mutilée de Paros[5],[4]. Certains auteurs préfèrent donc considérer que la vocation artistique de la famille commence avec Achermos. Pline indique que Boupalos et Athénis atteignent leur apogée lors de la 60e olympiade, c'est-à-dire vers 532 av. J.-C., et qu'ils sont les contemporains du poète satirique Hipponax[2].

La querelle d'Hipponax avec Athénis et surtout Boupalos est bien connue sous l'Antiquité. Aristophane y fait allusion dans sa comédie Lysistrata, où le chœur des hommes s'exclame, à propos du chœur des femmes : « Si elles s'étaient pris deux ou trois coups de poing dans les dents, comme Boupalos, elles la fermeraient définitivement[6] » Un distique d'Hipponax, en particulier, devient proverbial : « Tiens mon manteau, je vais lui en balancer une dans l'œil[7]. » Aristophane y fait plusieurs allusions dans son œuvre en présentant des personnages se déshabillant pour se préparer à l'action : dans les Thesmophories, l'une des protagonistes, s'écrie en pleine bagarre : « Prends mon manteau, Philista ![8],[9] » Horace y fait également allusion dans la sixième de ses épodes, intitulée « Contre un poète médisant » :

« Prends garde, prends garde, car je suis très rude

et prêt à frapper les mauvais de la corne,
comme le gendre offensé de Lycambès,

ou le terrible ennemi de Bupalus[10]. »

Pline rapporte ainsi le motif de la querelle :

« Hipponax ayant un visage d'une laideur reconnue, les sculpteurs avaient exposé, par goût de la plaisanterie, son portrait devant des cercles de rieurs ; Hipponax, indigné, déchaîna tant l'amertume de ses vers qu'on a pu croire qu'il les avait poussés à se pendre[2]. »

Acron, l'un des commentateurs d'Horace, fournit ici l'explication de Pline et en cite une autre : Hipponax aurait demandé la fille de Boupalos en mariage, et aurait été rejeté pour sa laideur[11].

Il s'agit en réalité d'un véritable lieu commun dans la carrière des poètes iambiques : une anecdote similaire porte sur Archiloque de Paros et son ennemi Lycambe[12] ou encore sur Sémonide d'Amorgos et son ennemi Orodoecide[13]. Il semble d'ailleurs que Lycambe et Orodoecide soient des personnages imaginaires. On aurait également pu le croire de Boupalos et Archémis, si leur existence réelle n'était pas attestée par ailleurs. En tout état de cause, Pline indique que les deux sculpteurs poursuivent en fait leur carrière sans encombre[2].

On a suggéré que Boupalos était devenu la tête de Turc d'Hipponax, en raison de la singularité de son nom : il n'est porté par aucune autre personne dans les sources existantes[14]. À l'oreille, le nom peut apparaître comme la combinaison de βου / bou, le bœuf, et παλος / palos (= φαλλός / phallós) — l'équivalent de « pine de taureau » ou de « grosse bite »[15]. De fait, Hipponax met fréquemment en scène son ennemi dans des situations obscènes, où il apparaît comme un dépravé. Il est possible que ses railleries ne s'adressent pas à Boupalos, le sculpteur, mais à un personnage imaginaire auquel Hipponax aurait donné le nom d'un personnage historique[16].

Œuvre

Restitution du décor polychrome de la frise du trésor de Siphnos, dont la partie Nord pourrait comporter la signature de Boupalos

Les Anciens lui attribuent :

  • une statue d'Artémis à Iasos, en Carie[2] ;
  • une autre Artémis à Chios, dont Pline note que le visage paraît triste quand on s'en approche et riant quand on s'en éloigne[2] — peut-être l'effet d'un sourire archaïque vu par le bas quand on est près et de face quand on est loin[17] ;
  • une statue de Tyché (la Fortune) coiffée d'un polos et tenant une corne d'abondance, à Smyrne, dont Pausanias précise qu'elle est la première du genre[18] ;
  • un groupe des Charites nues, en or, dans le temple de Némésis (la Vengeance) à Smyrne, ainsi que dans la chambre d'Attale à Pergame — peut-être s'agit-il de l'œuvre originale déplacée par la suite[19].

L'existence à la période archaïque d'une statue de Tyché, figure qui sans cela n'a pas de représentation attestée avant le IVe siècle av. J.-C., a paru douteuse à certains spécialistes modernes, qui ont postulé l'existence d'un autre Boupalos, vivant à l'époque hellénistique[20]. L'hypothèse a été critiquée[21] et l'on préfère considérer aujourd'hui que Pausanias a vu en réalité une œuvre hellénistique archaïsante[22].

Pline indique que Boupalos et son frère sont les auteurs de nombreuses statues vendues dans les îles voisines, notamment Délos, auxquelles ils ajoutent une épigramme selon laquelle « Chios n'était pas célèbre seulement par ses vignes, mais par les œuvres des fils d'Achermos[2] ». Toujours selon lui, certaines des œuvres de Boupalos ont été transportées à Rome par Auguste et placées sur le couronnement du temple d'Apollon au Palatin ainsi que dans « presque tous ceux que fit construire le divin Auguste[2] ». Cette précision est considérée avec scepticisme par les historiens modernes, compte-tenu du peu d'attrait exercé sur les Romains par la sculpture grecque archaïque : on a soupçonné Pline d'avoir voulu illustrer son propos en attribuant à Boupalos des statues grecques anonymes présentes à Rome[23].

Rien n'a été conservé de son œuvre sculptée, si ce n'est peut-être un morceau d'une représentation du Palladion retrouvée sur le Palatin[24]. On a également proposé de lire la signature de Boupalos sur la frise Nord du trésor de Siphnos à Delphes[25]. La signature « œuvre de Boupalos » que l'on trouve sur une base est un faux d'époque romaine[26].

Parallèlement à la sculpture, Pausanias note que Boupalos était renommé pour son habileté « à construire des temples et à modeler les animaux[18]. » Aucune trace de ces deux activités n'est préservée de manière certaine. Pour sa part, Acron considère Boupalos comme un peintre originaire de Clazomènes et non comme un sculpteur ; cette activité de peinture n'est pas attestée par ailleurs.

Notes et références

  1. Muller-Dufeu, p. 123.
  2. a , b , c , d , e , f , g , h  et i Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne], XXXVI, 11-13. Extrait de la traduction de Marion Muller-Dufeu.
  3. I. Délos, 9 = Muller-Dufeu, no 340.
  4. a  et b John Griffiths Pedley, AJA 86/2 (avril 1982), p. 188 [183-191].
  5. IG XII 5, 147 = Muller-Dufeu no348.
  6. « εἰ νὴ Δἴ ἤδη τὰς γνάθους τούτων τις ἢ δὶς ἢ τρὶς ἔκοψεν ὥσπερ Βουπάλου, φωνὴν ἂν οὐκ ἂν εἶχον. », Lysistrata, 360-361. Extrait de la traduction de Laetitia Bianchi et Raphaël Meltz légèrement modifiée.
  7. « λάϐετέ μευ ταιμάτια, κόψω Βουπάλου τόν ὀφταλμόν », frag. 70 Diehl.
  8.  »Thesmophories, 656. Extrait de la traduction de Victor-Henry Debidour légèrement modifiée.
  9. Cité par Howard M. Jackson, « Why the Youth Shed His Cloak and Fled Naked: The Meaning and Purpose of Mark 14:51-52 », Journal of Biblical Literature, vol. 116, no2 (été 1997), p. 281, note 21 [273-289].
  10. Horace, Épodes [lire en ligne] (VI, 11-14). Extrait de la traduction de Leconte de Lisle.
  11. Muller-Dufeu, no 346.
  12. Voir par exemple Horace, Épîtres, I, 19, 30 ; Ovide, Ibis, 54 ou encore l'épitaphe de Gétulicus pour Archiloque = Anthologie palatine, VII, 71.
  13. Lucien de Samosate, Pseudologiste [lire en ligne], 2.
  14. Rosen, p. 32.
  15. Rosen, p. 32.
  16. Rosen, p. 41.
  17. Boardman, p. 88.
  18. a  et b Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 30, 6.
  19. Muller-Dufeu, no 342 et n. 7 ; voir I. Pergamon, 46, sur ce qui est peut-être la base du groupe statuaire.
  20. R. Heidenreich, « Bupalos und Pergamon », Archäolögischer Anzeiger 50 (1935), p. 668–701.
  21. A. Rumpf, « “Zu Bupalos und Athenis » Archäolögischer Anzeiger (1936) 51, p. 52–64.
  22. LIMC VIII, 1 s.v. Tyche, 124.
  23. Kenneth Sheedy, « The Delian Nike and the Search for Chian Sculpture », AJA, 89/4 (octobre 1985), p. 625 [619-626].
  24. Paul Zanker, The power of images in the Age of Augustus, University of Michigan Press, 1988, p. 242, fig. 288.
  25. D. Viviers, « Le bouclier signé du Trésor de Siphnos à Delphes: 'Régions stylistiques' et ateliers itinérants ou la sculpture archaïque face aux lois du marché », dans Chr. Müller et Fr. Prost (éd.), Identités et cultures dans le Monde méditerranéen antique, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 53-85.
  26. Muller-Dufeu no 347 = CIG 6141.

Bibliographie

  • John Boardman (trad. Lucie Marignac), La Sculpture grecque archaïque [« Greek Sculpture: the Archaic Period »], Thames & Hudson, coll. « L'Univers de l'art », Paris, 1994 (1re édition 1978, révisée en 1991) (ISBN 2-87811-076-5) , p. 71 et 88.
  • Marion Muller-Dufeu, La Sculpture grecque. Sources littéraires et épigraphiques, éditions de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, coll. « Beaux-Arts histoire », Paris, 2002 (ISBN 2-84056-087-9) , nos 336 à 348.
  • (en) Ralph M. Rosen, « Hipponax, Boupalos, and the Conventions of the Psogos », Transactions of the American Philological Association, vol. 118 (1988), p. 29-41.
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