Assemblée nationale d'Épidaure

Assemblée nationale d'Épidaure
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La Première Assemblée nationale d’Épidaure (en grec moderne : Α' Εθνοσυνέλευση της Επίδαυρου / 1re Ethnosynéleusi tis Epídavros) (1821-1822) fut la première réunion de ce qui est devenu de nos jours le Parlement hellénique, à proximité de l'antique Épidaure. Elle fut une étape importante de la guerre d'indépendance grecque. Elle proclama l'indépendance du pays le 1er janvier julien (12 janvier du calendrier grégorien) 1822. Elle donna aussi au pays sa première constitution de l'ère moderne.

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'Épidaure
Épidaure
Néa Epídavros
Néa Epídavros

Sommaire

L'assemblée

Contexte

Germanos bénit les insurgés grecs.
Article détaillé : guerre d'indépendance grecque.

La guerre d’indépendance grecque fut une guerre de libération contre l’occupation ottomane.
Le 22 février (julien)/ 6 mars (grégorien) 1821, Alexandre Ypsilántis, militaire grec au service du Tsar de Russie et chef de la Filikí Etería, franchit le Prout, entrant en Moldavie, où il chercha à soulever la population. L'insurrection était commencée. Il prit Jassy, sans encombre, le jour même. Le 8 mars 1821 il publia la proclamation qui était le signal officiel du début de la guerre d’indépendance grecque. Mais, les populations balkaniques ne répondirent pas à l’appel à l’insurrection des Grecs[1]. Ypsilántis fut battu par l’Empire ottoman en Moldavie et Valachie après neuf mois d'âpres combats. Sur le territoire grec, les premiers affrontements eurent lieu dans le Péloponnèse et en Épire. Là Ali Pacha de Janina s’était révolté contre le Sultan Mahmud II. Il s'était allié avec les patriotes grecs organisés dans la Filikí Etería et qui préparaient le soulèvement national depuis la fin du XVIIIe siècle[2].
Tandis que les troupes ottomanes tentaient de réduire Ali Pacha, l’insurrection grecque fut déclenchée dans le Péloponnèse. Elle commença entre le 15 et le 20 mars 1821, sur toute la côte Nord du Péloponnèse (Patras, Vostitsa, Kalavryta) et dans le Magne. Le 25 mars, l’archevêque de Patras Germanos, proclama la guerre de libération nationale.
Les premières victoires avaient été grecques : de mars à septembre, les Ottomans reculèrent partout[3]. Le 23 septembre (julien) / 5 octobre (grégorien), Theódoros Kolokotrónis avait conquis Tripolitza, la capitale de la Morée. Les Grecs étaient maîtres partout : le Péloponnèse était libre, ainsi que la Grèce centrale du Makrinoros aux Thermopyles. Les Ottomans ne tenaient plus que Vonitza, Naupacte, Antirrhion et Athènes[4].

Les Grecs avaient organisé des gouvernements locaux dans les diverses régions insurgées. Un Sénat (ou « Gérousia ») du Péloponnèse se mit en place de façon spontanée d'abord à Kalamata sous la forme d'une Gérousia de Messénie le 6 avril 1821, puis dans les montagnes de Laconie le 7 juin pour l'ensemble de la presqu'île. Il s'agissait d'une assemblée de notables (« bourgeois », prêtres, chefs de guerre) représentative mais non élue[5]. Les notables d'Étolie et d'Acarnanie s'étaient réunis en Assemblée de la Grèce continentale de l'Occident à la mi-novembre à Missolonghi. Ils avaient mis en place un Sénat (ou « Gérousia ») de la Grèce continentale de l'Occident, dirigé par Aléxandros Mavrokordátos[4]. Fin novembre, début décembre un Aréopage pour la Grèce continentale de l'Est émana de la réunion de l'Assemblée de la Grèce continentale du Levant réunie à Salona[4]. Les îles diposaient aussi de gouvernements locaux[6]. Il fallait donc essayer d'organiser le pays à un niveau supérieur.
Le Sénat du Péloponnèse s'était d'ailleurs fixé comme objectif la prise de Tripolitza. Il avait ensuite prévu de se dissoudre et de convoquer une assemblée pour l'ensemble de la Grèce. La ville d'Argos avait d'abord été choisie pour réunir les délégués de toute la Grèce[4]. Elle fut jugée trop proche de Nauplie tenue par les Ottomans : on se déplaça finalement à Épidaure.

À Épidaure

Le 20 décembre (julien) 1821 (1er janvier 1822 grégorien), cinquante-neuf représentants des diverses régions engagées dans la lutte contre l'occupation ottomane se réunirent à Piada (rebaptisée de nos jours Néa Epídavros), tout près de l'ancienne Épidaure. Ils venaient principalement de Morée (vingt représentants), de la Grèce du Levant (vingt-six représentants), de la Grèce de l'Occident (huit ou neuf représentants) et des îles d'armateurs : (Hydra, Psara et Spetses). Les îles de l'Égée n'avaient pas de représentants. Quelques phanariotes étaient aussi présents. Il y avait enfin des délégués de l'Aréopage, qui avaient voix délibérative bien que n'ayant pas été désignés par une élection[7].
Parmi les représentants, on comptait : vingt propriétaires terriens, treize armateurs, douze intellectuels, quatre chefs de guerre, trois membres du haut clergé et trois marchands[8].

Les Grecs étaient alors divisés en deux partis : celui des « politiques » et celui des « capitaines ».
Le parti des politiques dominait dans le Péloponnèse. Il avait le soutien des trois îles et des évêques. Il était ainsi prépondérant dans l'Assemblée d'Épidaure au début des travaux. Il était dirigé par Mavrokordátos ce qui lui donnait aussi le soutien d'une partie de la Grèce continentale de l'Occident. Le parti des politiques était plutôt libéral, défendant le concept de la souveraineté nationale, à l'occidentale[7].

Dimitrios Ypsilantis

Le parti des capitaines, qui avait au début de la guerre sa plus grande influence en Grèce centrale, avait progressé dans le Péloponnèse grâce aux victoires de Kolokotronis. Celui-ci dirigeait le parti des capitaines, en lien étroit avec Dimítrios Ypsilántis. Sous l'influence d'Ypsilántis, très lié, comme son frère Alexandre au modèle autocratique russe, le parti des capitaines penchait pour la mise en place d'un pouvoir autoritaire, voire dictatorial le temps du conflit. Mais, le parti des capitaines était divisé en nombreux courants, correspondant aux différents chefs de guerre[7]. L'assemblée fut dominée pr les politiques, aucun délégué issu des militaires ne participant aux débats[9].

Dimítrios Ypsilántis semblait, dans les premiers temps de l'assemblée, le mieux placé pour assumer le pouvoir suprême. Son aura militaire, l'importance de l'expédition de son frère dans les provinces danubiennes au début de la guerre d'indépendance et le soutien russe faisaient de lui le candidat idéal. Les politiques s'employèrent immédiatement à diminuer son influence. Lui-même se disqualifia : il refusa la présidence de l'assemblée et quitta Épidaure pour le siège de Corinthe[7].

Mavrokordátos assura la présidence de l'assemblée. Les premières décisions furent d'interdire la publicité des séances et des compte-rendus[7]. Ensuite, les représentants furent regroupés en quatre « classes » en fonction de leur provenance géographique (Morée, Grèce du Levant, Grèce d'Occident et Îles). Chaque classe désigna trois membres qui formèrent la commission constitutionnelle[7].

Représentants

Grèce continentale de l'est

Une vingtaine de députés, dont Theodoros Negris.

Insulaires de l'Égée (Hydra, Spetses, Psara)

Une dizaine de députés, dont Emmanuel Tombazis.

Grèce continentale de l'ouest

Sept députés dont A. Mavrokordatos et Ioannis Kolettis.

Péloponnèse

Huit députés, dont Petros Mavromichalis, Germanόs de Pátras, Panoútsos Notarás.

Autres

Certains délégués auraient assisté ou participé à une partie des débats, sans être signataires des travaux de l'assemblée.

  • Dimitrios Panourgias (pour Salona)
  • Dimítrios Ypsilántis qui quitta très rapidement l'assemblée

Décisions

Aléxandros Mavrokordátos

Mesures législatives

Les principales décisions de l'Assemblée furent :

Il fut aussi établi que le gouvernement central n'avait pas vocation à remplacer les divers gouvernements locaux[6].

La constitution

Première page de la Constitution.

Sa rédaction est attribuée à un Italien, V. Gallina. Elle était inspirée des constitutions américaine et française (1795)[12].
Les deux premiers chapitres de ce texte traitaient des grandes valeurs et définissaient la citoyenneté[11].
Le Christianisme orthodoxe était la religion officielle de l'État, mais les autres religions disposaient de la liberté de culte. Ce Christianisme orthodoxe servait aussi à définir la citoyenneté : étaient considérés comme Grecs tous les « indigènes[11] » (personnes nées en Grèce) de religion orthodoxe. Tout étranger disposait cependant, tout au long de son séjour en Grèce des mêmes droits civils que les Grecs.
Les Grecs étaient considérés comme égaux devant la loi, les emplois (pas de privilège) et l'impôt proportionnel à la fortune et soumis à l'approbation législative.

Les chapitres III à VI organisaient les institutions du nouvel État[11] : IV Pouvoir législatif, V Pouvoir exécutif et VI Pouvoir judiciaire.
Ces institutions étaient le résultat d'un compromis, non pas au sein de l'assemblée ou entre les différents partis grecs, mais vis-à-vis de l'Europe occidentale[7] : il fallait qu'elles soient suffisamment démocratiques pour satisfaire les libéraux occidentaux qui soutenaient la cause grecque (et qui deviendraient par la suite les philhellènes), mais aussi qu'elles ne le soient pas trop pour ne pas mécontenter la Sainte Alliance.

L'initiative des lois était partagée entre le législatif et l'exécutif.
Le pouvoir législatif était confié à un Sénat législatif, élu tous les ans par les Grecs de plus de trente ans. Le Sénat votait, avec droit d'amendement, les lois proposées par le Conseil exécutif. Celui-ci, composé de cinq membres choisis hors du Sénat législatif[13] et ressemblant au Directoire de la France révolutionnaire[6], exerçait le pouvoir exécutif et avait droit de veto sur les lois proposées par le Sénat. Le Conseil nommait huit ministres : relations extérieures, intérieur, finances, justice, guerre, marine, culte et police (à entendre dans son sens ancien : organisation de la polis, cité, donc plus ou moins l'économie). Il nommait aussi à tous les autres postes gouvernementaux nécessaires[11].

Fin de l'Assemblée

Désignation du Conseil exécutif et du Sénat législatif

Le 15 janvier (julien) 1822, l'Assemblée d'Épidaure nomma les cinq membres du Conseil exécutif, présidé par Aléxandros Mavrokordátos. On y trouvait, outre Mavrokordátos : Thano Kanacaris, vice-président, Anagnostos Papagiannopoulos, Ioannis Orlandos et Giannaki Logothetis. Le Conseil nomma les ministres : Theodoros Negris, Président du Conseil des ministres et archi-chancelier, Ioannis Kolettis à l'intérieur, Panoútsos Notarás aux finances, Notis Botzaris à la guerre, Theodoros Vlasis à la justice, l'archevêque Androussi Joseph aux cultes et Lambros Nakos à la police. La marine, sensible, fut confiée à une commission de trois membres, un par île d'armateurs[14]. Botzaris étant occupé en Épire par les combats autour du Souli, c'est Ioannis Kolettis qui assuma la fonction de ministre de la Guerre par intérim.

L'Assemblée désigna ensuite un Sénat législatif de trente-trois[6] ou de cinquante-neuf[15] membres (les sources divergent), dont le président était Dimitrios Ypsilantis et le vice-président Sotiris Charalambis[16],[17],[18]. La loi électorale fut aussi votée : l'élection serait à plusieurs degrés (les électeurs désignant des électeurs qui votaient) et le corps électoral composé des notables des diverses régions grecques.

L'Assemblée se sépara alors. Les deux institutions entrèrent en fonction à Épidaure, puis elle se déplacèrent à Corinthe le 31 janvier (julien) / 12 février (grégorien)[14].

Les germes de la première guerre civile

Lors de cette Assemblée d'Épidaure, le parti des politiques, des notables avait réussi à imposer sa conception du pouvoir. Il l'avait emporté sur le parti militaire. Ces derniers ne voulaient pas reconnaître leur défaite tandis que les politiques désiraient se débarrasser définitivement du parti des militaires. Cet antagonisme se manifesta pleinement lors de l'assemblée suivante, en 1823 à Astros, et finit par aboutir à une première guerre civile opposant d'une part une alliance entre les notables du Péloponnèse et des îles et d'autre part les « militaires » du parti de Kolokotronis[6].


Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

  • (en) David Brewer, The Greek War of Independence. The Struggle for Freedom from Ottoman Oppression and the Birth of the Modern Greek Nation., The Overlook Press, New York, 2001. (ISBN 1585673951)
  • M. Brunet de Presle et Alexandre Blanchet, Grèce depuis la conquête romaine jusqu'à nos jours., Firmin Didot, 1860.
  • Georges Contogeorgis, Histoire de la Grèce, Coll. Nations d’Europe, Hatier, 1992. (ISBN 2-218-03-841-2)
  • Nicolas Svoronos, Histoire de la Grèce moderne., Que Sais-Je ?, PUF, 1964.
  • Apostolos Vacalopoulos, Histoire de la Grèce moderne., Horvath, 1975. (ISBN 2717100571)
  • Clogg Richard, A concise history of Greece. Cambridge : Cambridge University Press, 2002. (2e édition)
  • Koliopoulos Giannis et Veremis Thanos, Greece : the modern sequel : from 1831 to the present. Londres : Hurst & Company, 2002.

Notes

  1. Richard Clogg, A Concise History of Geeece., Cambridge UP, (ISBN 0521378303), p. 33.
  2. Georges Contogeorgis, Histoire de la Grèce., p. 341-342.
  3. An Index of events in the military history of the greek nation., p. 24-36
  4. a, b, c et d Brunet de Presle et Blanchet, p. 493-494.
  5. Brunet de Presle et Blanchet, p. 475.
  6. a, b, c, d, e et f N. Svoronos, pp. 42-43.
  7. a, b, c, d, e, f et g Brunet de Presle et Blanchet, p. 496.
  8. Article wiki anglais qui ne cite pas ses sources.
  9. Brewer 2001, p. 129
  10. Le texte de la constitution dans Brunet de Presle et Blanchet sur Gallica
  11. a, b, c, d, e, f, g et h Brunet de Presle et Blanchet, p. 497-500.
  12. Fondation for the Hellenic World
  13. Les modalités de choix n'étaient pas précisées dans la constitution.
  14. a et b Brunet de Presle et Blanchet, p. 501.
  15. Achille de Vaulabelle, Histoire des deux restaurations., Perrotin, 1860, tome VII, p.361
  16. Louis-Maxime Raybaud, Mémoires sur la Grèce pour servir à l'histoire de la guerre de l'Indépendance, accompagnés de plans topographiques., Tournachon-Moulin Libraire, Paris, 1824-1825., T 2 p.167
  17. «Τα κατά την αναγέννησιν της Ελλάδος» «Ήτοι, συλλογή των περί την αναγεννώμενην Ελλάδα συνταχθέντων πολιτευμάτων, νόμων και άλλων επισήμων πράξεων από του 1821 μέχρι του 1832», Ανδρέου Ζ. Μαμούκα, Πειραιάς, Τυπογραφία Ηλίου Χριστοφίδου, Η αγαθή τύχη, 1839, Τόμος Β', σελ. 54-55
  18. Brunet de Presle et Blanchet, p. 501.

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