Marcel Hanoun

Marcel Hanoun

Marcel Hanoun, né à Tunis (Protectorat français de Tunisie) le 26 octobre 1929, est un cinéaste et photographe français.

Sommaire

Biographie

Marcel Hanoun traverse une première fois, enfant, la Méditerranée. Il revient définitivement en France, à Paris, après la Libération. Passionné d’aviation il est auditeur libre en technique aéronautique et en mécanique générale au CNAM.

Un contemporain de la Nouvelle Vague

Dans les années 1950, il suit des cours d’art dramatique et l’enseignement d’André Vigneau au C.E.R.T. (Centre d’Etudes de Radio Télévision). Il est photographe et journaliste tout en pratiquant le cinéma d’amateur. Grand admirateur du cinéma de Robert Bresson (il est fasciné par Un condamné à mort s'est échappé, 1956), il désapprend les règles de la technique et affirme sa propre esthétique du cinéma. Contemporain de la Nouvelle Vague, il pratique des recherches poussées sur le plan, le montage, le désynchronisme linguistique entre image et son, et anticipe sur les travaux de cette dernière. Son premier long métrage Une simple histoire (Grand Prix Eurovision à Cannes/1959) fascine Jean-Luc Godard, qui l'aidera financièrement par la suite; il y pratique, déjà, la séparation de l'image et du son et créé un film d'une grande force poétique. Très sollicité, il réalise, dans le système, Le Huitième jour (1960, avec Emmanuelle Riva). Déçu par le résultat, il quitte la France et s'établit en Espagne pour quelques années, où il tourne des documentaires sur, entre autres, la corrida ou la Passion du Christ, avant de trouver, avec Octobre à Madrid (1964), son véritable style et sa manière de faire : le sujet de cet opus est le film en train de se faire; Hanoun commente les événements vrais ou inventés, imagine son casting, filme diverses postulantes : ces "préparatifs" forment, en fait, le film achevé, tel qu'il est montré au public. Cette question de la création, commentée en direct, sera à la base de la plupart de ses films ultérieurs. La politique de l’exception culturelle pratiquée en France n'est pas suffisamment ouverte et radicale pour prendre la véritable mesure du travail de Marcel Hanoun. Le cinéaste et ses films circulent dans les universités américaines et les cinémathèques. À New York, Jonas Mekas est fasciné par ses travaux et en fait le cinéaste français le plus important depuis Bresson.

Une œuvre méconnue en France

Entre 1970 et 1980, Hanoun fait des tournées d’universités aux États-Unis et au Canada où il présente son travail et anime des ateliers. En France, il se heurte à l’exclusion pratiquée par les tenants timorés de l’exception culturelle. Marcel Hanoun pose un principe de base : le cinéaste est un créateur d’écriture, non un « auxiliaire de production ». Le 6 mars 1973, en riposte au 3 ème refus de la commission d’avance sur recettes du CNC d’examiner le scénario de La Vérité sur l'imaginaire passion d'un inconnu, il entame une grève de la faim. Son geste connaît un certain retentissement et la commission procède à la lecture du projet. Il accepte alors de surseoir à sa grève. Par 6 voix contre 6, la commission refuse l’avance... Il réalise néanmoins le film qui est présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes. Il obtient une seule fois, sur toute sa carrière, l'avance sur recettes pour Le Printemps (1970).

Ceci n’empêche par Marcel Hanoun de tourner avec frénésie. « L’exemplarité de mon engagement serait de filmer, tant que les moyens techniques même les plus pauvres de filmer existeront. Je filme comme d’autres ont la nécessité d’écrire avec seulement de l’encre et du papier. Je filme dans les interstices des vastes espaces marchands. Il n’est pourtant pas toléré qu’il puisse en être, de filmer comme d’écrire » (Marcel Hanoun, 1985). Dès Octobre à Madrid, il met en place non seulement le thème récurrent, lancinant, sur lequel il reviendra, avec de nombreuses variations, tout au long de sa carrière, celui du film en train de se faire, mais aussi le cérémonial qu’il établit désormais avec ses spectateurs : il est souvent présent aux séances et invite, vivement, ces derniers à dialoguer avec lui. En 2010, malgré le fait qu’il doive subir une dialyse tous les trois jours, on le voyait souvent aux projections de ses films à la Cinémathèque française qui lui a consacré un hommage conséquent. Il crée, aussi, des revues censées traiter majoritairement de ses films. C’est le cas, en 1969, avec Cinéthique, dont il dirige les trois premiers numéros. Parti tourner et monter L'Hiver en Belgique, il est dessaisi de ses fonctions et la revue change de style. Il crée, en 1977 Changer le cinéma, dans la même optique. Hanoun publie, aussi, régulièrement des recueils de textes sur son travail : L’Insoutenable regard de la caméra (E.C. Éditions, 1995), Cinéma cinéaste (Yellow Now, 2001). '

L'identité du film en train de se construire, sujet central de la filmographie d'Hanoun

De retour en France, après son séjour en Espagne, Hanoun réalise un film qui fait date : L’Authentique procès de Carl Emmanuel Jung (1966). Il y évoque un personnage imaginaire, mais dont le portrait pourrait être celui d’un criminel de guerre nazi. Le mot juif n’est jamais prononcé, on parle toujours d’étrangers lorsqu'on évoque les victimes de Jung. Le cinéaste replace le personnage dans le cadre de la société d’abondance des années 1960. Mélomane et cultivé, il n'a, apparemment, rien d'un bourreau. Ce sont les images, la musique, le montage, le son qui instruisent, en fait, le procès. Hanoun se méfiera toujours des faits historiques (ou de société) déformés par les médias. Comme chez Brecht, la mise à distance du pathos permet au spectateur de réfléchir, avec plus de sérénité, à cette douloureuse question du génocide (qui peut réapparaître partout, dans tous les contextes). En 2004, le réalisateur évoque, dans L’ Étonnement, le cas Bertrand Cantat-Marie Trintignant de manière très distanciée qui prend une mesure salutaire avec le bourrage de crâne orchestré, à l'époque, par les radios et télévisions. De 1968 à 1970, Hanoun tourne ses quatre saisons, d’abord les saisons fortes : L’Été (1968) et L’Hiver (1970), puis les saisons transitoires : Le Printemps (1970) et L’Automne (1972).

Ses principales préoccupations y sont synthétisées : L’Été est tourné en août 1968. Sa jeune protagoniste, entourée de diverses photos des événements de Mai (dont la couverture du numéro 1 de Cinéthique), réfléchît sur les récents événements en attendant son fiancé. Tout est calme, pourtant on sent, plastiquement, dans les interstices de l’attente, dans le superbe noir et blanc contrasté, à travers, enfin, le chuintement d’une radio qui annonce l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie, que le personnage vit dans une époque de transition sociale. Le Printemps met en parallèle la cavale d’un homme recherché par la police et l’arrivée des premières règles chez une adolescente (sa fille ?). Ce film anticipe sur le « dégendrement » qu’opère le cinéaste dans La vérité sur l’imaginaire passion d’un inconnu, où le rôle du Christ est tenu, tour à tour, par un homme et par une femme. L’Hiver et L’Automne sont des œuvres plus spécialement liées au processus de la création même (respectivement, comment faire et comment monter un film). Les identités et les rôles sont souvent, et volontairement, mélangés et confondus dans les films de Hanoun.

Sans soutient institutionnel, Hanoun commence à tourner en 16 millimètres, puis en Super 8 et en vidéo, sans jamais baisser les bras. Il réalise, avec Un film (autoportrait) (1985), une mise au point subjective (il a commencé à employer le je dès Octobre à Madrid, bien avant Godard) et magistrale sur son esthétique, sa manière de faire, son combat et sa pugnacité. Après 1976, Hanoun est, durant quelques années, chargé de cours à l’Université Paris I. En 1994, une rétrospective est organisée au Galerie nationale du Jeu de Paume. En 1997, il anime une projection/débat à la Maison des Écrivains : Écrire/Filmer. Un hommage à son œuvre en vidéo a lieu, en 1997, au Festival de Locarno.

La tardive reconnaissance institutionnelle

Intéressée depuis longtemps par le travail de Marcel Hanoun, l'équipe de l’Action culturelle de la Cinémathèque française, a préparé longuement et très sérieusement la rétrospective qui s'est tenue, en mai 2010, dans ses locaux. À cette occasion, un grand nombre de ses œuvres a été restauré[1]. « C’est intéressant, parce que c’est en partie cela le cinéma de Marcel Hanoun » précise Bénoliel[2] : « Une œuvre qui n’en finit jamais et une œuvre actuelle, presque actualisée de se nourrir de l’actualité (une œuvre comme un feu aussi se nourrit de ce qui le consume, lui en tant qu’homme ; il a d’ailleurs intitulé un de ses films en vidéo, Je meurs de vivre [1992], et un autre – sur Roland Topor : Le cinéma au travail comme la mort, 1997). Toute sa vie, il a fait des films à partir de fait-divers, à partir de sa lecture des journaux, d’une information entendue à la radio, bref à partir de ce qui fait notre histoire collective (sauf erreur, pas une adaptation littéraire avouée, en revanche, en 70 films) »[3].

Espaçant de plus en plus ses "productions", Marcel Hanoun travaille essentiellement en vidéo légère; il utilise également le téléphone portable. Le support lui importe moins que sa création qu'il peut, ainsi, poursuivre en toute liberté.

Sur Marcel Hanoun

  • "Cinéaste maudit par excellence, il est marginalisé à la fois par l’industrie et par la critique " (Marcel Martin, Dictionnaire Larousse du Cinéma).
  • Pour Jean-Louis Bory (Questions au cinéma, Stock) : "…une réflexion acharnée, rigoureuse, minutieuse, obsédante, obsédée sur le cinéma lui-même. Sur le cinéma s’interrogeant sur l’aventure qu’il est lui-même, enchaînant images et sons pour la fascination…"
  • Soutenu par Jonas Mekas, qui le considère comme le cinéaste français le plus important depuis Robert Bresson, le milieu expérimental en fait, dans les années 1970, un de ses mentors : "Hanoun bâtit une esthétique faite de ruptures, de collages, et qui nécessite de la part du spectateur un profond investissement personnel." (Raphaël Bassan, Encyclopædia Universalis, 2005)[4]. Dans son livre Praxis du cinéma (1969), Noël Burch consacre un chapitre entier à Une simple histoire.
  • "La passion, le regard, l’authenticité d’Hanoun font que son œuvre défie réellement le temps." (Christiane Kolla/cinéaste)
  • "Presque chacun de ses films est un métafilm. Comme Flaubert, invisible au-dessus de sa création et en même temps dévoilant tout dans sa correspondance. Toujours l’oxymore.". (Dominique Noguez)
  • "...En revanche, j'ai très souvent adhéré à des expériences avec des gens comme Marcel Hanoun, Marguerite Duras ou Samuel Beckett, qui inventent des choses complètement inédites ... "..(Michael Lonsdale et le métier d'acteur, Le Monde du 31/03/06.
  • "Marcel Hanoun se situerait des deux côtés à la fois, dans ses films il questionne le cinéma comme il questionne le monde, et voir l’un d’eux, au-delà d’éventuelles réactions de rejet, toujours possibles tant le modèle dominant est prégnant, c’est commencer à comprendre ce qu’est le cinéma, qui n'a rien à voir avec l’histoire et le scénario, contrairement à ce que répètent depuis cinquante ans, dans le sillage d’André Bazin, ceux qui voudraient faire croire qu'il y aurait quelque part de l'expérimental, réservé à quelques fêlés, et ailleurs, ouf, quel soulagement de n'être pas obligé de penser, le cinéma, le vrai, celui qui mérite d'être vu par les spectateurs..." (Anne Guérin-Castell, Mediapart)

Citations

"Sur le tard de ma vie, cinéaste, depuis longtemps je sais, j’ai su toujours que l’exception, la diversité culturelles, sont des leurres qui nous feraient croire que la culture est dissociée de l’argent, qu’elle n’est pas conditionnée par le préalable d’une rentabilité financière, qu’elle est un pur commerce de l’esprit, insoumise aux règles d’un commerce ordinaire, d’une marchandisation.

Je n’ai presque jamais matériellement vécu de mes créations cinématographiques. J’ai juste rêvé mes films, j’en ai été, pour la plupart, le peintre et l’écrivain. Mes œuvres n’ont jamais vécu à travers des instances, des institutions, détournées de leurs vocations culturelles, démissionnaires. Avec des moyens pauvres et dérisoires, avec l’aide, la bonne volonté de ceux qui ont travaillé avec moi, j’ai pu réaliser mes films.

Je les ai volés, arrachés à une part d’ombre, rarement offerte au Public, interdite. Mes films ont été soustraits à la propagande d’une certaine intelligentsia critique, convenue, servile, sans créativité, sans esprit de découverte, ne devant sa survie que d’avoir partie liée avec la seule prospective commerciale." (avril 2010)


"De tous les sens, l'odorat est celui qui me frappe le plus. Comment l'odeur, le goût, se font-ils parfum, comment nos nerfs se font-ils nuances, interprètes subtiles, sublimes de ce qui ne se voit pas, ne s'entend pas, ne s'écrit pas avec des mots ? L'odeur serait comme une âme, immatérielle."

Notes

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Marcel Hanoun de Wikipédia en français (auteurs)

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