Translatio studiorum

Translatio studiorum

Translatio studiorum est une locution latine, voire un syntagme figé , utilisé pour caractériser le déplacement des lettres grecques (et particulièrement la philosophie) du monde grec vers le Proche-Orient syriaque, puis arabe, suite à la fermeture des écoles philosophiques grecques non-chrétiennes par l'empereur Justinien en 529 après Jésus-Christ. On peut traduire en français cette locution latine en transmission des études, voire en transfert des études, ou en déplacement des études.

Sommaire

Historique

En 529, l'empereur Justinien fait fermer les écoles philosophiques sous le prétexte qu'elles dispensent un enseignement non-chrétien. Tombent sous ce décret, non seulement les écoles d'Athènes (et particulièrement l'Académie fondée par Platon) autour de 380 av. J.-C., mais aussi les écoles répandues dans le monde grec, notamment les écoles d'Alexandrie. La date est intéressante, car elle permet de situer le transfert et l'exil d'un certain nombre de professeurs et de maîtres de philosophie vers les territoires qui ne tombent pas sous la juridiction de Justinien. Parmi ces territoire, la Syrie, qui sera gouvernée par le roi sassanide Khosro Ier (Kushraw) et son petit-fils, se montre particulièrement accueillante. Les Grecs se rendent notamment à Antioche, Damas, Apamée, Alep et se placent sous la protection de cette dynastie perse, qui n'hésitera pas à s'allier aux Arabes.

La translatio par la traduction

Apud arabes

La chose importante à garder à l'esprit, outre le contexte historique qui voit les Grecs se réfugier au Proche-Orient sous la protection des dernières dynasties perses, est qu'au final, les textes majeurs de ce qui apparaît déjà comme une tradition philosophique (Platon, Aristote), ou scientifique (Galien, etc.), sont traduits dans les langues locales et notamment en syriaque. C'est à ce compte que l'on peut comprendre qu'à partir des années 650 les conquérants arabes trouveront une masse documentaire impressionnante, qu'ils feront traduire à leur tour en arabe.

La translatio studiorum apparaît ainsi comme ce vaste mouvement de transmission d'une partie des manuscrits grecs au monde latin, via la circulation des textes de la Grèce à la Syrie, de la Syrie au Dar el-Maghrib, c'est-à-dire à l'Occident. Elle apparaît ainsi à la fois comme un dépôt et un filtre dans le mouvement d'appropriation de la culture grecque au monde arabe; à l'issue de ce mouvement, au sein duquel on peut identifier la famille de traducteurs à laquelle appartient Ishaq ben Hunain, l'Occident latin découvrira certains éléments d'Aristote, via les traducteurs juifs, espagnols ou provençaux comme Ibn Tibbon.

L'histoire des textes

Une tendance exagérée consiste à croire que l'Occident latin a été entièrement ignorant de la pensée grecque jusqu'au XIIIe siècle, période qui a vu naître les grands commentaires et la grande synthèse de l'Aristote chrétien pensé par Thomas d'Aquin. En réalité, les textes grecs ont circulé avant même l'empire byzantin jusqu'à l'Occident latin; il n'y a qu'à se référer à un Boèce ou un Claudien Mamert parmi d'autres, pour voir que les théories et les polémiques grecques n'ont pas attendu une date tardive pour pénétrer dans l'empire romain déclinant (Boèce a utilisé les catégories d'Aristote pour théoriser la théologie trinitaire chrétienne). Mais on doit sans doute relever le fait que certains textes originaux ne sont apparus que tardivement en Occident, alors que l'on possédait des commentaires ou des synthèses, et autres compilations à une date assez ancienne.

On oublie également trop souvent qu'après Justinien, les textes grecs antiques continueront d'être recopiés et étudiés dans l'Empire byzantin (seul procédé de conservation de l'époque) dans les centres monastiques de Grèce et à Constantinople, ce que les Latins découvriront avec la prise de Constantinople en 1204.

Se pose également, parallèlement et conjointement à la question de la translatio studiorum le problème de l'établissement des sources que les philosophes de l'empire romain finissant, comme des intellectuels arabes, pouvaient avoir en leur possession. De même qu'à une période déjà ancienne se posait la question de la fidélité aux textes et aux sources, fidélité qui semble aujourd'hui être la marque scientifique du discours vrai, rien ne permet de croire que la transmission des études grecques au monde arabe ait pu être de manière continue une transmission fidèle. C'est la raison pour laquelle, un certain nombre de questions ne sauraient être résolues que par une enquête historique et paléographique sérieuse, supposant des qualités scientifiques de haut niveau (comme par exemple la maîtrise des diverses langues originales par l'étudiant ou le professeur) et de leur emploi sur papyrus.

La question de la translatio studiorum, ou si l'on préfère de la transmission des études, qui trouve son archétype dans ce mouvement de traduction et de transmission de la Grèce à l'Occident latin, rend très sensible le fait que tout enseignement philosophique suppose une culture approfondie en histoire et une maîtrise des langues philosophiques comme le grec et le latin (pour ne rien dire des langues modernes).

Bibliographie

  • Rémi Brague. Europe, la voie romaine. Paris, 1992.
  • Alain de Libera. La philosophie médiévale. Paris, PUF, 2004.
  • Sylvain Gouguenheim. Aristote au Mont-Saint-Michel : les racines grecques de l'Europe chrétienne, Paris, Seuil, 2008.

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