Élisabeth Vailland

Élisabeth Vailland
Élisabeth Vailland
Activités comédienne, résistante, écrivain
Naissance octobre 1916
Bologne (Italie)
Décès 23 août 1983
Meillonnas Ain (France)
Genres chronique
Œuvres principales

Élisabeth Vailland est née à Bologne en Italie en 1916 et décédée le 23 août 1983 à l'âge de soixante-sept ans, à Meillonnas dans l'Ain, où elle vivait depuis 1954 avec son mari l'écrivain Roger Vailland.

Sommaire

La période italienne

Vue de Bologne

Élisabeth Vailland est au carrefour de trois cultures : russe, française et italienne.

Elle est juive russe par sa famille maternelle. Sa mère Moussia quitte la Russie après la révolution manquée de 1905 dans laquelle elle était compromise, débarque en Italie et y épouse Filippo Naldi. Ils ont trois enfants, Gricha, Giovanna et Élisabeth, la cadette. Filippo Naldi, avocat de formation, devient directeur du journal Il Tempo. Monarchiste libéral, antifasciste, il est emprisonné par les autorités mussoliniennes. La famille quitte Rome pour Florence. Sorti de prison, Filippo Naldi disparaît en France.

En 1932, la famille le rejoint. Élisabeth suit les cours de théâtre de Gaston Baty. Elle a des rapports difficiles avec son père et retourne seule en Italie en 1938. La même année, alors qu'elle commence une carrière de comédienne à Rome, elle épouse un jeune metteur en scène italien. Elle passe du théâtre à la Résistance aux côtés de la gauche chrétienne et des communistes, elle devient courrier. Sa sœur et sa mère la rejoignent et entrent elles aussi dans la Résistance. Filippo Naldi rentre en Italie à son tour en 1943 et forme le premier gouvernement libre avec le roi d'Italie. Il en est le premier ministre. Ce gouvernement d'union (monarchistes, communistes, socialistes) ne gouvernera jamais. En 1943, Élisabeth quitte son mari et vit avec Roman Vlad, réfugié roumain, qui allait devenir compositeur et connaître la célébrité en tant que musicologue. Ils se marient en 1947. En 1949, ils sont à Paris: Roman Vlad compose la musique de La Beauté du diable, un film de René Clément.

Élisabeth et Roger

Élisabeth rencontre Roger Vailland le 3 novembre 1949 chez leur amie commune Gala Barbizan, intellectuelle russe qui allait fonder en 1958 le prix Médicis.

Roger Vailland a quarante-deux ans. Il sort d'un amour malheureux avec Andrée Blavette, dite Boule, dont il divorcera en 1954. Commence une vie compliquée: Vailland est grand reporter et voyage au loin, Élisabeth ne peut divorcer puisque le divorce est illégal en Italie - la seule solution est de faire déclarer nul par le Vatican son mariage avec Roman Vlad. Élisabeth et Roger s'écrivent quotidiennement et se rejoignent souvent à Paris ou en Italie, comme à Capri chez Curzio Malaparte, dans la villa où Jean-Luc Godard tournera plus tard son film Le mépris. Roger veut rompre avec sa vie dissipée et devenir un écrivain. En 1951, il décide donc de quitter Paris et de s'installer avec Élisabeth aux Allymes, dans l'Ain, dans une petite maison prêtée par un ami.

Le château des Allymes

Ils vivent dans la plus grande simplicité en compagnie des paysans du hameau et vont souvent retrouver les ouvriers de la vallée de l'Albarine[1] ou les cheminots d'Ambérieu-en-Bugey. Ils militent tous deux au Parti communiste français.

Au début de leur vie commune, Vailland, en reportage, écrit à Élisabeth : « Mes conditions personnelles de bonheur sont tellement simples : toi près de moi, notre vie réglée des Allymes, écrire, et de temps en temps une nuit passée à boire et à converser avec des êtres jeunes et bienveillants. »

De lui, elle dira dans son autobiographie Drôle de vie : « J'étais sa compagne, son amie, sa confidente, celle à qui on dit tout, celle avec qui on peut souffrir, jouer dans un certain sens.[...] Je crois que j'étais son port de sauvegarde. Et j'acceptais son égoïsme sur lequel, dans une certaine mesure, je fondais mon bonheur. »

En 1954, ils se marient et s'installent à Meillonnas, un village de l'Ain, dans le Revermont à une vingtaine de kilomètres de Bourg-en-Bresse.

Un couple souverain

Franck Delorieux, dans son essai Roger Vailland libertinage et lutte des classes, écrit:
« Vailland l'épouse parce qu'elle est souveraine; elle est souveraine, donc elle accepte Vailland. » Élisabeth elle-même écrit dans
Un homme frivole[2] : « Je ne t'ai jamais appelé "mon mari" - l'expression me faisait rire. Quand je parlais de toi aux gens du village, je disais "Roger" et "Monsieur Roger". Tu en étais heureux. Et moi aussi. C'était mon respect de ta souveraineté. Et de la mienne. C'était aussi une attitude politique. [...] Aux Allymes déjà, le soir après ton travail, quand tu te baignais dans ton 'tub' -la baignoire de Marat comme tu disais- tu me parlais de souveraineté et tu l'entendais en tant que politique. "Tu comprends, Élisabeth, quand le monde sera enfin au stade du communisme, l'homme sera tellement en possession de lui-même qu'il sera libertin, apte à tous les plaisirs, c'est-à-dire souverain." »
Et Marie-Noël Rio conclut[3] : « Dans libertin, il y a libre : Élisabeth l'était. »

Roger Vailland au jour le jour

Élisabeth Vailland, interviewée par Max Chaleil, évoque ses souvenirs et sa vie avec Roger Vailland (Entretiens, Éditions Subervie, 1970)

Pourquoi les Écrits intimes ?

Pour Élisabeth Vailland, la décision de publier les Écrits intimes, c'est d'abord répondre aux nombreuses sollicitations dont elle était l'objet après la mort de Roger (beaucoup de gens venaient la voir à Meillonnas pour parler de Roger, pour l'interviewer) et c'est aussi pour lui être fidèle, pour respecter ses écrits en publiant l'intégralité des textes. « Entre certains êtres, on ne peut pas tricher » précise-t-elle. Il ne savait pas encore quelle forme prendrait ses documents, ce journal qu'il tint par intermittence, ces lettres de Capri, de Moscou, d'Élisabeth qu'il avait conservées et scrupuleusement classées.

Chaque jour était une merveille
La maison de Meillonnas

« Vivre avec Roger, c'était avoir du courage » précise-t-elle, pour vivre son impatience et en même temps son désespoir et son bonheur excessif. Un homme complexe où la facilité est bannie, ce que finalement elle aime aussi en lui. « Il portait une grande fragilité, » vivre à ses côtés était pour elle synonyme de fantaisie, d'invention, une très grande complicité doublée d'ajustements permanents, une vie contrastée d'un couple intégré à la vie du village qui pouvait aussi partir pour des virées parisiennes qu'il appelait « les ballets nocturnes. » La souveraineté -ce mot qu'il affectionnait- commençait par la liberté dans le couple, des moments d'étroites relations mais aussi d'autres moments de retraits, d'indépendance. (voir ci-dessus le témoignage de Franck Delorieux)

Ils se sont rencontrés en 1949 à l'époque où Roger habitait Sceaux et écrivait Bon pied, bon œil, emballé par son héros Rodrigue érigé en modèle, communiste jeune et dynamique. Il mène une vie bohème. L'année suivante, ils partent en Italie, Rome[4] et Capri chez l'ami Malaparte. Il repart ensuite pour un nouveau voyage en Indonésie[5] et ce n'est qu'à son retour qu'ils vivront ensemble. Vailland en a marre de cette vie, de Paris et du milieu qu'il fréquente. Ils partent alors s'installer dans une maison sans confort aux Allymes, un hameau d'Ambérieu-en-Bugey dans le département de l'Ain.

Là-bas, ils vont mener tous les deux une vie de militants communistes avec leur ami le député communiste Henri Bourbon et nouer des liens étroits avec les cheminots d'Ambérieu ou les ouvriers des filatures de la vallée de l'Albarine[6]. Malgré l'inconfort, ils diront tous les deux que ce fut sans aucun doute « la plus belle saison de leur vie. »

Sa conception du couple, Roger la définit pour Élisabeth : « Le péril pour un couple qui fait vie commune, c'est qu'il y ait union et non réunion. » Et Élisabeth d'ajouter : « Ne jamais confondre sentiment et plaisir. » Elle trouvait extraordinaire qu'il ne se fût pas lasser d'elle, que la pression des habitudes quotidiennes n'ait pas tué l'émerveillement de chaque matin. À Meillonnas, ils marchaient beaucoup dans la montagne du Revermont, « Roger s'occupait du jardin : il greffait les arbres, les taillait... » Il est mort « heureux » comme elle l'a dit, en tout cas consolé de ne pas être gâteux, ne hantise pour lui.

Après la mort de Roger, elle recevra ce témoignage d'amitié qui commence ainsi :

Je me sens si loin de ton malheur                 Dès mon retour, j'irai à Meillonnas,
Sur cette île de l'océan Indien                       M'épancher auprès de toi Lisina
Où j'ai placé mes pas dans les siens            Retrouver enfin ton rire enjoué,
Où je ne suis que boule de douleur.              Partager un moment d'intimité.

Après la mort de Roger Vailland

« Mon amour, comme je suis heureux » : tels sont les derniers mots que Roger Vailland, atteint d’un cancer généralisé, murmure à sa femme Élisabeth. Après sa mort, survenue le 12 mai 1965, celle-ci décide de reste dans leur maison de Meillonnas.

Jane Fonda en 1968

Elle commence une nouvelle vie, agacée quand on l'appelle la veuve de Roger Vailland. Elle voyage :

- En 1969, elle donne en Algérie une série de conférences sur l'œuvre de Roger Vailland avec Maurice Garrel et Henri Poncet  ;

- En 1972, elle rejoint son amie Jane Fonda aux États-Unis. Jane Fonda milite dans le 'Mouvement pour la paix' et lutte contre la guerre au Viet-Nam. Ensemble, elles sillonnent les États-Unis. Élisabeth Vailland relate ce parcours dans son livre Voyage dans l'Amérique de gauche.

Surtout, elle travaille à garder vivante l'œuvre de son mari. En 1968, elle fait publier aux éditions Gallimard sa sélection des lettres et journaux intimes de Roger Vailland, sous le titre Écrits intimes, dont elle confie l'édition à Jean Recanatti. En 1973, avec René Ballet, elle publie Roger Vailland, une biographie et un choix de textes, dans la collection "Écrivains d'hier et d'aujourd'hui" aux éditions Seghers. Elle confie en outre à René Ballet l'édition des écrits journalistiques de Roger Vailland, publiés en deux tomes en 1984 aux éditions Sociales : Chronique des années folles à la Libération : 1928-1945 et Chronique d’Hiroshima à Goldfinger : 1945-1965. Elle meurt à Meillonas le 23 août 1982, sans avoir vu la publication de ses souvenirs, Drôle de vie, Une passion avec Roger Vailland, écrits en collaboration avec son ami Philippe Garbit (Éditions Jean-Claude Lattès, 1984, réédition 2007). Ses propres écrits intimes ont été détruits par René Ballet, à qui elle les avait légués. Elle a fait de son amie Marie-Noël Rio sa légataire universelle et son exécutrice testamentaire, lui confiant le droit moral sur l'œuvre de l'écrivain et le soin de créer à la médiathèque de Bourg-en-Bresse un fonds Roger Vailland, comprenant l'ensemble de ses manuscrits et de sa bibliothèque. La médiathèque prend alors le nom de Médiathèque Élisabeth et Roger Vailland.

Notes et références

  1. voir le roman de Roger Vailland Beau Masque
  2. Voir la biographie sur Roger Vailland qu'elle écrivit avec René Ballet
  3. Voir Marie-Noël Rio L'engagement d'Élisabeth, Les Lettres françaises, 2005
  4. À Rome, il est en reportage pour les journaux Action et Tribune de la Nation
  5. Voyage où avec les nombreuses lettres envoyées à Élisabeth, il bâtira un récit de voyage : Boroboudour
  6. De ces expériences naîtront en particulier deux des romans les plus connus de Vailland, Beau Masque et 325.000 francs

Bibliographie

Médiathèque Élisabeth et Roger Vailland à Bourg-en-Bresse
  • Voyage dans l'Amérique de gauche, par Élisabeth Vailland, Éditions Fayard, 1972
  • Drôle de vie, son autobiographie, écrite en collaboration avec Philippe Garbit (JC Lattès, 1984), rééditée en 2007 avec une nouvelle préface.
  • Roger Vailland, par Élisabeth Vailland et René Ballet, Éditions Seghers, collection Écrivains d'hier et d'aujourd'hui, 1973
  • Roger Vailland, Entretiens, Roger Vailland n°29, dirigé par Max Chaleil : article d'Élisabeth Vailland, Rodez, Éditions Subervie, 1970
  • Christiane, scénario inédit de Jean Mailland d'après un récit Élisabeth Vailland, publié dans Les Lettres françaises.
  • Entretien d'Élisabeth Vailland avec Guy Lacour, Revue Révolution n°186

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