Revolution chinoise de 1911

Revolution chinoise de 1911

Révolution chinoise de 1911

La Révolution chinoise de 1911 ou Révolution Xinhai (en sinogrammes simplifiés  ; en sinogrammes traditionnels 辛亥革命 ; en pinyin Xīnhài Gémìng; désignée ainsi du fait du système de datation du cycle sexagésimal chinois) est le mouvement politique qui aboutit à renverser la Dynastie des Qing après 268 ans de règne (1644-1912). Le système impérial qui gouvernait la Chine depuis des millénaires disparait, pour laisser place à la République de Chine.

Drapeau adopté par les insurgés lors du soulèvement de Wuchang.
Drapeau portant l'emblème du Tongmenghui.

Sommaire

Contexte

Au XIXème siècle, la Chine s'ouvre au monde extérieur. La première guerre, puis la Seconde guerre de l'opium mettent en évidence le retard de l'Empire, soumis par les pays étrangers aux traités inégaux. A partir des années 1860, le gouvernement met en place une série de réformes politiques et techniques connues sous le nom de Mouvement d'auto-renforcement, mais les défaites de la Chine dans la guerre franco-chinoise et la première guerre sino-japonaise met à nouveau en lumière le retard de son armée. A partir de 1895, les appels à la réforme se font de plus en plus pressants dans l'opinion. En 1898, l'Empereur Guangxu tente de moderniser le pays, mais sa réforme des cent jours tourne court et il est emprisonné par la faction conservatrice de l'impératrice douairière Cixi. Le soutien de l'Empire à la révolte des Boxers, et l'échec de celle-ci, aggravent encore la situation internationale de la Chine et l'image de la cour.

Le gouvernement impérial tente de reprendre la main en instituant une série de réformes, notamment la suppression de l'examen impérial, qui bouleverse en profondeur l'organisation des élites chinoises. Mais l'administration apparaît sclérosée et, surtout, dominée par l'ethnie mandchoue, minoritaire, à laquelle appartient la dynastie Qing. Le ressentiment d'une partie des chinois hans, qui représentent l'ethnie majoritaire, va grandissant.

Les mouvements révolutionnaires

A partir des années 1890, divers mouvements nationalistes voient le jour : le Xingzhonghui (Société pour le redressement de la Chine ou Association pour la renaissance de la Chine) fondé à Honolulu en 1894 par Sun Yat-sen, ou le Huaxinghui (Société pour faire revivre la Chine), fondé par Huang Xing. En août 1905 à Tokyo, divers membres des précédentes organisations s'unissent pour fonder le Tongmenghui (littéralement « société de loyauté unie », parfois traduit en « ligue jurée »). Le Tongmenghui axe son action sur trois principes définis par Sun Yat-sen : le nationalisme (indépendance, lutte contre l'impérialisme étranger et la domination mandchoue), la démocratie (établissement d'une république) et le bien-être du peuple (droit à la propriété de la terre égal pour tous). Entre 1895 et 1911 les différentes sociétés secrètes mènent de nombreux soulèvements armés, qui échouent sans pour autant décourager les révolutionnaires[1].

Ces mouvements échouent sans Ces mouvements insurrectionnels ne visent pas à uniquement à réformer le pays mais à changer l’ordre social et à fonder une république, garantissant notamment les droits de la majorité han jusque-là dominée par la minorité mandchoue. Ces mouvements ont lieu dans le sud du pays où existent beaucoup de sociétés secrètes, qui aident les révolutionnaires, ainsi qu'à Hong Kong, un lieu de passage qui permet des contacts avec l’extérieur. L’échec de la tentative d'insurrection de Sun Yat-sen à Canton le conduit à s’exiler au Japon. Au cours des dix années qui suivent, il cherche des soutiens financiers à travers le monde. L'agitation révolutionnaire gagne les diasporas chinoises, notamment en Malaisie et aux Etats-Unis, où des fonds sont collectés pour le Tongmenghui.

Le prélude à la révolution

En 1905, des notables décident de construire avec leur propres fonds des voies de chemin de fer en Chine ; or en mai 1911 les autorités impériales décrètent la nationalisation des voies de chemin de fer, les puissances étrangères voyant d’un mauvais œil l'influence du milieu des notables nationalistes. Les indemnités proposés aux notables chinois leur paraissent insuffisantes: ils créent des comités de défense notamment au Sichuan. Une ligue pour la protection des chemins de fer est créée, mais ses manifestations entrainent l'arrestation de ses dirigeants, suivie de manifestations pour réclamer la libération de ces derniers. La répression des manifestations cause plusieurs victimes, radicalisant la contestation. Les sympathies révolutionnaires gagnent la nouvelle armée du Hubei, un tiers environ de ses 15 000 hommes) soutenant les républicains. En mai 1911, l'empire nomme un nouveau gouvernement, dirigé par le prince Yikuang et comptant une forte majorité de mandchous, ce qui est vécu comme une provocation. A cette forte tension politique s'ajoute le désastre naturel causé par la crue du Yangtsé en juillet, qui cause environ 100 000 victimes[2] sans que le gouvernement impérial n'apporte de réponse à la hauteur, les catastrophes naturelles étant pour certains Chinois le signe que l'Empereur a perdu le mandat du ciel[3].

Début du soulèvement

Article détaillé : Soulèvement de Wuchang.

A Wuhan, les insurgés déclenchent un soulèvement armé le 10 octobre : le gouvernement impérial tarde à réagir et dès le lendemain, la ville est contrôlée par les insurgés, qui proclament la sécession de la province sous l'égide d'un gouvernement républicain, dirigé par le général Li Yuanhong, qui appelle les autres provinces à l'insurrection.

Insurrection générale

Plusieurs provinces Chinoises proclament leur indépendance dans les semaines qui suivent : le 22 octobre, une troupe de révolutionnaires comptant des soldats de l'armée du Hubei marche sur Changsha et prend la ville, tuant le gouverneur du régime Qing. Le même jour, des membres du Tongmenghui lancent une insurrection à Xi'an et achèvent de prendre le contrôle de la ville le 23. Toujours le 23, le Tongmengui, mené notamment par Lin Sen, emmène un soulèvement des troupes du Jiangxi : un gouvernement militaire est proclamé à Jiujiang. Le 29, une insurrection armée, comptant Yan Xishan parmi ses leaders, se éclate à Taiyuan : le gouverneur du Shanxi est tué et la province déclare à son tour son indépendance. Le 30, après la prise de Kunming, Cai E devient le chef du gouvernement militaire du Yunan. Le 31, Nanchang est prise à son tour par le Tongmenghui.

La cour impériale réagit en nommant le 14 octobre le général Yuan Shikai à la tête du gouvernement. L'armée de Beiyang est envoyé vers le sud pour affronter les insurgés et prend Hankou mais, dès le 2 novembre, Yuan Shikai entame des négociations secrètes avec les révolutionnaires, ne croyant plus à l'avenir de la dynastie Qing qui, déconsidérée depuis la guerre des Boxers, ne peut espérer aucun appui de l'étranger. Le 9 novembre, Huang Xing prend contact avec Yuan et lui propose la tête de l'État.

Le 3 novembre, l'insurrection éclate à Shanghai, le gouvernement militaire étant proclamé dans la ville cinq jours plus tard. Le 4, la révolte gagne le Guizhou. Le 5, le gouverneur du Jiangsu, Cheng De, est amené par les insurgés à déclarer l'indépendance de la province. Le 6, c'est le tour du Guangxi et le 9, celui du Fujian, où le vice-roi Song Shou se suicide. Toujours le 9, l'indépendance du Guangdong est déclarée, Hu Hanmin prenant la tête du gouvernement de la province. A la fin novembre, le Xichuan tombe à son tour. Le même jour, Li Yuanhong télégraphie à tous les gouverneurs insurgés pour leur proposer de tenir une conférence à Wuchang et de fonder un nouveau gouvernement central. La conférence débute le 30 novembre, les délégués s'accordant finalement pour établir un gouvernement provisoire. Le 2 décembre, les révolutionnaires prennent Nankin.

Le 3 décembre, les troupes de Yuan Shikai s'accordent sur un cessez-le-feu avec les révolutionnaires et entame des négociations de paix.

Le 11, les délégués de dix-sept provinces, venus de Shanghai et Hankou, se réunissent dans la ville et parlementent à nouveau, s'accordant sur l'élection d'un président provisoire. Un nouveau drapeau national est choisi : certains réclament le choix du drapeau bleu à soleil blanc, emblème du Tongmenghui, mais le choix se porte finalement sur le drapeau à cinq couleurs, symbole de l'union de toutes les ethnies chinoises, qui contrebalance la tonalité jusque-là anti-mandchous de l'insurrection contre la Dynastie Qing. Un compromis est adopté, le drapeau au ciel bleu à soleil blanc devenant l'enseigne de vaisseau de la République. L'élection du président est repoussée, les insurgés apprenant que Yuan Shikai est prêt à les soutenir et décidant d'attendre sa décision.

Le 25 décembre, Sun Yat-sen, jusque-là en exil, arrive à Shanghai : du fait de son prestige, les révolutionnaires lui proposent d'assumer la présidence. L'élection a lieu le 29 décembre à Nankin, en présence de 45 délégués représentant 17 provinces. Recevant les suffrages de 16 provinces sur 17, Sun Yat-sen est élu président.

Proclamation de la République

Le 1er janvier 1912, Sun Yat-sen proclame la République de Chine, lui-même assumant la charge de président provisoire. Nankin devient la capitale provisoire du pays. Sun se rend avec son cabinet sur la tombe de Yongle, empereur de la dynastie Ming et s'adressant à ces ancêtres hans, déclare : « La politique des Mandchous a été une politique extrêmement tyrannique. Motivés par le désir de soumettre perpétuellement les Chinois, les Mandchous ont gouverné le pays au plus grand détriment du peuple. La race chinoise, aujourd'hui, a enfin restauré le gouvernement du peuple de Chine... Le peuple est venu ici pour informer Votre Majesté de la victoire finale ».[4] Plus tard, dans son discours inaugural comme premier président de la République de Chine, Sun Yat-sen annonce « l'unification des peuples han, mandchou, mongol, hui et tibétain »[5].

Abdication de l'Empereur

Acte d'abdication de l'Empereur Puyi.

Le gouvernement impérial ne contrôle plus que le nord, essentiellement la Mandchourie et les régions entourant Pékin. Apprenant la nomination de Sun Yat-sen comme président, Yuan Shikai interrompt le 2 décembre ses négociations avec les révolutionnaires. Le 16, il échappe à un attentat à la bombe organisé par des militants du Tongmenghui qui le considèrent finalement comme un ennemi. Yuan reprend alors contact avec les insurgés, les assurant de sa loyauté envers la République. Le 20 janvier, les révolutionnaires font parvenir à Yuan un télégramme réclamant l'abdication de l'Empereur. Sun Yat-sen annonce de son côté qu'il abandonnera la présidence à Yuan Shikai si ce dernier obtient l'abdication.

Yuan Shikai parlemente alors avec l'impératrice douairière Longyu, lui expliquant ne pouvoir garantir la vie de la famille impériale en cas de refus : l'impératrice accepte de publier l'édit d'abdication, le gouvernement républicain s'engageant de son côté à permettre à Puyi, alors âgé de six ans, de demeurer dans la Cité interdite, tout en percevant une pension et en continuant de bénéficier de ses serviteurs. Le 12 février, l'édit impérial annonçant l'abdication de Puyi est publié : une ligne précise que Yuan Shikai est mandaté pour diriger le gouvernement provisoire.

Débuts difficiles de la République

Le Sénat provisoire accepte aussitôt Yuan Shikai comme nouveau président provisoire. Le 10 mars, Yuan succède officiellement à Sun Yat-sen, déplace à nouveau la capitale du pays à Pékin, et commence à recevoir la reconnaissance du nouveau régime par les pays étrangers. Le 25 août, le Tongmenghui et différents groupes nationalistes se dissolvent pour fonder ensemble le Kuomintang.

En février 1913, le nouveau parti remporte les premières élections législatives libres : Song Jiaoren, l'un de ses leaders, apparaît favori pour devenir premier ministre, mais il est assassiné, les soupçons se portant sur Yuan Shikai. Ce dernier effectue bientôt un coup d'état, établissant sa propre dictature militaire, entraînant en 1915 la Chine dans le bref épisode de la restauration impériale.

Voir aussi

Liens externes

Notes et références

  1. Dr Sun & 1911 Revolution
  2. Catastrophes naturelles et prévention des risques
  3. Mandat céleste - la Chine
  4. Une histoire du Tibet : Conversations avec le Dalaï Lama, de Thomas Laird, Dalaï-Lama, Christophe Mercier, Plon, 2007, ISBN 2259198910
  5. China White Paper, Tibet:its Ownership and Human Rights Situation, Texte du Conseil des affaires de l'État de la République populaire de Chine septembre 1992, reproduit sur le site de Free Tibet Campaign
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