Tomyris

Tomyris

Tomyris (parfois Thomyris) est une reine légendaire des Massagètes, célèbre pour avoir décapité Cyrus le Grand et plongé sa tête dans une outre remplie de sang pour venger son fils[1]. Elle est considérée comme la dernière reine des Amazones.

Sommaire

Sources historiques et littéraires du personnage

Selon Hérodote, Cyrus, désireux d'accroître son empire, avait demandé la main de Tomyris, devenue reine des Massagètes à la mort du roi son époux[2]. La reine ayant refusé cette alliance intéressée, Cyrus avait fait avancer son armée. Tomyris aurait dans un premier temps tenté de régler pacifiquement le conflit, mais Cyrus, mal conseillé (« ne serait-ce pas une chose aussi insupportable que honteuse pour Cyrus, fils de Cambyse, de reculer devant une femme ? »[2]), avait décidé d'avoir recours aux armes. Il réussit par la ruse à s'emparer du fils de Tomyris, Spargapises ou Spargapithès, et de ses soldats ; la reine aurait alors fait une ultime tentative pour éviter la guerre et réclamé que Cyrus libère les otages ; mais son fils, honteux de s'être laissé prendre ignominieusement, se serait suicidé ; comprenant que toute solution pacifique était impossible, la reine s'était résolue à livrer bataille. En 529 avant l'ère chrétienne, à l'issue de violents combats au cours desquels Cyrus trouva la mort, les Massagètes triomphèrent des Perses. Selon Hérodote, la reine fit rechercher la dépouille de son ennemi, lui fit couper la tête qu'elle ordonna de plonger dans une outre remplie de sang humain[2]. L'historien antique conclut toutefois sur cet avertissement : « On raconte diversement la mort de Cyrus ; pour moi; je me suis borné à ce qui m'a paru le plus vraisemblable. »

Ce récit est en effet contredit par les versions de la mort de Cyrus données par des auteurs comme Xénophon (Cyropédie), il est néanmoins repris par Valère Maxime (Actions et paroles mémorables, livre IX) dans un chapitre intitulé « De la vengeance », par Justin qui attribue la mort du fils de Tomyris à Cyrus[3], ainsi que Ptolémée de Lucques dans De Regimine principum (3.8.3.)[4].

L'épisode de la chute du conquérant orgueilleux et le traitement humiliant réservé à sa dépouille font de l'épisode un exemplum que les poètes et les moralistes citent volontiers, ainsi Lucien de Samosate (v. 120–après 180), dans « Charon ou les contemplateurs »
« Comme il y a là de quoi rire ! Et cependant on ose à peine les regarder, ces potentats superbes et méprisants. Qui croirait que tout à l'heure celui-ci sera fait prisonnier, et que celui-là aura la tête dans une outre pleine de sang ? ». Pendant plusieurs siècles, la mort de Cyrus fait l'objet de mentions succinctes, comme celle que lui consacre Sidoine Apollinaire (Caius Sollius Apollinaris Sidonius) (430-486) dans ses Carmina (IX) ou Dante dans son Purgatoire (xii), comme exemplum de la fugacité de la gloire.

Tomyris apparaît dans une œuvre anonyme du début du XIVe siècle, le Speculum Humanae Salvationis, en compagnie des héroïnes bibliques Jaël et Judith, comme exemple de la Force terrassant le mal. Boccace (1313 – 1375) fait lui aussi de Tomyris une héroïne positive dans son De claribus mulieris, recueil de biographies de femmes illustres ; cette version « féministe» inspire Christine de Pisan, qui consacre un passage élogieux à la reine dans La Cité des dames (XVII « Où il est question de Thomyris, reine des amazones »), aux côtés d'autres héroïnes dont la bravoure et les exploits guerriers démontrent que la Force (Fortitudo), vertu cardinale, n'est pas l'apanage des hommes. Boccace inspire aussi Eustache Deschamps qui la sélectionne avec Penthésilée et Sémiramis pour former un trio d'héroïnes païennes dans la série des neuf preuses, pendants féminins des Neuf Preux. Certains auteurs, comme Jean Marot, le suivront dans cette voie[5]. Si le récit d'Hérodote inspire à Philippe Quinault une intrigue romanesque sans rapport avec le récit de l'historien antique (La Mort de Cyrus, 1656), au XVIIIe siècle, Marie-Anne Barbier exploite la veine de l'héroïsme féminin en lui consacrant une tragédie, Tomyris.

Thomyris, Queen of Scythia, créé le 1er avril 1707 à Londres, est un opéra de Johann Christoph Pepusch sur un livret de Pierre-Antoine Motteux.

Dans les arts plastiques

La popularité du thème de Boccace inspire les peintres humanistes érudits. L'épisode de la mort de Cyrus rejoint la série d’exempla mettant en scène des femmes fortes, les viragos, mais reste moins populaire auprès des artistes que Judith tranchant la tête d' Holopherne ou Jaël enfonçant un clou dans le crâne de Sisra. Vers 1450, Andrea del Castagno représente les femmes illustres décrites par Boccace, dont Tomyris, dans une fresque aujourd'hui conservée à la galerie des offices de Florence. Il existe des représentations de la scène par Joos van Winghe[6], Luca Ferrari, Mattia Preti (1613-1699) (Thomyris, musée du Louvre) et le musée des beaux-arts de Boston conserve un tableau de Pierre-Paul Rubens, La Reine Tomyris devant la tête de Cyrus. Sujet de concours pour le prix de Rome de 1776 remporté par François-Guillaume Ménageot, l'épisode restera populaire jusqu'à la fin du XIXe siècle, comme en témoigne le Tomyris et Cyrus de Gustave Moreau (Musée Gustave Moreau, Paris)[7].

Astronomie

(590) Tomyris, astéroïde du système solaire découvert le 4 mars 1906 par l'astronome allemand Max Wolf, porte son nom.

Notes et références

  1. Hérodote, Histoire Livre 1.CCXIV
  2. a, b et c Histoire, I, CCV
  3. Justin, Abrégé des Histoires philippiques de Trogue Pompée [détail des éditions] [lire en ligne] (I, 8 )
  4. (en) « Women in the Military, Scholastic Arguments and Medieval Images of Female Warriors » (Les Femmes dans l'armée, arguments scolastiques et représentations des femmes guerrières au Moyen Âge), James M. Blythe, http://www.imprint.co.uk/hpt/179.PDF
  5. Jeanne d'Arc dossier de la Bnf, p. 4
  6. Grisaille, reproduction
  7. Voir aussi Base Joconde

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