Watringue

Watringue
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Modèle de petits watergang, de la taille d'un fossé, mais dont le profil évasé permet d'augmenter la contenance et le débit au fur et à mesure de la montée de l'eau; l'enherbement le protège de l'érosion et la pente relativement douce rend visible les rats musqués aux prédateurs ou piégeurs

Mot masculin ou féminin, provenant du néerlandais wateringen, lui-même issu du mot water (eau).

Il est utilisé pour décrire le réseau des fossés et ouvrage de drainage à vocation de dessèchement de bas-marais, de zones humides ou inondables situées en plaines maritimes sous le niveau des hautes mer (polders).

Le mot qui s'écrit aussi Wateringue, est synonyme de Watergang. L'eau y est prélevée pour être renvoyée vers la mer, soit à marée basse quand les écluses s'ouvrent, soit par des moulins à vent qui la relèvent (Pays-Bas et Flandre autrefois) ou plus généralement aujourd'hui par des pompes électriques.

Le mot est utilisé en région Nord-Pas-de-Calais (Nord de la France), en Belgique et aux Pays-Bas.

Par métonymie, le mot décrit aussi l'association (parfois obligatoire) des propriétaires qui financent en commun les travaux d'entretien et de fonctionnement du réseau. Dans le Nord de la France le réseau est divisé en « sections de wateringues » dont les membres doivent entretenir leur réseau, avec l'aide de l'administration et de subvention de collectivités le cas échéant.

Sommaire

Histoire

L'histoire des wateringues est intimement liée à l'histoire des polders.

Époque romaine

Les Morins habitaient sur une bande marécageuse et couverte de forêt. Strabon nous indiquent qu'ils habitent « de petites iles et plaçaient leurs cabanes sur des éminences formées en quelques endroits par la nature et en d'autres par la main des hommes, et assez élevées pour que les marées ne puissent les atteindre ... ». Dans le même temps, il nous rapporte que « l'océan s'épanche deux fois par jour dans la plaine et fait douter si ces parages font bien partie de la terre ferme » [1]. Sans doute est ce à cause de ces conditions que les légions romaines de César eurent énormément de mal à conquérir ce peuple belliqueux. Même après la victoire, aucun travail d'endiguement n'a été entrepris. Seules quelques routes furent construites pour atteindre la mer à marée basse. Serait-ce aussi pour avoir une zone tampon entre les attaques frisonnes et saxonnes ? Leur occupation est attestée jusque le règne de Quintillus au vu des pièces retrouvées lors de fouilles. Leurs retraits a été commandés par deux évènements : la grande inondation du IVe siècle, les obligeant à reculer ; et l'invasion des Francs vers 420.

Transgression dunkerquienne

Celle-ci aurait eu lieu au IVe siècle d'après G. Delaine, car on ne trouve plus de trace de civilisation franque[2]. On peut donc penser que cette transgression eut lieu entre le règne de Quintillus et celui des Francs. Cette transgression va permettre de donner la tourbe et l'argile poldérienne, tout en lissant le paysage. Les fleuves, et l'Aa surtout s'écoulent alors par de nombreux ravinement, comblés par la suite. Ainsi l'Aa va se frayer des lits qui deviendront la Colme, canal de Bergues, ainsi que le Vliet, qui deviendra le canal de Bourbourg. Ces transgressions se poursuivent au cours des V, VIe et VIIe siècles. Le sol de la plaine maritime réapparaissent au-dessus du niveau de la mer qui baisse et des cordons dunaires se forment, ne laissant passer l'eau que pose des trouées. Peu à peu, l'eau, de par les marées, va recouvrir lentement les plaines. Il faudra attendre le XIIe siècle pour que la mer ne reste qu'aux abords de Dunkerque.

Christianisation du pays

Plusieurs tentatives seront effectuées. La première se fait au IVe siècle par deux prêtres de Rome mais ils furent chassés du pays. un siècle plus tard, Saint Victrice, soldat converti et évêque de Rouen, commence avec succès l'évangélisation mais les Francs réduisent à néant son œuvre. Il faudra attendre le VI et VII siècle pour que les institutions monastiques s'installent, dont la première à Thérouanne. Saint Omer, l'évêque de Thérouanne, dira de Sithiu (aujourd'hui la ville de Saint-Omer) « Basilica in insula Sithiu, ubi antéa monastérium », ce qui prouve l'insularité de Saint-Omer et que l'asséchement n'est pas encore commencé. Malgré tout, l'expansion du christianisme est rapide dans les Flandres grâce à saint Momelin, saint Bertin, ou encore saint Winoc. En fait, cette christianisation sera surtout dû à la faculté des moines de cultiver les terres marécageuses en les asséchant. Mais à chaque fois, cette progression des terres cultivables s'arrête à la limite du domaine. Les gens vont suivre ces préceptes et on s'arrange pour envoyer l'eau chez son voisin, occasionnant de nombreuses querelles.

Toutefois les inondations de l'Aa (eau douce) et les fortes marées (eau salées) ainsi que les invasions normandes empêchèrent l'agrandissement de ces domaines. Pendant tout ce temps, les cultures ne furent pratiquées que sur des hauteurs, sans doutes quelques cultures estivales voire épisodiques étaient pratiquées sur les terres les plus basses, recouvertes au gré des inondations.

Les comtes de Flandre

Bauduin Ier, dit « Bras de fer », hérite du comté de Flandre par mariage avec la fille de Charles le Chauve. Les invasions normandes font rages mais il faudra attendre 100 ans plus tard, au milieu du Xe siècle, pour que Baudouin III s'émeut des actes de barbarie et fortifie plusieurs bourgs dans lesquels les paysans viennent se réfugier. Le pouvoir central n'ayant aucune puissance pour maintenir l'ordre, les chefs militaires, gouverneurs et comtes lèvent des armées pour combattre les ennemis. Le chef militaire est appelé châtelain, commandant les forces des seigneurs voisins pour résister aux normands. Cette association donne naissance à la chatellenie, nom donné au pays dominé par le châtelain ainsi qu'à la confédération instituée sous ses ordres. Les châteaux et les places fortes sont ensuite entourés d'enceintes fortifiés pour les classes subalternes, places appelées bourg. La défaillance du pouvoir central va permettre aux châtelains et comte de mettre en place un système féodal. Vers le début du XIe siècle, alors que les invasions normandes ont cessé, le sol s'affaisse et laisse entrer l'eau de mer. La plaine est de nouveau inondée jusque Saint-Omer.

Ces inondations eurent pour effet de relever le niveau du sol par dépôts d'alluvions. Les gens reprennent leurs travaux d'endiguements et d'asséchements en envoyant l'eau par gravitation à la mer, ou alors dans les effondrements lorsque les terres sont plus basses que la mer, formant ainsi de grands lacs (les moëres) qui dégagent des odeurs pestilentielles et souvent causes d'épidémies.

Afin de stimuler les travaux de dessèchement du pays, les comtes de Flandre vont accorder aux institutions monastiques toutes les terres gagnées par eux sur la mer. La première charte accordant ce droit est celle de Baudouin de Lille, qui accorde à l'abbaye Saint-Winoc à Bergues « des dunes, des terres et des privilèges, avec le droit d'obtenir la propriété [...] sur les terrains gagnés sur les marais qu'elle pourrait transformer en terres arables ou productives ». Les successeurs, dont Robert de Flandre ou Charles le Bon accorderont les mêmes droits à d'autres abbayes.
Toutefois, alors que la plaine maritime s'assèchent rapidement, les nouveaux propriétaires, pressés d'obtenir de nouvelles terres, était peu regardant sur les moyens d'arriver à leur fin, coupant souvent le réseau d'écoulement du voisin. Des conflits survinrent.

Philippe d'Alsace

C'est ainsi que Philippe d'Alsace, comte de Flandre et de Vermandois se penche sur la situation. Il regarde le problème de façon générale, convaincu que les problèmes ne peuvent être résolus qu'à l'échelle de toute la plaine maritime. Son premier acte est de définir la Terra Nova comme « la terre qui a été soustraite de l'impétuosité des flots de la mer et des inondations, par l'homme et avec ses deniers ». En 1169, il fait don aux chanoines d'Aire, les terres situées entre Bergues et Watten, pour qu'elles soient asséchées. Les chanoines créent alors un canal de dessèchement entre digues, de Bergues à Watten, en utilisant une des branches de l'Aa. Le canal de la Colme vient de naître. Suite à quelques contestations de la validité des donations faites par les chartes des Comtes de Flandre, Philippe d'Alsace confirme ces privilèges. Enfin, et dans le but de garder ses terres sèches, il crée une organisation : les waeteringues.

Les waeteringues

Signification

Le mot Waeteringues semble venir de la contraction de deux mots : waeter = eau et ring = cercle.

Par analogie, certains en ont déduits que cela voulait dire canalisations ou marais. D'autres, par extension, utilisèrent le terme pour désigner aussi bien l'administration chargée du dessèchement et les canaux eux-mêmes, que l'on appelle aussi watergands.

Organisation

Au XIIe siècle, Philippe d'Alsace décide d'organiser le dessèchement sur tout le littoral en même temps. Dans ce cadre, il divise le territoire du littoral en waeteringues dont il confie l'administration aux abbés des quatre abbayes de Saint-Omer, Furnes, des Dunes et de Bergues, avec le titre de Opperwater-grafs, autrement dit comte supérieur des eaux. Ceux-ci confièrent leur responsabilité à trois assemblées, des « bancs », composés de baillis représentant les châtellenies, des échevins constituant le magistrat des villes et des {keures}, et enfin des hommes de fief, représentant les seigneurs du pays. Ces bancs avait la possibilité de nommer les Watergrafs (ou watergraves), comtes des eaux. Ces watergraves se réunissaient en assemblées ou collèges. Leurs rôles étaient d’arrêter les programmes de dessèchements, décidaient du tracé des nouveaux watergands et canaux à créer, traitaient de l'établissement des digues, chemins, et de leur conservation, fixaient les impôts, faisaient régner l'ordre à l'intérieur des Waeteringues en appliquant leur règlement de police et en rendant la justice. Ces collèges avaient des pouvoirs étendus, même le droit d'élever des digues s'il le faut, et le cas échéant suite au refus des tenanciers, d'imposer une amende. Toutefois les comtes gardent un certain contrôle de l'organisation, et si l'abbaye refusait d'effectuer des travaux jugés nécessaires, l'abbaye pouvait être obligée à payer la subvention que les waeteringues déclaraient par serment être nécessaire. D'autre part, ceux qui dégradaient ou rompaient les digues seraient soumis à la justice du comte, dont le bailli inspecte chaque année les digues et ouvrages nécessaires à l'écoulement des eaux. [3 - Charte du 7 septembre 1244, Jeanne, comtesse de Flandre].

La charte d'avril 1255 donne le droit au bailli, châtelain et watergraves de régler les eaux du moulin [...] pendant douze semaine « pour l'utilité publique ». En effet, de nombreux moulins parsemaient les canaux et altéraient l'écoulement des eaux en été. Ce droit d'eau était jusqu'à présent un droit inviolable consacré par de nombreuses chartes depuis l'époque mérovingienne. Cette mesure de la comtesse de Flandre été dure mais les avancées techniques ont permis de remplacer les moulins à eau par des moulins à vent importés d'Orient.

Cette dernière charte permit une véritable avancée dans l'asséchement des terres et la puissance des quatre abbés et de leurs watergrafs ne firent qu'augmenter. Les comtes de Flandre en prirent ombrage et, en 1292, pour sauvegarder leur influence sur le territoire, imposèrent des techniciens chargés de consulter les assemblées et coordonner les grands travaux, d'assurer leur exécution et de prendre en main la direction de ces administrations. Ils prirent le nom de moermaistre général de Flandre, soit gouverneur général des marais de Flandre. Les comtes augmentèrent les prérogatives de ces fonctionnaires aux dépens des collèges créés par les quatre abbés. Suite aux dérives de ces dits fonctionnaires, puis aux zèle des remplaçants, les seigneurs virent leurs attributions et privilèges menacés.

Robert de Cassel

Un de ces seigneurs, Robert de Cassel, comte de Marles, héritier de la seigneurie de Dunkerque, intenta un procès à Philippe de Bourgogne, Comte de Flandre devant le Parlement de Paris en 1403. Le 7 octobre, l'arrêt du Parlement réaffirmait que les waeteringues n'étaient pas des divisions administratives mais des divisions territoriales créées selon l'ordonnance de Philippe d'Alsace en 1169. Robert de Cassel est donc reconnu propriétaire légitime et les droits auxquels prétendait le Comte de Flandre, sur ces terres, autre que la suzeraineté, caducs.

Louis XIV

Louis XIV, après la conquête de la Flandre, s'immisça également dans l'organisation des waeteringues en remplaçant le moermaistre général par des Intendants de la Flandre maritime. Il faudra attendre la révolution pour que ceux-ci disparaissent définitivement, mais rapidement remplacés par les Ponts-et-Chaussées par un arrêté du conseil général du Pas-de-Calais du 28 février 1793.

Compléments

  • La première ordonnance connue concernant les wateringues daterait de 1169 (charte de Philippe d'Alsace, comte de Flandre et de Vermandois
  • Le dernier arrêt royal concernant le dessèchement par les wateringues date du 6 décembre 1789
  • en 1806, un décret impérial puis un autre le 28 mai 1809, puis une ordonnança royale en 1833 sont édités
  • en 1816 Le géographe et cartographe Louis Cordier a dressé une carte du département du nord et une carte de l'arrondissement de Dunkerque comprenant les 4 sections des "Wateringues, ou les mares françaises, en 1815 (par MM. Cordier et Bosquillon, ingénieurs)[3].
  • en 1852, Louis Devot peut estimer que « 30 mille hectares de terre d'une valeur de près de 100 000 000 de fr. se trouve protégée contre l'inondation, et elle est maintenant en état de culture ».

En réalité, la mer continue à menacer.
Par exemple, le 31 janvier 1953, une tempête balaie le Calaisis. Elle pousse la mer vers la côte. Une digue cède au lieu dit Maison Blanche près de Oye-Plage, en noyant 23 hectares de terre. Une autre brèche (de 15 mètres de large) est signalée entre Blériot-Plage et Sangatte, noyant la route nationale et les champs sous 40 centimètres d'eau salée. Malgré les moyens lourds rapidement mis en œuvre, l'une des deux réparations cède à la marée suivante qui inonde cette fois 200 hectares près de de Oye-Plage. Dans le port de Calais, le quai d’Angoulême est sous l'eau, sans victimes humaines[4].

Aujourd'hui, le réseau des Wateringues est géré par institution l'Institution interdépartementale des wateringues[5].

Articles connexes

Liens externes

Site de l'Association des wateringues wallonnes

Portail de l'Institution des wateringues

Notes et références

  1. Erreur dans la syntaxe du modèle ArticleDolez, Marcel, « Les Moëres, étude d'une association syndicale de dessèchement dans la région du Nord de la France. », dans , 1907 
  2. Erreur dans la syntaxe du modèle ArticleDelaine, G., « Les waeteringues du Nord de la France », dans , 1969 
  3. Bulletin des sciences géographiques, économiques, voyages, tome XXII, Paris, imprimerie Firmin Didot, publié par la société pour la propagation des connaissances scientifiques et industrielles, 1830 (voir p. 105)
  4. Amis du Vieux Calais – Gilles Peltier
  5. Portail institutionnel des wateringues

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Watringue de Wikipédia en français (auteurs)

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