Historiographie du régime de Vichy

Historiographie du régime de Vichy

L'historiographie du régime de Vichy, c'est-à-dire la manière dont les historiens et chercheurs en sciences humaines analysent le régime de l'Etat français (qui gouverne de facto le territoire metropolitain de juin 1940 à août 1944), a été l'un des sujets les plus débattus de la recherche historique française au cours des années 1980 et 1990.

Sommaire

Les grandes étapes de l'historiographie

L'historiographie de régime de Vichy peut être divisée en trois grandes étapes.

La première phase (années 1950-1960)

Cette phase est marquée par les travaux de l'essaiste et académicien Robert Aron (Histoire de Vichy, 1954), qui s'attache particulièrement aux relations de Vichy avec l'Allemagne, et du sociologue et géographe André Siegfried (De la IIIème à IVème République, 1956), plus attaché au fonctionnement interne du régime. Avec le recul du temps, sa caractéristique principale paraît être de distinguer entre un "bon Vichy", dominé par la figure du maréchal Pétain (1940-1942) et qui aurait joué une sorte de double jeu face à l'Allemagne, et un "mauvais Vichy", dominé par la figure de Pierre Laval (1942-1944), pleinement collaborationniste.

Robert Aron, comme nombre de ses contemporains, s'était surtout basé sur les abondantes archives juridiques des procès de la Libération, omettant cependant de signaler ce que les témoignages à charge ou à décharge pouvaient avoir de partiaux dans un tel contexte[réf. nécessaire].

Dans tous les cas, cette production s'inscrit dans une époque où domine le "mythe résistantialiste" qui faisait de la collboration l'affaire d'une minorité dans une France majoritairement résistante, sinon en acte du moins en pensées.

La recherche des responsabilités de l'Etat français (années 1970-1980)

L'ouvrage majeur de l'historien américain Robert Paxton (université de Columbia, New York) (La France de Vichy, USA, 1972 et France, 1973) basé notamment sur les archives allemandes, ainsi que la diffusion du film Le chagrin et la pitié, 1969) vont révéler à la société française, qui tourne avec la mort de Charles de Gaulle (1970) la page du gaullisme historique un autre visage du régime de Vichy.

La question de la collaboration

L'ouvrage de Paxton, qui se veut une réponse à l'ouvrage fondateur mais incomplet de Robert Aron, révèle que le régime de Vichy a dès le début recherché le collaboration avec l'Allemagne nazie et que la politique antisémite de l'Etat français n'a pas été imposée par l'Allemagne, mais a été voulue en pleine autonomie par l'Etat français.

Commence alors une phase d'introspection collective qui mènera notamment à la reconnaissance en 1995 par le président de la République Jacques Chirac de la responsabilité de l'Etat de la France dans la génocide de juifs de France (Discours de Jacques Chirac du 16 juillet 1995 au Vélodrome d'Hiver).

La question de la nature du régime: un fascisme français ?

Plus accessoirement, Paxton accorde ainsi une consistance au projet de société de l'Etat français (la "Révolution nationale" et les réformes entreprises dans ou hors de ce cadre), ce qui constituera également un domaine de recherche fécond pour les historiens des décennies suivantes.

Les recherches sur la nature du régime ont également été relancées et approfondies par le professeur de sciences politiques franco-américain Stanley Hoffmann (université Harvard) (Essai sur la France, Déclin ou Renouveau, 1974). Il analyse le régime de Vichy comme une dictature pluraliste, une expression qui sera largement reprise par la suite.

De là, sont nés les riches débats sur la nature fasciste ou non du régime de Vichy. Les analyses plus larges de l'historien franco_israélien Zeev Sternhell (université de Jérusalem) sur les origines de fascisme l'ont mené à défendre l'idée que l'idéologie fasciste - ou du moins une idéologie fasciste - est née en France d'une réaction antilibérale et antirationaliste. Son interprétation large du fascisme français l'amène de facto à inclure des éléments du régime de Vichy, même si celui-ci n'a pas directement été son objet d'étude.

Les thèses de Zeev Sternhell ont été critiquées par l'"Ecole française", composée notamment de l'historien René Rémond (FNSP), Serge Berstein (IEP de Paris), Alain-Gérard Slama (IEP de Paris) qui estiment que la culture républicaine était trop profondémment intégrée dans la société française pour que celle-ci ne fût pas immunisée (sauf des minorités) par le fascisme.

Dans une perspective communiste, les historiens Robert Bourderon (Le régime de Vichy était-il fasciste ? in Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, juillet 1973) et Germaine Willard (Histoire de la France contemporaine, tome IV, Editions sociales, 1980) estiment que le régime de Vichy était, à l'instar des autres régimes fascistes, une adaptation du grand capital.

L'historien Yves Durand parle d'une évolution de Vichy vers le fascisme après que le poids des éléments conservateurs ait été prédominant au début du régime (La France dans la Deuxième Guerre mondiale, 1939-1945, Paris, Armand Colin, 1989).

Dans ce sens vont également :

  • l'historien Denis Peschanski (CNRS), qui insiste sur les tentatives fascistes de Vichy (Vichy au singulier, Vichy au pluriel. Une tentative avortée d’encadrement de la société. 1941-1942), in Annales : économies, sociétés, civilisations, n°43, 1988, pages 639-662).
  • l'historien Pierre Milza (IEP de Paris), qui parle de "dérive totalitaire" et de "fascisation" du régime à partir de 1942 (Les fascismes, 1985).

L'historien suisse Philippe Burrin (Institut universitaire de hautes études internationales (HEI) de Genève) nie à Vichy le qualificatif de fasciste en raison des éléments qu'il juge consubstentiels au fascisme : le projet de conquête, l'épreuve de la guerre (Fascisme, nazisme, autoritarisme, Points Seuil, Histoire, 2000).

Les études thématiques (années 1990-2000)

Les années 1990 et 2000 ont été marquées par la multiplication des études thématiques et sectorielles sur les divers aspects de la société française sous le régime de Vichy : l'étude des corps de l'Etat (police, magistrature, fonctionnaires en général), l'étude des politiques sectorielles de l'Etat français (politique de la jeunesse, projet culturel, politique sociale, etc.), l'étude de la société civile (les entreprises sous l'occupation, etc.).

Ces études, basées notamment sur des archives privées et en tout cas inexploitées, ont permis de considérablement préciser la vie et les évolution qui ont eu lieu sous le régime de Vichy. Dans un contexte de "repentance" et de transparence, mais aussi parce que les années avaient passé, les institutions publiques ou privées ont allégé leur réflexe traditionnel de défense corporatiste et ouvert progressivement leurs archives, quitte à révéler des éléments noirs de leur histoire. l'introspection du fonctionnement de l'administration française a également été poussée par le procès Papon en 1997.

Ces études ont précisé plusieurs éléments sur la collaboration et les crimes du régime de Vichy.

Ces études ont également posé la question de la continuité du régime de Vichy avec le régime précédent comme avec les régimes suivants en matière de continuité administrative, de montée du pouvoir technicien, de contrôle de l'État sur la société, de développement du salaire social à côté des revenus du travail, etc.

Parmi les principales études thématiques sur l'État, l'administration et les fonctionnaires :

  • hauts fonctionnaires : François Bloch-Lainé, Claude Gruson, Hauts fonctionnaires sous l’Occupation, Paris, Editions Odile Jacob, 1996.
  • fonctionnaire : Marc Olivier Baruch, Servir l'État français. L'administration en France de 1940 à 1944, Paris, Fayard, 1997.
  • fonctionnaires : Vincent Duclert (dir.), Serviteurs de l’Etat français, une histoire politique de l’administration 1875-1945, Paris, La Découverte, 2000.
  • direction du budget : La direction du Budget entre doctrines et réalité, 1919-1944, Paris, CHEFF, 2001.
  • Juristes : Michèle Cointet, Les juristes sous l’Occupation : la tentation du pétainisme et le choix de la Résistance, in André Gueslin, Les facs sous Vichy, Actes du colloque, Clermont-Ferrand, Institut d’études du Massif Central, 1994, pages 51-64.
  • Justice : Alain Bancaud, Vichy et la tradition de l’étatisation de la justice : histoire d’un demi-succès, in Serviteurs de l'Etat, etc., 2000.
  • Armée : Robert Paxton, L’armée de Vichy, Le Corps des officiers français, 1966, édité en France par Tallandier en 2004.
  • Police : Maurice Rajsfus, La police de Vichy, Ed. Le cherche-midi, 1995.
  • Police : Jean-Marc Berlière (avec Laurent Chabrun), Les policiers français sous l’Occupation, Perrin, 2009.
  • Ecoles : Jean-Michel Barreau, Vichy contre l'école de la République, Flammarion, 2001.
  • Université : Claude Singer, Vichy, l’Université et les Juifs, 1992, Paris, Hachette Pluriel, 1996.
  • Université de droit: Axel Metzker, "La doctrine juridique de professeurs de droit face à la qualification juive issue du statut des Juifs et de la thèse d'André Broc : de la théorie juridique à la pratique criminelle antisémite sous le régime de Vichy (1940-1944)". (3135 pages, 6 tomes, 2005)
  • Ecole polytechnique : Vincent Guigueno et Marc Olivier Baruch, Le choix des X : l'École polytechnique et les polytechniciens 1939-1945, Fayard, 2000.
  • SNCF : Christian Bachelier, La SNCF sous l’Occupation allemande 1940-1944, rapport documentaire, 5 volumes, Paris IHTP-1996.


Parmi les principales études sur les politiques de Vichy :

  • Wilfred Douglas Halls, Les jeunes et la politique de Vichy, Angleterre, 1981 et Syros, 1988.
  • Christian Faure, Le Projet culturel de Vichy, folklore et révolution nationale (1940-1944), Presses universitaires de Lyon, 1989.
  • Philippe-Jean Hesse et Jean-Pierre Le Crom, La Protection Sociale Sous Le Regime De Vichy, P.U. de Rennes, 2003.


Sur les autres acteurs de la société :

  • Claire Andrieu, La Banque sous l’Occupation. Paradoxes de l’histoire d’une profession, Paris, Presses de la FNSP, 1990.
  • Olivier Dard, Jean-Claude Daumas, François Marcot (dir.), L’Occupation, l’Etat français et les entreprises, Actes du colloque organisé à Besançon, Paris ADHE, 2000.
  • Nicolas Chevassus-Au-Louis, Savants sous l’Occupation, enquête sur la vie scientifique française entre 1940 et 1944, Paris, Seuil, 2004.

Les grands thèmes

La collaboration

(..)

La politique antisémite

(...)

L'Etat et les politiques : continuité ou rupture ?

(...)


Notes et références

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Ouvrages de référence sur Vichy

Ouvrages d'historiographie

  • Henry Rousso, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Seuil, 1987 et 1990.
  • Jean-Pierre Azema, Vichy et la mémoire savante : quarante-cinq ans d'historiographie, in Azéma et Bédarida, Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1992.
  • Eric Conan et Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Historiographie du régime de Vichy de Wikipédia en français (auteurs)

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